Neuf médicaments sur dix contiennent des excipients susceptibles de provoquer des allergies ou des troubles intestinaux, selon une étude. Lactose, arachide, colorants : ces substances présentent-elles réellement un danger et peut-on facilement les remplacer ?


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    « La majorité des médicaments contiennent des ingrédients inactifs qui peuvent causer des réactions indésirables et affecter la tolérance et la sécurité de ces médicaments ». Voici le constat sans appel des chercheurs du MIT et de la Harvard Medical School de Boston dans leur étude parue le 13 mars dans la revue Science Translational Medicine.

    Jusqu’à 35 excipients dans un comprimé

    Les chercheurs ont analysé la formulation de 42.052 médicaments de la Bibliothèque américaine de médecine (NLM) et ont découvert que 92,8 % des médicaments contiennent au moins une substance inactive susceptible d'entraîner une réaction allergique. Au total, les excipients représentent 71 % du poids d'un comprimé, contre à peine 29 % pour la substance activesubstance active elle-même. En moyenne, un médicament contient plus de huit excipients différents, mais les auteurs en ont dénombré jusqu'à 35 dans certaines formulations.

    Les allergiques doivent-ils renoncer à se soigner ?

    Par exemple, 45 % des médicaments contiennent du lactose, un sucre susceptible de causer des allergies chez les personnes sensibles ; 55 % contiennent un sucre de type oligosaccharide, monosaccharide ou polyol, pouvant entraîner des troubles intestinaux. Certains colorants, comme la tartrazine, sont soupçonnés d'aggraver les crises d’asthme.

    « Si ces substances sont, en général, en trop petite quantité pour provoquer un effet, des patients très sensibles peuvent être affectés », indique Daniel Reker, l'un des coauteurs, au site Inverse. « Le problème, pour ces patients, est qu'ils doivent faire un choix entre leur allergie et la maladie contre laquelle ils se soignent ». Et il n'existe pas toujours d'alternative : 100 % des traitements à la progestéroneprogestérone contiennent ainsi de l'arachidearachide, note le chercheur.

    93 % des médicaments contiennent des excipients allergisants, mais en quantité infirme. © ulkan, Fotolia
    93 % des médicaments contiennent des excipients allergisants, mais en quantité infirme. © ulkan, Fotolia

    Une étude « faussement alarmiste »

    Pour François Chast, président honoraire de l'Académie nationale de Pharmacie, ce genre d'études alarmistes n'a tout simplement aucun sens. « Il faut absorber 10 à 15 grammes de lactose pour déclencher une allergie au lactose. Or, un médicament va en contenir au maximum 300 mg », indique le spécialiste. La tartrazine ? « Il est beaucoup plus dangereux pour un asthmatique de se promener en forêt où circulent plein de pollenspollens que d'absorber une pilule contenant quelques milligrammes de tartrazine », raille le praticien. Ce dernier s'accorde toutefois sur un point avec les auteurs de l'étude : le besoin de faire le ménage dans les formulations de médicaments. « Il est tout à fait possible de réduire les conservateurs ou les colorants dans de nombreuses spécialités », assure François Chast.

    Excipients : utiles ou pas ?

    La plupart du temps, ces substances sont utilisées à des fins marketing pour donner une belle couleurcouleur ou un enrobage brillant au comprimé. Mais ce n'est pas toujours simple : en 2017, le laboratoire Merck a cru bien faire en remplaçant le lactose du Levothyrox par du mannitol, un polyol non allergèneallergène. Résultat : une levée de boucliers des patients se plaignant d'effets secondaires avec la nouvelle formule. En Europe, une réglementation oblige les fabricants à indiquer les excipients à effet notoire sur l'emballage et dans la notice. Ils sont au nombre de 47 en France, dont l'aspartameaspartame, le glucoseglucose, l'amidonamidon de bléblé ou encore l'huile de sésame.

    Ces excipients sont mentionnés à titre indicatif, car aucun test d'allergologieallergologie n'est effectué par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui publie cette liste. Il suffit d'un ou deux cas d'effet indésirable pour devoir mentionner un excipient. Se trouvent aussi dans la notice tous les autres excipients sans effet notoire, comme le stéarate de magnésiummagnésium ou la gélatine.