Une récente étude, qui a mobilisé pas moins de quarante-neuf scientifiques à travers le monde, suggère que notre microbiote oral est extrêmement similaire à celui de l'Homme de Néandertal. 


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    Nous savons désormais que nos microbiotes jouent des rôles fondamentaux dans les fonctions biologiques de notre organisme. Si cet aspect fait l'objet de nombreuses recherches, notamment à des fins thérapeutiques, nous en savons encore très peu sur comment les populations de micro-organismes qui nous colonisent ont évolué à travers le temps.

    Une récente étude, publiée dans la revue Proceedings National Academy of Science (Pnas), apporte des éléments de réponse à ce sujet à propos de notre microbiote oral. 

    Notre microbiote oral remplit des fonctions fondamentales qui sont nécessaires au moins depuis Néandertal. © Alessandro Grandini, Adobe Stock
    Notre microbiote oral remplit des fonctions fondamentales qui sont nécessaires au moins depuis Néandertal. © Alessandro Grandini, Adobe Stock

    124 biofilms dentaires analysés

    Afin de mieux comprendre cette évolution, des chercheurs venus des quatre coins du globe ont entrepris une étude métagénomiquemétagénomique de 124 biofilms dentaires d'Hommes préhistoriques - dont Néandertal - et ils les ont comparé aux microbiotes oraux des humains actuels et d'autres espècesespèces animales modernes. Ils ont découvert qu'un noyau dur de micro-organismes était encore présent chez Homo sapiens et que ce dernier était également partagé avec des espèces animales proches. Cela vient ajouter du grain à moudre à l'hypothèse séduisante du microbiote basalbasal (voir notre article précédent, ci-dessous).

    Néanmoins, des différences notables apparaissent entre des espèces animales modernes et le microbiote oral de Néandertal, tandis qu'il reste hautement similaire à celui des humains modernes. Cela rejoint la conclusion de notre précédent article que les auteurs partagent dans leur article : ces populations microbiennes doivent avoir une utilité fondamentale en matièrematière de fonctions métaboliques et de métabolisme des nutriments. En revanche, d'autres observations suggèrent que certains taxonstaxons, communs à Néandertal et aux populations du Paléolithique supérieur, ne se retrouvent plus chez Homo sapiens actuellement. Cela ouvre la voie vers des analyses plus poussées qui pourront nous permettre de mieux comprendre les relations entre composition microbienne et maladie.


    Les micro-organismes intestinaux que nous avons en commun avec Néandertal

    Par Julien Hernandez le 12 février 2021

    Dans une récente étude, des chercheurs ont séquencé les micro-organisme fécaux issus d'échantillons archéologiques de Néandertal. En comparant ces analyses à notre microbiote actuel, il serait possible d'identifier les bactériesbactéries qui nous suivent depuis des millions d'années et qui nous sont bénéfiques d'un point de vue évolutif.

    Si Néandertal avait aussi un microbiote, il avait ce luxe de ne pas être noyé par les informations rocambolesques et souvent exagérées qui circulent à son sujet. C'est de ce dernier dont nous allons vous parler dans cet article. Un groupe de recherche interdisciplinaire et international, composé de scientifiques italiens, espagnols, portugais, américains, danois, allemands et autrichiens, dévoilent la composition du microbiote de l'Homme de Néandertal obtenue à partir de l'extraction de l'ADNADN de sédimentssédiments fécaux. Les résultats viennent de paraître dans la revue Communications Biology.

    La preuve de l'existence d'un microbiote basal ? 

    En reconstruisant le profil du microbiote intestinal de l'Homme de Néandertal à partir de ces échantillons, les investigateurs proposent l'existence d'un microbiote basal, étant donné la cohérence observée entre la présence de certains micro-organismes chez l'Homme de Néandertal et dans notre microbiote actuel d'Homo sapiens sapiens. En effet, la présence de ces micro-organismes serait antérieure à la séparationséparation des deux lignées dans l'arbrearbre de l'évolution.

    Évidemment, il existe un risque de contaminationcontamination de ces échantillons ancestraux par de l'ADN moderne, mais les auteurs suggèrent que ces résultats supportent l'hypothèse de l'existence d'une évolution symbiotique de notre écosystèmeécosystème intestinal à travers les genres humains même s'ils restent prudents dans leur conclusion. De tels résultats auraient des implications majeures dans la définition encore très controversée de ce qu'est un microbiote « sain ». 

    De tels résultats auraient des implications majeures dans la définition encore très controversée de ce qu'est un microbiote « sain ».  © Alex, Adobe Stock
    De tels résultats auraient des implications majeures dans la définition encore très controversée de ce qu'est un microbiote « sain ».  © Alex, Adobe Stock

    Quid de l'adaptation du vivant ? 

    Cette idée de microbiote basal est séduisante. Mais n'est-elle pas en opposition fondamentale avec la dynamique du vivant, telle que nous la connaissons et l'avons théorisée ? En effet, n'est-il pas dans la « nature » du vivant de s'adapter constamment à l'environnement dans lequel il vit ? Dès lors, pouvons-nous vraiment parler de composition basale du microbiote, et extrapoler à partir d'une telle découverte que les bactéries que l'on retrouve chez Néandertal -- ou avant lui --, dans un environnement bien spécifique, le seront également dans notre environnement moderne qui a radicalement changé ? Un microbiote avec les même bases que celui de Néandertal serait-il forcément meilleur pour nous ? 

    Pas forcément. Il serait plus adapté à la digestiondigestion d'une alimentation typique de l'époque, mais notre microbiote actuel conviendra bien mieux à la nôtre ainsi qu'à notre physiologie. De même pour les maladies dans lesquelles le microbiote est impliqué ou dérégulé. Si ces maladies l'altèrent actuellement, elles pourraient tout aussi bien altérer un microbiote plus proche de celui de Néandertal. En revanche, si ce sont les dérégulations de notre microbiote qui sont à l'œuvre dans ces pathologiespathologies, la solution réside dans le fait de modifier notre microbiote de façon à ce qu'il résiste mieux à ces maladies, ce qui ne signifie pas forcément à revenir à un microbiote « ancestral ».

    Enfin, nous avons des espèces en commun avec beaucoup d'autres animaux du règne animal, comme les souris. Dès lors, deux hypothèses non exclusives se donnent à voir pour expliquer ces résultats : une coévolution très longue, entre des organismes commensaux et l'hôte ou une alimentation semblable de Homo sapiens et Homo neandertalensisHomo neandertalensis. Affaire à suivre.