Des chercheurs de l'unité Inserm 29 à l'Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED), sous la direction de Yehezkel Ben-Ari, viennent de démontrer pour la première fois que la mère informe et prépare le foetus à l'accouchement grâce à l'ocytocine, hormone responsable de la survenue des contractions. En effet, sous l'action de cette hormone, les neurones foetaux sont anesthésiés et donc prêts à affronter le traumatisme et/ou le manque d'oxygène inhérents à la naissance. Ces résultats publiés dans Science ont également des implications sur la prévention des accouchements prématurés. Les substances habituellement administrées pour contrer l'action de l'ocytocine pourraient en effet empêcher les neurones foetaux de se protéger en cas de complications.

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    Comment le foetus se prépare-t-il à l'accouchement ?

    Comment le foetus se prépare-t-il à l'accouchement ?

    Les complications lors de l'accouchement sont des causes majeures de séquelles neurologiques graves : épilepsie, handicap moteur, retard mental, etc. En cause, le choc traumatique et/ou le manque d'oxygène au moment de la naissance qui affecte le développement du cerveau du nourrisson. Une question fondamentale restait irrésolue : le foetusfoetus est-il informé de l'imminence de l'accouchement afin de s'y préparer, et si oui, par quels mécanismes ?

    On sait que quelques heures avant l'accouchement, sous l'action d'une série d'événements et de la diminution du taux de progestérone circulant chez la mère, l'hypothalamushypothalamus fabrique puis libère une hormonehormone dans le sang : l'ocytocineocytocine. Elle agit sur l'utérusutérus en favorisant la survenue des contractions, sur les seins au niveau des canaux responsables de la lactation et favoriserait même le sentiment maternel. Des chercheurs de l'unité Inserm 29 à l'Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED) sous la direction de Yehezkel Ben-Ari viennent de découvrir aujourd'hui que la mère informe et prépare le foetus à l'accouchement grâce à cette même hormone.

    Des enregistrements de neuronesneurones centraux de souris juste avant et après la naissance montrent qu'à ce stade les neurones sont extrêmement inhibés, un peu comme s'ils avaient été soumis à un traitement fortement anesthésiantanesthésiant. Les chercheurs montrent ensuite que l'hormone ocytocine libérée par la mère juste avant l'accouchement est à l'origine de cette inhibitioninhibition.

    En effet, l'administration à la mère d'une substance qui bloque les récepteurs à l'ocytocine - par exemple celles utilisées en pratique clinique humaine pour retarder le travail et empêcher des naissances prématurées - bloque cette inhibition. Roman Tyzio et ses collègues montrent ensuite que le cerveau du nouveau-né est beaucoup plus résistant à des épisodes d'anoxieanoxie (absence d'oxygène) quand les neurones sont « endormis » sous l'effet de l'hormone que lorsque cette action est bloquée. En d'autres termes, l'hormone que libère la mère prépare le foetus à l'accouchement en augmentant la résistancerésistance des tissus au manque d'oxygène et probablement aux traumatismes de la naissance.

    Ces résultats soulèvent des questions majeures quant aux pratiques autour de l'accouchement. L'utilisation de médicaments bloquant les récepteurs à l'ocytocine pour retarder le travail et prévenir les accouchements prématurés comporte-t-elle des risques accrus pour le cerveau de l'enfant à naître, du fait de la suppression de la protection apportée par l'ocytocine au cerveau en cas de complication de l'accouchement ? Le faible passage de ces médicaments de la mère au foetus, leur courte duréedurée d'action, sont des éléments en partie rassurants, mais il n'est pas possible pour l'instant de répondre avec certitude à cette question. Les résultats de Tyzio et al devraient donc être portés à la connaissance des praticiens, et les inciter à bien peser dans chaque cas le choix du médicament à utiliser pour tenter d'empêcher l'accouchement prématuré .

    Il serait souhaitable de développer d'autres agents, qui bloquent par exemple les récepteurs utérins mais pas les récepteurs centraux des foetus. D'une façon plus générale les chercheurs estiment qu' « on ne peut s'attaquer au problème des accouchements prématurés sans prendre en compte les problèmes de neuro-protection des foetus ». « Il est trop tôt par contre pour évaluer les implications éventuelles de ces observations sur les césariennescésariennes effectuées car les effets protecteurs des hormones à ces stades précoces n'ont pas été étudiés » ajoute Yehezkel Ben Ari.