En cinq ans, la production française de bio a doublé. Les trois quarts des Français mangent du bio régulièrement. Les consommateurs placent avant tout le bio comme un atout santé avant même la question environnementale ou le bien-être animal. Et les industriels ne s’y trompent pas : 10 milliards de chiffre d’affaires sont attendus pour la filière bio en 2019 dans l’hexagone.


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    Des centaines de milliers de patients volontaires sont inscrits dans le projet NutriNet mené par une équipe de recherche de Bobigny. Fin 2018, les résultats issus de la sous-cohorte Bio du projet NutriNet ont été publiés dans la revue JAMA (Journal of the American Medical Association).

    Le bio est-il vraiment bon pour la santé ?

    Durant quatre ans et demi, quelque 69.000 consommateurs adultes ont été suivis. Les auteurs concluent qu'un régime riche en aliments bio baisse significativement le risque de développer un type de cancer du système lymphatique (lymphome non hodgkinien). On peut penser que c'est directement attribuable à la moindre exposition aux pesticidespesticides. On ne peut pas affirmer qu'il n'y a pas de pesticides dans le bio mais on peut dire qu'il y a moins de résidu de pesticides quantifiables.

    Citons le magazine Que Choisir, où il est écrit dans son numéro 583 de septembre que « de doses très faibles retrouvées dans deux échantillons de pommes de terrepommes de terre et de lentilleslentilles bio semblent révéler des contaminations accidentelles qui peuvent survenir au champ, ou lors du transport ou d'un stockage avec des aliments traditionnels ».

    On note quand même, pour asseoir définitivement la suprématie du bio dans la question des pesticides, que les études montrent jusqu'à 90 % de réduction de certains biomarqueurs urinaires chez les mangeurs bio. Donc, la conclusion est que oui, le bio c'est bon pour la santé, même en tenant compte de certains biais méthodologiques pointés par exemple par l'Académie d'agricultureagriculture de France (qui ne paraît pas insensible aux vertus d'utilisation des pesticides de synthèse).

    Il est recommandé de manger des fruits bio ou non-bio. © SvenHilker, Pixabay, DP
    Il est recommandé de manger des fruits bio ou non-bio. © SvenHilker, Pixabay, DP

    Faut-il manger obligatoirement des fruits et légumes bio ? 

    Je serai ferme, pas du tout. L'important est de respecter la recommandation de manger cinq fruits et légumes par jour bio ou non. On ne doit pas obliger les gens à faible pouvoir d'achat, comme les étudiants, à se diriger coûte que coûte vers le bio. Les bénéfices santé à manger des fruits et légumes sont prouvés et les études n'ont pas été initialement faites avec du bio.

    Doit-on tous se mettre au bio ? C'est l'une des questions aux réponses délicates. La démocratisation du bio va engendrer une surproduction du bio risquant de faire déraper les pratiques de la vertu vers le bénéfice premier. Et on aura du mal, comme pour le reste de l'alimentation, à concilier bas prix et qualité. Voyez comment les Américains connaissent déjà ce problème. On peut manger peu cher à New York mais c'est catastrophique au niveau qualité nutritionnelle et pour manger équilibré il faut y mettre le prix sans oublier les 20 % de tips et les taxes fédérales. Alors, non 67 millions de Français ne vont pas pouvoir manger bio ! 

     

    À chaque saison ses légumes. © Congerdesign, Pixabay, DP
    À chaque saison ses légumes. © Congerdesign, Pixabay, DP

    C’est la dose qui fait le poison !

    Cette allégation qui reposait sur le principe de Paracelse est désormais remise en question. On peut respecter les doses de pesticides en étant en deçà des seuils de toxicitétoxicité et en même temps subir un effet cumulatif (on parle d'effet cocktaileffet cocktail) lié à l'accumulation de tas de substances chimiques, chacune présente à des quantités non toxiques pour la santé mais dont l'assemblage final engendre une perturbation métabolique nocive pour l'organisme humain. Donc, on doit définitivement balayer cette vieille réflexion comme quoi la dose fait le poison, c'est l'assemblage de substances toxiques et leur combinaison qui au fil du temps, plus ou moins variable, génère de redoutables maladies sur des organismes plus ou moins sensibles à cet environnement.

    Pour conclure

    Nous cultivons l'hypocrisie à la française. Nous sommes le deuxième consommateur de pesticides en Europe derrière l'Espagne. Les nutritionnistesnutritionnistes comme les pouvoirs publics recommandent de manger des fruits et légumes. On condamne récemment un maire qui veut interdire l'utilisation de pesticides à proximité immédiate des habitations de sa ville. On peut penser que les lobbys ont encore de beaux jours devant eux. À preuve, le Nodu « nombre de doses unités », un indicateur du suivi du recours aux produits phytopharmaceutiquesproduits phytopharmaceutiques en France qui continue sa hausse ces dernières années en France. À nous, de savoir utiliser l'arme fatale : le boycott ! 

    Dr Arnaud Cocaul

    En savoir plus sur le Dr Arnaud Cocaul

    Le Dr Arnaud Cocaul est médecin nutritionniste, spécialisé dans la prévention de l'obésité et les troubles du comportement alimentaire en général. Il intervient dans les médias autour de sujets concernant la nutrition, et est favorable à une interface avec les médias. Il dispense des conférences grand public toujours dans l'esprit d'être un passeur et a participé à la réalisation d'une application ludique (Serious game) pour mobile, baptisée KcalMe.

    Son encyclopédie des super aliments :