Une recette dénichée dans un vieux grimoire médical à base d’ail, d’oignon et de vin aurait une puissante activité antibactérienne, selon une étude britannique. Ce n’est pas la première fois que la médecine moderne s’inspire de traitements traditionnels.


au sommaire


    Les vieux livres contiennent parfois des trésors insoupçonnés. C'est dans un grimoire datant du début du Moyen Âge que des scientifiques de la School of Life Sciences de l'université de Warwick ont déniché une mixture à base d'oignonsoignons, d'ailail, de vin et de sels biliaires de bovin qui montre une efficacité « puissante » contre les bactéries résistantes. Le manuscrit, appelé « Leechbook de Bald », a été écrit vers la fin du IXe siècle ou le début du Xe siècle. Conservé à la British Library de Londres, c'est l'un des plus anciens livres de médecine connus. Il comporte de nombreuses recettes de pommades et concoctions, comme un mélange d'œuf, de vin et de fenouilfenouil pour les engelures ou encore un aphrodisiaque à base de thé des boisbois bouilli dans du lait.

    Le <em>Leechbook de Bald</em> est un des premiers ouvrages de médecine conçus : il date du IX<sup>e</sup> siècle. © British Library
    Le Leechbook de Bald est un des premiers ouvrages de médecine conçus : il date du IXe siècle. © British Library

    Combattre les bactéries résistantes

    En 2015, Freya Harrison s’était déjà intéressée à la potion à base d'oignons intitulée « collyre de Bald » et avait constaté son efficacité contre le staphylocoque doré. Pour sa nouvelle étude parue dans Scientific Reports, la chercheuse et ses collègues ont recréé la recette originale avec de l'ail et des oignons achetés dans des supermarchés ordinaires, du vin blanc anglais et des sels biliaires provenant de l'estomac d'une vachevache. La potion s'est avérée très efficace pour éradiquer les biofilms, une forme particulièrement tenace de colonisation bactérienne souvent résistante aux antibiotiques classiques. L'élimination d'un biofilm requiert ainsi normalement 100 à 1.000 fois plus de temps que pour des bactéries circulant librement.

    L’association des ingrédients, secret de l’efficacité

    Pris individuellement, chacun des ingrédients possède en lui-même une certaine activité antibactérienne. L'ail et l'oignon contiennent par exemple de l'allicine, un composé sulfuré qui sert aux plantes à se défendre contre les insectesinsectes et prédateurs. Mais selon les chercheurs, c'est surtout la combinaison des ingrédients qui donne au traitement son efficacité. « Les médicaments conventionnels reposent souvent sur un seul principe actifprincipe actif, remarque Freya Harrison. Les remèdes traditionnels, eux, font souvent appel à des mélanges de plantes ou d'autres substances naturelles. La synergiesynergie résulte probablement des moléculesmolécules qui optimisent l'activité mutuelle des différents composés, ou alors des différents mécanismes d'action de chacun des ingrédients », explique-t-elle. Le Citrox®, un bain de bouche à base d'oranges amères, tire ainsi son efficacité des différents flavonoïdesflavonoïdes présents dans le fruit, selon la microbiologiste. « En purifiant les composés individuels pour obtenir des traitements facilement quantifiables et caractérisés, nous perdons peut-être des interactions vitales de produits naturels dans le mélange d'origine qui empêche les effets secondaires ou la toxicitétoxicité », regrette-t-elle.

    Le saviez-vous ?

    Recette du collyre de Bald (la mixture doit contenir chaque ingrédient en quantité égale) : pelez l’ail et les oignons, puis mixez-les ensemble ; mélangez avec du vin blanc à 11 % d’alcool et de la bile de vache stérilisée. Versez dans une bouteille stérilisée et laissez reposer dans l’obscurité pendant neuf jours. Appliquez sur la peau (ne pas boire !).

    Attention : l’utilisation de cette recette est à vos risques et périls, la potion n’ayant pas été validée pour sa sécurité. Elle ne dispense pas d’un traitement antibiotique prescrit par votre médecin.

    Quand la médecine moderne puise son inspiration dans les vieux livres

    Dénicher des nouveaux remèdes dans des vieux livres n'est pas aussi inhabituel qu'on pourrait le penser. L'artémisinine, un médicament antipaludéen dérivé de l'armoisearmoise, a ainsi été découvert par une chercheuse chinoise, Tu Youyou, après avoir lu d'anciens textes chinois. La médecine ayurvédique indienne ou les anciens écrits du médecin grec Dioscoride ont inspiré bon nombre de médicaments modernes. De nombreuses substances naturelles, comme le miel ou le vinaigre, sont également réputées pour leurs vertus antibiotiquesantibiotiques (des pansements à base de miel sont même utilisés dans certains hôpitaux).