Une interface cerveau-ordinateur s'appuie sur le machine learning pour obtenir des résultats sans précédent, offrant aux patients atteints de paralysie une nouvelle autonomie.


au sommaire


    Dans un monde de plus en plus connecté, de nouvelles solutions émergentémergent afin de rendre leur autonomieautonomie aux personnes atteintes de paralysie. Les interfaces neuronales directes (BCI) sont des candidates prometteuses dans cette quête, offrant un mode de communication direct entre le cerveau et la machine. Grâce à l'utilisation d'outils comme le machine learning, cette technologie connaît des progrès toujours plus rapides, ainsi que le démontre une nouvelle étude, menée par les chercheurs de l'UCSF Weill Institute of Neurosciences, et parue dans la revue Nature Biotechnology.

    L'ECoG consiste à placer un tapis d'électrodes à la surface du cerveau. © Noah Berger
    L'ECoG consiste à placer un tapis d'électrodes à la surface du cerveau. © Noah Berger

    Un problème de réinitialisation

    « Le domaine des BCI a connu de grands progrès ces dernières années, mais comme les systèmes existants devaient être recalibrés chaque jour, ils ne parvenaient pas à profiter des processus naturels d'apprentissage du cerveau », explique Karunesh Ganguly, à la tête de l'étude. En effet, la résiliencerésilience des interfaces est l'un des obstacles majeurs rencontrés par les chercheurs. Un entraînement quotidien est nécessaire pour former le cerveau à communiquer avec la machine qui, quant à elle, n'est pas en mesure d'assimiler ces apprentissages pour s'améliorer. « C'est comme demander à quelqu'un d'apprendre encore et encore à faire du vélo en reprenant à chaque fois tout depuis le début. »

    Karunesh Ganguly (à droite) et son élève Stefan Lemke en 2016. © Steve Babuljak
    Karunesh Ganguly (à droite) et son élève Stefan Lemke en 2016. © Steve Babuljak

    Une nouvelle interface « plug and play »

    La nouvelle interface « plug and playplug and play » développée par Ganguly et son équipe tire profit du machine learningmachine learning et de l'électroencéphalographie intracrânienne (ECoG). Cette dernière consiste à placer un « tapis » d'électrodesélectrodes de la taille d'un post-it à la surface du cerveau du patient, capable d'enregistrer son activité neuronale sur le long terme. À défaut d'être aussi précise, cette méthode s'est révélée bien plus stable et durable que le recours à des électrodes implantées directement dans la matièrematière grise. C'est donc celle-ci que les chercheurs ont sélectionnée pour tester leur BCI sur un patient atteint de tétraplégie.

    En s'imaginant en train de bouger son bras et son poignet, le patient transmet un signal à l'interface via l'ECoG. Celle-ci traduit ensuite ce mouvementmouvement imaginé en commande et l'envoie à un ordinateurordinateur sur l'écran duquel se trouve un curseur. À l'aide de cette chaîne d'information, le patient est parvenu à faire bouger le curseur sur l'écran par la simple force de son cerveau.

    Mieux encore : grâce au machine learning, l'interface s'est progressivement familiarisée avec les commandes envoyées par le patient, lui permettant au bout de plusieurs jours d'atteindre une performance optimale, tandis que le cerveau de celui-ci construisait un modèle mental destiné à mieux interagir avec la machine. « Nous voyons cela comme une manière de construire une collaboration entre deux systèmes d'apprentissage - le cerveau et l'ordinateur -, qui permet à terme à l'interface de devenir une extension de l'utilisateur, comme sa main ou son bras », conclut Ganguly.


    Grâce à une neuroprothèse, un patient tétraplégique, équipé d'un exosquelette, réussit à se mouvoir

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt, publié le 5 octobre 2019

    Quatre ans après une chute qui l'a paralysé des quatre membres, Thibault parvient aujourd'hui à diriger par la pensée les mouvements d'un exosqueletteexosquelette. Une première réalisée par des chercheurs français dans le cadre du projet « Brain Computer Interface » qui ouvre d'importantes perspectives pour les tétraplégiquestétraplégiques et fait naître un légitime espoir d'amélioration de leurs conditions de vie.

