Au départ, c'était un canular, mais deux chercheurs ont voulu approfondir la question et proposent maintenant une description de ce soi-disant trouble mental. La selfite, ou selfitis en anglais, interroge sur l’évolution de nos comportements numériques, mais aussi sur la tendance de certains à voir des maladies un peu partout...

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    Ce serait un nouveau trouble mental identifié par des psychologues et il fait la Une de nombreux médias : la selfite, l'addiction aux selfiesselfies. Vous vous prenez en photo au moins six fois par jour et vous postez vos portraits sur FacebookFacebook ? Pas de doute, vous êtes gravement atteint ! L'information a de quoi faire sourire. Mais, finalement, elle est révélatrice de notre société, souvent plus en quête de buzz que de vérité.

    De quoi s'agit-il en l'occurrence ? La selfite est apparue pour la première fois en 2014, plus précisément le 31 mars (soit la veille du 1er avril), dans un texte du site Abodo Chronicles. L'article affirmait que l'American Psychiatric Association avait identifié la selfite comme un nouveau désordre mental que l'on pourrait décrire comme « le désir obsessionnel et compulsif de prendre des photos de soi-même et de les afficher sur les médias sociaux pour compenser le manque d'estime de soi et combler un vide dans l'intimité ». C'était une blague.

    Mais deux chercheurs, un Indien et un Britannique, se sont emparés du sujet et ont voulu savoir s'il n'y avait pas un fond de vérité dans ce trouble imaginaire. Ils ont donc développé un outil de diagnostic, la selfitis behaviour scale, pour mesurer la sévérité de la maladie chez les utilisateurs de smartphones.

    Mark Griffiths, l'un des deux auteurs, a expliqué sa démarche dans le Telegraph : « il y a quelques années, des articles sont apparus dans les médias affirmant que l'American Psychiatric Association considérait que la selfite devait être considérée comme un trouble mental. Bien que l'histoire se soit révélée être un canularcanular, cela ne signifiait pas que l'état de selfite n'existait pas. Nous avons maintenant semblé confirmer son existence et développé la première échelle de comportement de la selfite au monde pour évaluer la condition ».

    Certaines situations dangereuses ne devraient pas se prêter au selfie. © akhenatonimages, Fotolia

    Certaines situations dangereuses ne devraient pas se prêter au selfie. © akhenatonimages, Fotolia

    La selfite peut être aiguë ou chronique

    Pour mettre au point leur échelle, les deux chercheurs ont recruté 200 étudiants indiens. L'outil a ensuite été validé sur 400 autres participants. Les auteurs ont justifié le choix de l'Inde comme cadre d'étude par deux arguments : c'est le pays comptant le plus d'utilisateurs de Facebook et celui où on enregistrerait le plus de morts à cause de selfies pris dans des situations dangereuses, d'après une étude de 2016 qui s'est intéressée à ce type d'accidents mortels.

    Pour tester leur outil de diagnostic, les auteurs ont posé différentes questions aux participants. Par exemple, ils devaient dire à quel point ils étaient d'accord avec des affirmations comme « Je peux réduire mon niveau de stress en prenant des selfies » ou « Je me sens plus populaire quand je poste mes selfies sur les médias sociaux ». Les chercheurs ont classé les utilisateurs en plusieurs catégories, comme le faisait l'article canular d'origine : ceux qui souffrent de selfite aiguë postaient trois selfies par jour, tandis que ceux qui étaient atteints de selfite chronique le faisaient au moins six fois par jour.

    Janarthanan Balakrishnan, l'autre auteur de cette étude, a expliqué que, d'après lui, les personnes atteintes de cette maladie « souffrent d'un manque de confiance en soi et cherchent à s'intégrer dans leur entourage ». Il ajoute : « maintenant que l'existence de la maladie semble avoir été confirmée, on espère que d'autres recherches seront menées pour mieux comprendre comment et pourquoi les gens développent ce comportement potentiellement obsessionnel, et ce qui peut être fait pour aider les personnes les plus touchées ». L'addiction aux outils numériquesnumériques a déjà été décrite dans le cas de la nomophobie, la peur de se retrouver sans smartphone.

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    Souffrez-vous de nomophobie, cette peur panique d'être sans smartphone ?

    La selfite aurait pu faire l'objet d'un joli article dans l'édition de Noël de BMJ, généralement réputée pour des recherches qui ne se prennent pas au sérieux, mais elle a été publiée dans la revue International Journal of Mental Health and Addiction. Cependant, cet article ne doit pas vous décourager de prendre un selfie devant le sapinsapin avec vos proches si cela vous fait plaisir... Joyeux Noël !