À peine 200 personnes en France ont été vaccinées contre la Covid-19 depuis le 27 décembre, contre 78.000 en Allemagne et plus de 2,13 millions aux États-Unis. Quels sont les pays les plus en avance et pourquoi la France accuse-t-elle un si gros retard ?


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    Plus de 5 millions de doses de vaccin contre la Covid-19 ont déjà été administrés à travers le monde. Mais alors que certains pays réalisent des dizaines de milliers d'injections par jour, espérant sortir le plus vite possible de l'épidémie, la France semble vouloir prendre son temps et n'a vacciné que quelques dizaines de personnes. Des différences qui font polémique et qui ne s'expliquent pas uniquement par une question de disponibilité des doses.

    Israël : pays le plus avancé au monde pour la vaccination

    « D'ici un mois, 2,25 millions de personnes auront été vaccinées. Nous pourrons sortir du coronavirus, rouvrir l'économie, et faire des choses qu'aucun autre pays monde ne pourra faire », s'est vanté le Premier ministre Benjamin Netanyahou le 27 décembre dernier. Israël, qui a déjà connu trois confinements, est le pays le plus avancé au monde en matièrematière de vaccination. L'État hébreu a ainsi administré en seulement neuf jours le vaccin à plus de 643.600 personnes, sur un total de neuf millions d'habitants, soit 7,4 % de sa population. La vaccination s'effectue 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 au rythme de 150.000 personnes par jour.

    Si Israël peut se permettre une telle rapidité, c'est parce que l'État a acheté ses doses 43 % plus cher que le prix du marché pour être servi prioritairement, selon la presse locale. Un surcoût pour les finances publiques parfaitement assumé. « Chaque jour de confinement coûte une fortune en détruisant des vies entières », justifie Yishay Falick, le directeur d'un hôpital de Jérusalem.

    Royaume-Uni : une campagne menée au pas de charge

    Non seulement le pays a commencé sa vaccination plus tôt que les autres, mais la campagne est menée au pas de charge. Plus de 800.000 doses ont déjà été injectées depuis le 8 décembre, soit 1,18 personne vaccinée pour 100 habitants. Pour accélérer encore la cadence, le pays vient d'approuver le vaccin d'AstraZenecaAstraZeneca : quelque 100 millions de doses ont été commandées, dont 4 millions seront disponibles dans les jours à venir. Et comme elles peuvent être stockées dans un frigo normal, cela devrait grandement faciliter la distribution. Selon le ministre de la santé Matt Hancock, le Royaume-Uni devrait être sorti de l'épidémie au printemps.

    Allemagne : des « vaccinodromes » géants

    Avec 78.000 personnes vaccinées en quelques jours,  l'Allemagne est loin devant la France : sa campagne a commencé le 27 décembre. Le pays a installé plus de 400 centres de vaccination dans des aéroports ou des centres d'exposition et salles de concert. Pourtant, le gouvernement est aussi critiqué pour sa lenteur. Outre-Rhin, on se plaint surtout de problèmes logistiques et de retards de livraison. Le pays a aussi accusé la France à demi-mot d'avoir voulu favoriser des commandes auprès de son fabricant national Sanofi, dont le vaccin ne sera finalement pas disponible avant la fin 2021 au détriment des vaccins de PfizerPfizer et Moderna. Le ministre de la Santé Jens Spahn a cependant assuré que « tous les Allemands souhaitant se faire vacciner pourront le faire d'ici l'été ».

    Bahrain : la population entière bientôt couverte

    Le Bahrain, l'un des premiers pays à avoir approuvé le vaccin chinois Sinopharm le 13 décembre (celui de Pfizer a également reçu une autorisation d'urgence), est l'un des plus avancés avec 55.000 personnes vaccinées au 30 décembre, soit près de 3,4 pour 100 habitants. Le vaccin est administré gratuitement à toute personne de plus de 18 ans enregistrée préalablement sur un site InternetInternet. Le Koweit, l'Arabie saoudite et le Qatar se sont eux aussi lancés dans une campagne massive de vaccination avec pour objectif de couvrir l'ensemble de leur population en quelques mois.

