Une récente enquête parue dans le journal Science dévoile une potentielle fraude concernant plusieurs publications scientifiques d'un neuroscientifique français : Sylvain Lesné. Si cette accusation ne semble pas vraiment surprendre la communauté scientifique, les conséquences de cette dernière sur l'hypothèse amyloïde seraient bien moindres que ce que l'on pourrait penser. 


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    Depuis plus de deux décennies, la recherche clinique sur la maladie d'Alzheimer produit beaucoup d'impasses thérapeutiques. Certains y voient là une réfutation de l'hypothèse amyloïde. Pourtant, cette hypothèse domine la recherche sur Alzheimer depuis longtemps. Bien qu'elle soit controversée, des éléments robustes permettent de la considérer comme scientifiquement valide. Mais voilà qu'une enquête particulièrement minutieuse parue dans le journal Science suspecte une fraude sur un article publié en 2006 dans Nature. Ce dernier est extrêmement cité dans la recherche sur Alzheimer. Au-delà de l'enquête en cours, l'investigation suggère que cette fraude pourrait mettre à mal l'hypothèse amyloïde. Selon Jean-Charles Lambert, directeur de recherche à l'Inserm, neuroscientifique spécialiste de la maladie d'Alzheimer au CHU de Lille, il n'en est rien. 

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    Pour bien comprendre ce qu'il se passe, il faut préciser la teneur de l'article qui fait l'objet de suspicion de fraude. Ce dernier entend démontrer l'existence d'un oligomèreoligomère de la protéine bêta-amyloïdebêta-amyloïde qui serait associée à un déclin cognitif chez le modèle animal : la protéine bêta amyloïde *56 (AB*56), conformément à sa massemasse moléculaire de 56 kilos Daltons. Ce n'est donc pas le cœur de ce qui soutient l'hypothèse amyloïde qui est remis en question mais une hypothèse annexe, sur l'un des oligomères de cette protéine. 

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    Mais quelle est la différence ? Si cet article a été souvent cité, cela suggère qu'il a eu de l'influence et que les articles qui se sont basés sur ces résultats sont également bons à jeter à la poubelle. C'est à ce moment-là qu'il faut prendre du recul. Jean-Charles Lambert, qui connaît bien la littérature sur la maladie d'Alzheimer, évoque les raisons pour lesquelles cet article est extrêmement cité : « C'est un papier précurseur dans la recherche sur les oligomères toxiques des protéines amyloïdes et c'est surtout à cette fin qu'il est cité par d'autres équipes de recherches ».

    Des résultats pas si influents

    Cela est important car ce n'est pas tant la méthodologie que les résultats qui sont soupçonnés d'être frauduleux : des images de Western Blot (une biotechnologiebiotechnologie permettant de séparer et d'identifier les protéines d'un échantillon) auraient été trafiquées pour coller à l'hypothèse de départ. Pourtant, comme nous le précise Jean-Charles Lambert « personne n'a réussi à reproduire les résultats concernant la protéine AB*56. À partir de ce moment-là, les résultats n'ont plus été pris au sérieux par la communauté scientifique ».

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    Ce qu'il faut comprendre, c'est que la protéine AB*56 n'est pas le seul oligomère étudié dans la pathogénicité de la maladie d'Alzheimer. Il en existe d'autres et le fait que les résultats concernant un oligomère soient potentiellement frauduleux n'implique pas que les autres le soient également. Par conséquent, cela implique encore moins la fausseté de l'hypothèse amyloïde. En revanche, les chercheurs comprennent maintenant mieux pourquoi personne ne parvenait à répliquer les résultats concernant cet oligomère.

    Des risques pour les financements

    Si cet emballement est mal compris par le grand public et par le corps politique, cela pourrait donner lieu à moins de financements, dans un domaine qui souffre déjà du manque de ressources. En effet, selon un récent rapport du Sénat, la recherche en biologie et en santé apparaît sous-financée en comparaison avec la majorité des pays développés. L'hypothèse amyloïde n'est certainement pas intouchable. Nous avons d'ailleurs déjà émis des doutes à son égard sur Futura et considérer les hypothèses alternatives. Pour autant, il ne faut pas se saisir de mauvais arguments et prêcher pour sa paroisse théorique. Si l'hypothèse amyloïde est fausse, le travail scientifique (honnête) se chargera de le démontrer.