Une start-up affirme avoir mis au point un test permettant d’évaluer la durée de vie et la probabilité de contracter une maladie à partir de marqueurs épigénétiques. Une nouvelle approche jugée prometteuse mais qui suscite des questions éthiques quant à son utilisation par les assureurs.

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    La duréedurée de votre vie est peut-être inscrite dans l'activité de vos gènes. C'est du moins ce qu'assure Steve Horvath, un biostatisticienbiostatisticien, fondateur de la compagnie Life Epigenetics, une start-upstart-up filiale du géant de l'assurance GWG. Le scientifique affirme avoir mis au point un test permettant de prédire la mortalité et la probabilité de contracter des maladies à partir de l'expression des gènes, une approche nommée épigénétique. 

    L’épigénétique, étude de l’expression des gènes

    Si la génétique repose sur l'étude des séquences ADN contenues dans les gènes, l'épigénétique s'intéresse, elle, à des marqueurs biochimiques susceptibles d'altérer l'expression des gènes. Deux jumeaux, avec un patrimoine génétique strictement identique, peuvent ainsi exprimer des caractères différents. Contrairement au génome, l'activité de ces moléculesmolécules est réversibleréversible, non transmissible, et peut être influencée par des facteurs extérieurs, comme l'alimentation, l'activité physiquephysique ou l'environnement.

    Pour mettre au point son « horloge biologiquehorloge biologique », Steve Horvath s'est appuyé sur une partie spécifique de l'épigénétique appelée méthylation. Lorsque les cytosines (une des « lettres » de l'ADNADN) sont associées à une guanineguanine (que l'on appelle aussi sites CpG), elles peuvent perdre ou gagner des groupes méthyles (CH3), ce qui entraîne une modification de l'architecture de la fibre chromatinechromatine et modifie l'accès de certaines protéinesprotéines aux gènes, empêchant leur activité. Selon de nombreuses études, les anomaliesanomalies épigénétiques contribueraient au développement et à la progression de maladies, en particulier de cancerscancers. À partir d'une cohortecohorte de ces études, Steve Horvath a créé un algorithme s'appuyant sur quelques centaines de sites CpG spécifiques qui seraient des marqueurs du vieillissement d'un individu et de sa probabilité de mourir d'une maladie. Il en a donc déduit un outil de prédiction du temps qu'il reste à vivre.

    Les facteurs de vieillissement accéléré

    Horvath a testé en 2016 son « horloge biologique » sur des échantillons sanguins prélevés chez 13.089 personnes dont la date de décès était connue pour démontrer l'efficacité de sa méthode. Plus l'âge épigénétique est en décalage avec l'âge chronologique, plus le risque de mortalité est élevé. En évaluant les facteurs de risquefacteurs de risque, il a sans surprise découvert qu'une alimentation riche en poissonpoisson, fruits et légumes a tendance à diminuer l'âge épigénétique ou que les gros fumeurs possèdent un certain type de groupes méthyle indiquant une horloge biologique plus avancée. Le manque de sommeilsommeil, le stress ou l'alcoolalcool auraient également des effets néfastes. L'exercice régulier n'aurait que peu d'influence, ajoutant à peine quelques mois d'espérance de vieespérance de vie. Selon Horvath, 40 % de notre longévité serait déterminée par des facteurs génétiques, le reste dépendant de notre mode de vie.

    L’activité de certains gènes est influencée par des facteurs extérieurs, comme l’alimentation, l’activité physique ou l’environnement. © Christoph Burgstedt, Fotolia

    L’activité de certains gènes est influencée par des facteurs extérieurs, comme l’alimentation, l’activité physique ou l’environnement. © Christoph Burgstedt, Fotolia

    Une nouvelle sphère d’étude sur la santé

    Tout le monde n'est pourtant pas convaincu par les travaux de Steve Horvath. Sa première étude en 2012 a ainsi été refusée, les éditeurs estimant que la corrélation entre les marqueurs de méthylation et l'espérance de vie pouvait s'expliquer par des biais statistiques. Mais depuis, plusieurs articles ont été publiés dans diverses revues scientifiques, y compris par d'autres équipes cherchant à vérifier les résultats de Horvath. Elizabeth Blackburn, récompensée par le prix Nobel de médecine en 2009 pour ses recherches sur les télomères (les extrémités des chromosomeschromosomes dont la longueur serait un indicateur de longévité), a ainsi estimé que ces recherches ouvraient un nouveau champ de la biologie.

    Prédire la mort, le Graal ultime des assureurs

    GWG, la maison-mère de Life Epigenetics, gère plus de 1.500 milliards de dollars de contrats en assurance pour le compte d'investisseurs. L'algorithme de Steve Horvath pourrait s'avérer un avantage compétitif considérable pour mieux estimer la rentabilité de ses contrats. La compagnie d'assurance détient ainsi la licence exclusive de la méthode, dont le brevet appartient à l'université de Californie à Los Angeles (Ucla). En 2017, elle a fait parvenir des kits de prélèvements salivaires à ses souscripteurs et espère mettre l'épigénétique au centre de sa stratégie. L'idée étant, bien sûr, de faire payer davantage aux personnes ayant une horloge biologique plus avancée et moins à ceux dont l'espérance de vie est plus élevée.