    Israël est le pays qui vaccine le plus au regard de sa population. © <em>Our World in Data</em>
    Israël est le pays qui vaccine le plus au regard de sa population. © Our World in Data

    États-Unis : l’opération Warp Speed en marche

    Aux États-Unis, où le virusvirus a déjà fait près de 350.000 morts, 2,6 millions de doses ont été administrées entre le 14 et le 30 décembre, soit 161,820 doses par jour selon CNN. On est loin des 20 millions annoncés d'ici la fin de l'année par le président Trump mais cela représente la moitié de toutes les doses administrées dans le monde. L'objectif est d'immuniser 100 millions de personnes avant la fin du premier trimestre 2021, et 100 autres millions avant la fin du deuxième trimestre. Il s'agit, dans la majorité des cas, du vaccin Pfizer/BioNTech mais aussi celui de Moderna, autorisé depuis le 21 décembre.

    Chine et Russie : des programmes expérimentaux de grande ampleur

    Contrairement aux pays occidentaux, la Chine n'a pas attendu d'autorisation de mise sur le marchéautorisation de mise sur le marché pour lancer une campagne massive de vaccination, lancée dans un « programme d'urgence ». Plus d'un million de Chinois se sont déjà vu administrer le vaccin de Sinopharm, pour l'instant seul vaccin chinois disponible en attendant ceux de Sinovac et CanSino -- les chiffres ne sont toutefois pas mis à jour, le cap du million ayant déjà été annoncé en novembre. Par rapport à sa population, la Chine n'est donc pas dans les premières, mais il faut dire que, là-bas, l'épidémie a quasiment disparu, rendant l'urgence moins pressante.

    En Russie, où c'est le vaccin maison Spoutnik V qui est administré, 150.000 personnes auraient reçu le vaccin au 25 décembre, selon le site RFE/RL. Afin de convaincre les deux tiers de sceptiques, le gouvernement a annoncé la création de « passeports immunitaires », permettant par exemple de travailler ou de circuler librement.

    Trois consultations pour administrer un vaccin, ça prend beaucoup trop de temps

    France : une lenteur d’escargot

    Avec à peine 200 doses distribuées, la France ne figure même pas dans les statistiques et fait clairement figure de mouton noir. Les injections se font au compte-gouttegoutte dans les maisons de retraite et on voit mal comment l'objectif d'immuniser les 22 millions de Français les plus à risque d'ici fin avril pourrait être rempli. Une des raisons de ce retard est le « consentement éclairéconsentement éclairé », une spécificité unique au monde qui exige des entretiens préalables avec un médecin pour chaque patient. « Trois consultations pour administrer un vaccin, ça prend beaucoup trop de temps », s'énerve sur LCI Édouard Obadia, médecin-réanimateur à l'hôpital de Montreuil. De nombreux médecins dénoncent également la lourdeur administrative qui va jusqu'à indiquer la taille des seringues à utiliser.

    Dans le gouvernement, on assume la lenteur de la vaccination. « Je ne confonds pas vitessevitesse et précipitation », a déclaré le ministre de la Santé OlivierOlivier Véran, le 29 décembre, assurant que la France aura rattrapé son retard à la fin du mois de janvier. « On n'est pas parti pour un 100 mètres mais pour un marathon », a-t-il ajouté. D'autres membres du gouvernement invoquent la réticence des Français qui sont à peine 40 % à vouloir se faire vacciner. Mais, contrairement aux idées reçues, prendre son temps n'est pas forcément la bonne solution pour décider les sceptiques. « Ce n'est pas en avançant à tout petits pas que l'on arrivera à les convaincre, au contraire. Ils vont se dire que si on va si lentement, c'est qu'on n'est pas sûr de soi et qu'il y a un danger », fustige le généticiengénéticien Axel KahnAxel Kahn sur Europe 1.

    Huit pays européens dont l'Espagne n'ont, quant à eux, pas encore débuté leur campagne de vaccination en raison d'un problème de logistique à l'usine Pfizer en Belgique. Les Pays-Bas, qui n'ont pas encore validé l'homologation faite par l'Agence européenne du Médicament lundi dernier, devraient de leur côté entamer les vaccinations le 8 janvier.