Qu'est ce qui pousse un individu à réduire l'autre à un objet ou un instrument de plaisir, sans se soucier de ce qu'il ressent ni à en éprouver de remords à postériori ? Quels sont les traits de caractère récurrents et associés à l'objectivation sexuelle ? C'est ce que des chercheurs américains ont souhaité savoir afin de prévenir la dérive vers le harcèlement et les violences sexuelles.


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    Des professeurs en psychologie de l'université Emory (Géorgie, Etats-Unis) ont réalisé une étude publiée dans Personality Disorders sur le type de personnalité qui pousse à l'objectivation sexuelle des personnes, c'est-à-dire le fait de considérer un individu uniquement sous un angle sexuel.

    Les auteurs de l'étude se sont basés sur les caractéristiques de personnalités des patients atteints de psychopathie, un trouble mental rare caractérisé par une déficience du contrôle des émotions et des impulsions, qui peut se traduire par l'incapacité à s'adapter à son milieu social ou l'absence de remords après avoir commis un acte répréhensible. 

    La plupart des personnes qui présentent certains traits de personnalité associés à la psychopathie ne remplissent pas les critères d'une psychopathie à part entière, tempère toutefois Scott Lilienfeld, professeur de psychologie à l'université Emory, expert en troubles de la personnalité et coauteur de l'étude. 

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    Pour déterminer si les traits sous-jacents à la psychopathie pouvaient aider à comprendre et à prédire statistiquement les attitudes d'objectivation sexuelle dans la population générale, l'enquête s'est appuyée sur 800 Américains (hommes et femmes) qui ont rempli un questionnaire d'auto-évaluation comprenant des éléments sur les attitudes et les comportements relatifs à l'objectivation sexuelle, ainsi qu'aux traits de personnalité liés à la psychopathie. 

    L'analyse des réponses recueillies a montré que la méchanceté ou la rivalité à l'encontre des autres était le plus fort prédicteur des attitudes d'objectivation sexuelle, suivi de près par la désinhibition. © Andrey Popov, Adobe Stock
    L'analyse des réponses recueillies a montré que la méchanceté ou la rivalité à l'encontre des autres était le plus fort prédicteur des attitudes d'objectivation sexuelle, suivi de près par la désinhibition. © Andrey Popov, Adobe Stock

    Les hommes, plus enclins à l'objectivation sexuelle 

    L'analyse des réponses recueillies a montré que la méchanceté à l'encontre des autres ou la rivalité était le plus fort prédicteur d'attitudes d'objectivation sexuelle, suivi de près par la désinhibition. La froideur affective était également un trait courant, mais moins important que les deux premiers. 

    Comme on pouvait s'y attendre, un plus grand nombre d'hommes que de femmes a été identifié comme susceptible de se livrer à une attitude d'objectivation sexuelle. Toutefois, les femmes qui ont rapporté des attitudes d'objectivation sexuelle présentaient des caractéristiques relatives à la psychopathie plus marquées que les autres. 

    L'objectivation sexuelle peut être un précurseur du harcèlement et de la violence sexuelle

    « Les normes sociales pouvant être beaucoup plus fortes contre les femmes qui objectivent sexuellement les autres, cette attitude peut donc être moins susceptible d'être exprimée, sauf chez les femmes ayant des degrés plus élevés de ces traits de personnalité », suppose Thomas Costello, coauteur de la recherche.

    De l'objectivation aux violences sexuelles

    « Comprendre les traits de personnalité associés à l'objectivation sexuelle nous permet d'identifier les personnes qui risquent d'avoir cette attitude et éventuellement, de mettre en place des programmes d'intervention ciblés. C'est important car l'objectivation sexuelle peut être un précurseur du harcèlement et de la violence sexuelle. Le débat de société actuel et la prise de conscience croissante du problème de l'objectivation sexuelle sont une grande opportunité pour la recherche sur les raisons de ce phénomène », conclut le chercheur.