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La progéniture des souris ayant subi un régime faible en protéines présente un métabolisme lipidique modifié. © DR
Après le décryptage de l'information génétique, le décryptage des mécanismes épigénétiques est peut-être l'enjeu le plus important. L'épigénétique désigne l'ensemble des processus qui régulent l'expression des gènes. Car il ne suffit pas de posséder les bons gènes, encore faut-il qu'ils puissent être actifs pour synthétiser les bonnes protéines au bon moment, ou au contraire éteindre au moment voulu l'expression de protéines.
Ces mécanismes extrêmement importants sont régulés par des modifications réversiblesréversibles de l'ADN ou par la dégradation ou l'inhibition de la traduction des ARN messagers. Ce sont ces mécanismes qui déterminent par exemple la spécialisation des cellules d'un même organisme, qui portent pourtant toutes le même génomegénome.
L'hérédité est-elle plus complexe que prévue ?
Les modifications épigénétiques peuvent-elles se transmettre de génération en génération, à l'image des gènes, ou existe-t-il une remise à zéro des compteurs chez les bébés ? Une hypothèse passionnante serait qu'en plus du don purement génétique, les parents puissent transmettre à leurs enfants une partie de leur propre adaptation à leur environnement, une sorte de mélange entre les théories Darwinienne et Lamarckienne.
C'est ce qu’'ont tenté de savoir des chercheurs de l'université du Massachusetts Medical School, en s'intéressant au modèle de laboratoire de prédilection : la souris. En partant du principe bien connu « nous sommes ce que nous mangeons », les scientifiques ont utilisé des souris mâles soumises à des régimes alimentaires bien contrôlés depuis leur sevragesevrage jusqu'à leur maturité sexuelle, et ont observé avec attention leur descendance.
L'analyse de l'expression des gènes mais aussi des modifications présentes sur l'ADN (méthylation) permet de comparer les épigénomes. © Caroline Davis, Flickr, CC
Plus précisément, ils ont prélevé le foiefoie des souriceaux âgés de trois semaines pour en extraire les ARN. À l'aide d'une puce à ADNADN permettant la comparaison rapide et précise de l''expression d'un grand nombre de gènes, les chercheurs ont cherché d'éventuelles différences entre les souriceaux issus de pères au régime (alimentation pauvre en protéines) ou de papas nourris normalement.
Ils ont ainsi pu mettre en évidence une influence de la nourriture paternelle sur l'expression de 445 gènes de la progéniture. Ainsi, les gènes impliqués dans la biosynthèse du cholestérol et des lipides sont surexprimés, menant à des différences significatives du taux de certains lipideslipides. Ces résultats rappellent ceux qui avaient été obtenus précédemment chez des souris dont les parents étaient soumis à un jeûne, chez qui une augmentation du taux de glucoseglucose avait pu être mise en évidence.
La transmission est encore mystérieuse
D'autres marqueurs des modifications épigénétiques ont été recherchés. Certains microARNmicroARN, connus pour réguler l'expression des gènes, ont également été retrouvés affectés, de même que l'ADN génomiquegénomique possède des méthylationsméthylations particulières au niveau des séquences promotrices de certains gènes. En particulier, les méthylations retrouvées au niveau du promoteur du gène PPARA diminue l'expression de la protéine associée, un facteur de transcriptiontranscription régulant la biosynthèse des lipides.
Le manque de nourriture du père pousse donc ses rejetons à stocker des caloriescalories grâce à un épigénome (l'ensemble des modifications épigénétiques) particulier. Mais comment transmet-il ce message ? En observant les modifications épigénétiques au niveau des spermatozoïdesspermatozoïdes, les scientifiques n'ont pas retrouvé les mêmes que celles mises en évidence chez les souriceaux. La transmission est donc encore un mystère. Toutefois ce modèle animal permettra, selon les auteurs, de continuer à creuser les mécanismes impliqués dans ces transmissions épigénétiques intergénérationnelles.