Le prix Nobel de Médecine 2019 a été attribué à William Kaelin, Gregg Semenza et Peter Ratcliffe pour leurs recherches sur l'adaptation des cellules à l'apport variable d'oxygène. Plus spécifiquement, ils ont résolu le mystère du mécanisme moléculaire à l'origine de l'adaptation à l'hypoxie.


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    Cette année, trois personnes sont récompensées par le prix Nobel de Médecine ou Physiologie. Il s'agit de William G. Kaelin Jr., Sir Peter J. Ratcliffe, et Gregg L. Semenza pour « leurs découvertes sur la façon dont les cellules perçoivent et s'adaptent à la disponibilité en oxygène ». Ils ont dévoilé les mécanismes moléculaires régulant l'activité génétique, en réponse aux variations du niveau en oxygène. Leurs travaux expliquent ainsi un procédé d'adaptation essentiel des cellules, et octroient de nouvelles possibilités pour combattre l'anémie, les cancers, et d'autres maladies qui impliquent la perception cellulaire de l'oxygène.

    Qui sont les lauréats du Nobel de Médecine 2019 ?

    William G. Kaelin Jr. est professeur de médecine à l'université d'Harvard, spécialisé en oncologie. En 2016, il a reçu le Lasker Award pour ses recherches, un prix attribué aux personnes réalisant des avancées majeures en médecine. Il travaille notamment sur les protéines suppresseurs de tumeurs.

    Sir Peter J. Ratcliffe est docteur ainsi que biologiste cellulaire et moléculaire à l'hôpital John Radcliffe de l'université d'Oxford. Son prix Nobel récompense ses travaux sur les réactions cellulaires à l'hypoxie, c'est-à-dire à l'absence d'un approvisionnement suffisant en oxygène dans une partie ou la totalité du corps.

    Gregg L. Semenza était déjà connu pour sa découverte de HIF-1, un facteur de transcriptiontranscription qui permet aux cellules cancéreuses de s'adapter aux environnements pauvres en oxygène. Il est professeur de médecine génétique, de chimiechimie biologique, de médecine, de pédiatriepédiatrie, et aussi de radio-oncologie et de radiations moléculaires.

    Pourquoi sont-ils récompensés ? Le début d’une enquête

    Le prix Nobel de Médecine leur est décerné pour leur explication du mécanisme moléculaire encadrant la réponse cellulaire aux variations d'oxygène, et plus précisément à l'absence d'oxygène.

    Une réponse clé à l'hypoxie est l'augmentation des niveaux d'érythropoïétineérythropoïétine (EPO), une hormonehormone majoritairement produite par les reinsreins. Elle stimule la prolifération des cellules souchescellules souches précurseurs des érythrocytesérythrocytes, ou « hématies », encore plus communément appelées « globules rouges ». Ainsi, l'augmentation des niveaux d'EPO entraîne une production accrue d'érythrocytes. Semenza travaillait sur la façon dont les taux d'oxygène régulent le gènegène de l'EPO, tout comme Ratcliffe. Ils ont tous les deux trouvé, indépendamment, que le mécanisme de perception de l'oxygène était présent dans tous les tissus, et pas seulement dans les reins où est produit l'EPO. Il serait induit par un segment d'ADNADN localisé à côté du gène de l'EPO.

    Par la suite, Semenza a identifié un complexe protéique qui se lie à ce segment d'ADN de façon oxygène-dépendante : le Hypoxia-inducible factor (HIF). En 1995, il a découvert les gènes codant l'HIF, qui est composé de deux sous-complexes protéiques : HIF-1α et ARNTARNT. Ainsi, lorsque les niveaux d'oxygène sont élevés, les cellules contiennent peu de HIF-1α. Tandis que si les taux d'oxygène sont bas, les quantités d'HIF-1α augmentent pour réguler l'EPO à la hausse. Un mécanisme de régulation de l'HIF-1α est la dégradation par le protéasome, un complexe enzymatiqueenzymatique. Pour que le protéasome puisse reconnaître ce qu'il doit dégrader, un petit peptique est attaché aux protéines : l'ubiquitineubiquitine. Mais comment l'ubiquitine peut s'accrocher à l'HIF-1α de façon oxygène-dépendante ?

    Une découverte cruciale et le prix Nobel de Médecine s’approche

    Lors de ses recherches sur la maladie de Von Hippel-Lindau (maladie de VHL), Kaelin a pu montrer que les cellules cancéreuses présentent des niveaux anormalement élevés de gènes régulés par l'hypoxiehypoxie, si elles n'ont pas de gène VHL fonctionnel. Quand le gène fonctionnel est réintroduit dans les cellules, les niveaux redeviennent normaux. Grâce à d'autres équipes de chercheurs, on a su que la protéine VHL fait partie d'un complexe qui marque d'autres protéines avec l'ubiquitine, les conduisant à être dégradées. Ces découvertes ont permis à Ratcliffe de démontrer que VHL interagit avec HIF-1α et qu'elle est nécessaire pour que HIF-1α soit dégradé lorsque les niveaux d'oxygène sont normaux.

    Un mystère restait non résolu : comment le taux d'oxygène régule l'interaction entre VHL et HIF-1α ? En 2001, Kaelin et Ratcliffe publièrent deux articles simultanément en mettant en évidence que sous des niveaux d'oxygène normaux, des groupes hydroxyles sont ajoutés à deux positions spécifiques d'HIF-1α. Cela permet à VHL de reconnaître HIF-1α et de s'y agripper, pour amener à sa dégradation par le protéasome. Or, l'ajout des groupes hydroxyles est effectué par des prolyl hydroxylases, qui sont des enzymes... sensibles à l'oxygène ! Ratcliffe a également pu identifier les prolyl hydroxylases responsables. Il a été aussi mis en lumièrelumière que la fonction d'activation génétique d'HIF-1α est régulée par une hydroxylation dépendante de l'oxygène. Chasse aux trésors terminée ! Le coffre recelait trois prix Nobel de Médecine ou Physiologie.