Une récente interview du Professeur Didier Raoult circule sur les réseaux sociaux. Elle suggère que la campagne de vaccination aurait accentué le nombre de cas, autrement dit qu'elle aurait aidé le SARS-CoV-2 à se propager. C'est faux. 


au sommaire


    Le Professeur Raoult se donne encore en spectacle malgré la menace émanant de l'Ordre des médecins qui pèse sur lui. Dans une interview donnée à Sud Radio (dont nous ne mettrons pas le lien en hypertexte pour éviter de lui accorder plus de référencement qu'elle n'a déjà), il affirme beaucoup de choses, notamment que les personnes vaccinées seraient, en réalité, un vecteur prépondérant du virus. Il soutient son propos par plusieurs arguments censés être factuels : « une proportion importante des vaccinés qui sont testés positifs à l'IHU le seraient dans un intervalle de temps court après une dose de vaccin » ou « plus une population est vaccinée dans un pays, plus on recense un grand nombre de cas actuellement ». Pour Didier RaoultDidier Raoult, la conclusion est sans appel : le vaccin facilite l'infection à SARS-CoV-2 en produisant des anticorps « facilitants ». Voyons pourquoi toutes ces affirmations sont inexactes. 

    Une proportion importante des vaccinés serait positive au SARS-CoV-2 rapidement après une dose de vaccin 

    Cette affirmation n'est soutenue par aucune donnée publiée. En effet, on ne trouve rien actuellement dans la littérature scientifique qui compare le taux de positivité des différents groupes de la population en fonction de la distance qui les sépare d'une dose de vaccin. Elle ne concerne donc que ce que Didier Raoult croit observer à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) de Marseille. Une observation qui peut être entachée de nombreux biais.

    Premièrement, les vaccinés représentent la majorité de la population et les vaccinés récents également étant donné la campagne en cours pour les doses de rappels. Il n'est donc pas étonnant de constater qu'ils sont plus nombreux à être positifs en valeur absolue. Pour corroborer l'hypothèse du Professeur Raoult, il faudrait démontrer qu'à population comparable, les vaccinés récents (encore faut-il définir le groupe « vaccinés récents » et ne pas changer de groupe les patients pour soutenir notre hypothèse de départ) sont plus positifs que les vaccinés non récents et les non-vaccinés. Pour les hospitalisations et les cas graves, on sait très bien que les non-vaccinés sont les plus représentés par rapport à la part de la population qu'ils représentent. Deuxièmement, même si cette hypothèse était corroborée, cela ne voudrait pas forcément dire que le vaccin est en cause. Il existe des hypothèses auxiliaires : par exemple, en se sachant vacciné et mieux protégé contre les formes graves de la Covid-19Covid-19, il est possible que l'on se relâche et que nous tentions de maximiser nos gains individuels : sortir, voir des amis, en somme moins respecter les gestes barrières. Enfin, des données récentes suggèrent que le vaccin réduit la transmission du variant Alpha et Delta, ce qui vient en contradiction avec l'hypothèse de Didier Raoult.

    Selon Didier Raoult, le vaccin serait responsable de la hausse des cas. Son affirmation n'est pas corroborée par les données actuelles. © Stéphane de Sakutin, AFP
    Selon Didier Raoult, le vaccin serait responsable de la hausse des cas. Son affirmation n'est pas corroborée par les données actuelles. © Stéphane de Sakutin, AFP

    Les pays qui ont vacciné le plus sont les pays avec le plus grand nombre de cas 

    Cette affirmation est trompeuse. Certains pays parmi les plus vaccinés comme les États-Unis sont effectivement dans le cas énoncé par le Professeur Raoult. Pourtant, ce n'est pas le cas de certains pays comme la Chine ou l'Inde. Mais l'hypothèse du Professeur Raoult est plus fine et consiste à dire que c'est la vaccinationvaccination récente qui favorise la circulation du virus. Pourtant, d'autres hypothèses bien plus parcimonieuses comme l'apparition du variant Omicron ou le brassage dans les écoles peuvent sans doute expliquer la hausse des cas. En effet, on trouve peu de publications traitant des anticorps « facilitants » dans le cadre de la Covid-19. Une revue de la littérature sur les avancés dans la prise en charge de la Covid-19 les mentionne comme risque hypothétique après l'administration d'anticorps monoclonauxanticorps monoclonaux. Un article de 2020 paru dans la revue Nature explique, quant à lui, que la présence et le rôle de ces anticorps dans l'infection à SARS-CoV-2 sont encore mal connus. Aussi, l'hypothèse de ces anticorps est historiquement liée à l'accroissement de complications vitales chez des personnes ayant déjà contracté la Dengue.

    Actuellement, les formes graves sont bien réduites par la vaccination et la seule présence hypothétique de ces anticorps ne saurait remettre en cause les bénéfices cliniques des vaccins disponibles. Même si cet état de fait vient à changer, cela ne sera pas suffisant pour démontrer que la vaccination est une cause prépondérante de la propagation du SARS-CoV-2, ni qu'elle n'est pas bénéfique sur le plan clinique.