    Clinatec (CEA, CHU Grenoble Alpes), Centre de recherche mêlant technologie et médecine, a réussi à mettre au point une neuroprothèse inédite qui permet à un patient tétraplégique, équipé d'un exosquelette, de se mouvoir. Une avancée scientifique et médicale significative qui offre de réelles perspectives de rendre leur mobilité à des patients tétraplégiques, c'est-à-dire paralysés des quatre membres, une paralysie souvent provoquée par une lésion de la moelle épinière.

    Les résultats de cette étude cliniqueétude clinique viennent d'être dévoilés et sont publiés dans la revue The Lancet Neurology. Ils valident la preuve du concept de pilotage d'un exosquelette à 4 membres spécifiques. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet Brain Computer Interface qui a pour objectif d'apporter la preuve qu'il est possible de piloter un exosquelette à 4 membres à partir de signaux corticaux (ECoG), ces derniers sont mesurés par un implant afin d'offrir, à terme, des perspectives d'avenir aux personnes en situation de handicap moteur.

    Clinatec, avec l'autorisation des autorités réglementaires, mène l'essai clinique de ce dispositif chez Thibault, un patient de 28 ans tétraplégique, atteint d'une lésion de la moelle épinière. Depuis 27 mois, ce patient effectue différents types d'exercices pour s'entraîner à contrôler l'exosquelette. Equipé de l'exosquelette suspendu, il est aujourd'hui capable d'enchaîner quelques pas et de contrôler ses deux membres supérieurs dans trois dimensions, tout en ayant la maîtrise de la rotation de ses poignets, en position assise ou debout. Concrètement, il peut avancer les jambes de l'exosquelette, plier le coude, lever les épaules...

    Imaginer les mouvements comme s’il allait les effectuer lui-même

    La grande innovation de ce dispositif est de pouvoir mesurer de manière chronique en haute résolutionrésolution l'activité électrique dans le cerveau correspondant à des intentions de mouvement du patient, puis de les transmettre en temps réel et sans fil vers un ordinateur pour les décoder afin de contrôler les mouvements des quatre membres de l'exosquelette. Cela est possible car, chez certains paralysés des quatre membres, « le cerveau est toujours capable de générer les ordres qui habituellement font bouger les bras et les jambes, mais il n'y a personne qui les exécute », explique Alim-Louis Benabid, professeur émérite à l'université Grenoble-Alpes. Avec Thibault, les chercheurs ont montré qu'il était possible de capter correctement cette activité électrique de façon continue et de la transmettre quasiment en temps réel vers un ordinateur qui les décode afin de piloter les moteurs des articulations des bras et des jambes de l'exosquelette.

    Les électrodes de la neuroprothèse implantées dans le crâne de façon à capter l'activité électrique du cerveau et à la transférer vers un ordinateur qui la décode. © LaBreche 
    Les électrodes de la neuroprothèse implantées dans le crâne de façon à capter l'activité électrique du cerveau et à la transférer vers un ordinateur qui la décode. © LaBreche 

    Cela dit, si les perspectives d'avenir sont prometteuses pour la qualité de vie des tétraplégiques, le chemin est encore long avant de pouvoir utiliser cet exosquelette dans la vie de tous les jours. Dans un premier temps, les chercheurs visent à redonner un peu d'autonomie aux patients dans leur vie quotidienne par le pilotage par exemple d'un fauteuil roulant ou d'un bras articulé.

    En attendant, Thibault va poursuivre l'essai clinique. En novembre, il sera rejoint par un autre patient à qui l'on implantera des électrodes, suivi de deux autres personnes dans les prochains mois. La suite de cet essai permettra d'acquérir la capacité de saisir un objet avec la main ainsi que d'améliorer l'équilibre de l'exosquelette, le gros point faible de tous les robotsrobots de ce type.

    Comment ça marche un exosquelette contrôlé par le cerveau ? © CEA Recherche