    Life Epigenetics n'est pas la seule à vouloir prédire ainsi la mort. Fin 2017, la start-up israélienne Clew Medical a ainsi fait les gros titres de la presse en annonçant un algorithme permettant de prédire la vitessevitesse de détérioration de santé d'un individu à partir de centaines de données. Elle espère vendre sa technologie aux hôpitaux, dans le but officiel d'identifier les patients à risque avant que leur état ne s'aggrave trop et de « prévenir la famille quand la fin est proche ». Aspire Health, une autre start-up rachetée en juillet par le géant des soins à domicile Anthem, affirme elle aussi être capable d'identifier si un patient va mourir dans l'année qui vient. « Dans cinq à dix ans, les systèmes de santé qui n'utiliseront pas la data pour améliorer leur efficacité seront complètement dépassés », prédit Atul Butte, professeur à l'université de Californie.


    Un test sanguin qui pourrait prédire l'espérance de vie ?

    Article de Claire Peltier publié le 22/05/2011

    Un test sanguin basé sur l'analyse des chromosomes pourrait permettre, selon ses inventeurs, de déterminer l'âge biologique des patients, et ainsi d'estimer leur espérance de vie. Le public sera-t-il séduit par ce concept ?

    Un test sanguin promettant de déterminer l'âge biologique des personnes l'utilisant, et donc potentiellement d'estimer le temps qu'il leur reste à vivre, devrait être commercialisé dès cette année, d'après le journal britannique The Independant. La société espagnole, Life Length, à l'origine de ce test déjà controversé a été créée en septembre dernier. Se considérant comme « la première entreprise de biotechnologiebiotechnologie qui mesure les télomèrestélomères », cette entreprise s'appuie sur la spécialité de l'une de ses fondatrices, María Blasco, une scientifique qui travaille au Centre national de recherche oncologique (CNIO) à Madrid.

    Les télomères, ces morceaux d'ADN retrouvés aux extrémités de chaque chromosome, sont une sorte d'embout de protection du patrimoine génétique. Objets du prix Nobel de médecine et de physiologie en 2009, ils se présentent sous la forme de courtes séquences (six nucléotidesnucléotides, TTAGGG) répétées un grand nombre de fois, si bien que leur succession confère aux télomères une longueur pouvant atteindre 15.000 bases, voire davantage.

    L’âge biologique n’est pas l’âge chronologique

    Mais tout dépend de l' « âge biologique » des cellules. En effet, les télomères ont tendance à raccourcir avec le temps et les événements qu'ils subissent. Car à chaque cycle de mitosemitose, l'ADN est dupliqué par l'enzymeenzyme chargée de la copie du génome (l'ADN polymérasepolymérase) pour qu'une seule cellule mère puisse donner naissance à deux cellules filles possédant chacune l'intégralité du patrimoine génétique. Les télomères, qui sont tout au bout du chromosome, sont difficilement copiés par l'ADN polymérase, et perdent finalement quelques-unes des nombreuses séquences répétées.

    Les télomères constituent les extrémités des chromosomes. © DR

    Les télomères constituent les extrémités des chromosomes. © DR

    Ce n'est pas grave en soi, puisqu'il s'agit d'un phénomène inévitable, correspondant au processus naturel de vieillissement. C'est l'accumulation de ces raccourcissements qui finit par être néfaste, entraînant la mort de la cellule, des maladies voire des cancers. En plus des divisions cellulaires, d'autres événements, comme l'oxydationoxydation ou les inflammationsinflammations peuvent favoriser un raccourcissement prématuré des télomères. Une hygiène de vie peu saine (tabac, alcool, fatigue, stress...) peut alors provoquer un vieillissement accéléré, où l'âge chronologique (la durée réelle) n'est plus en adéquation avec l'âge biologique (l'état des cellules).

    Des travaux avaient d'ailleurs déjà permis de faire une corrélation entre la longueur des télomères et le risque de développer plus précocement des maladies liées à l'âge, comme la maladie d'Alzheimermaladie d'Alzheimer, les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires ou des troubles du système immunitairesystème immunitaire. Selon certaines études, la longueur des télomères influencerait donc directement l'espérance de vie.

    Connaître l’heure de sa mort pour 500 euros

    Le test proposé par Life Length permet alors d'estimer l'âge cellulaire des clients, en mesurant la longueur des télomères des cellules sanguines. La technologie s'appuie sur la Q-Fish (ou hybridationhybridation quantitative de fluorescence in situ), où une sonde fluorescente se fixe sur les télomères, de façon proportionnelle à la longueur de ceux-ci. Selon la société, l'intensité de fluorescence est donc représentative de l'âge biologique.

    Un communiqué de Life Length assure qu'il s'agit d'un test bien plus précis que d'autres actuellement commercialisés (notamment par SpectraCell Laboratories). Il serait en effet capable de déterminer cellule par cellule la longueur des télomères et ainsi de déterminer la séquence la plus courte (et la plus dangereuse), là où d'autres se contentent de mesurer une moyenne globale. Son coût s'élèverait à 500 euros et devrait intéresser les patients qui aimerait savoir s'ils vivront longtemps ou non...

    Il est important de rappeler que les résultats de ce test ne sont qu'indicatifs et ne peuvent pas, à l'heure actuelle, déterminer le temps qu'il reste à vivre. Des scientifiques s'inquiètent déjà quant à l'utilisation qui peut en être faite par des personnes mal intentionnées, tentant de profiter de cette indication pour vendre des produits miracles antivieillissement, ou pour refuser certaines prestations pour cause de télomères trop courts.