Exposer précocement ou excessivement les enfants à toutes sortes d'écrans numériques ou de télévision retarde-t-il leur développement cognitif ? Depuis des décennies, les chercheurs s'interrogent et leurs avis sont divisés sur les prétendus effets néfastes. Selon une vaste étude, ce n'est pas tant l'usage qui en est fait que le contexte familial et la façon d'accompagner les tout petits dans l'utilisation de l'écran qui conditionne l'apprentissage du langage.

 


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    Le temps passé par les enfants devant les écrans joue en partie sur leur développement, mais ces effets sont limités et dépendent avant tout de la manière dont les petits sont exposés, selon une vaste étude publiée mercredi. C'est « le contexte dans lequel sont utilisés les écrans et non seulement le temps d'écran [qui] joue sur le développement cognitif des enfants », concluent les auteurs de cette étude, réalisée sous l'égide de l'Inserm et publiée dans la revue Journal of Child Psychology and Psychiatry.

    La surexposition des enfants aux écrans -- ordinateursordinateurs, smartphones, télévisions -- donne lieu depuis plusieurs années à une vaguevague d'alarmisme chez plusieurs responsables politiques ainsi que quelques soignants qui y voient une grave menace au point, pour certains, d'évoquer un lien avec l'autisme. Le consensus scientifique est toutefois bien plus mesuré. L'étude de l'Inserm (l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale), vient s'ajouter à d'autres travaux qui relativisent les problèmes liés à l'usage d'écrans en lui-même et les replacent dans un contexte plus large.

    Il s'agit d'une étude de « cohorte », un type de travail qui permet d'établir des conclusions très solidessolides. Un groupe important de personnes -- ici 14 000 enfants --  y sont suivies pendant des années. Les chercheurs ont évalué ces enfants à trois âges : deux ans, trois ans et demi, puis cinq ans et demi. Ils concluent à un lien « limité » entre l'usage d'écrans et leur développement intellectuel.

    Prendre ses repas avec la télévision allumée montre des effets négatifs sur le développement du langage chez les jeunes enfants. © Tomsickova, Adobe Stock
    Prendre ses repas avec la télévision allumée montre des effets négatifs sur le développement du langage chez les jeunes enfants. © Tomsickova, Adobe Stock

    Le temps d'écran n'est pas le seul critère à prendre en compte

    Certes, « aux âges de 3,5 et 5,5 ans, le temps d'exposition aux écrans était associé à de moins bons scores de développement cognitif global, en particulier dans les domaines de la motricité fine, du langage et de l'autonomieautonomie », détaille l'Inserm dans un communiqué. Cependant, lorsque les facteurs relatifs au mode de vie et susceptibles d'influencer le développement cognitif étaient pris en compte (...), la relation négative se réduisait et devenait de faible magnitudemagnitude ».

    Autrement dit, ce n'est pas tant la présence d'écrans qui influence le développement de l'enfant que le moment et la manière dont celui-ci les regarde. Par exemple, les enfants étudiés semblent nettement pâtir du fait de regarder fréquemment la télévision en famille pendant les repas. « La télévision, en captant l'attention des membres de la famille, interfère avec la qualité et la quantité des interactions entre les parents et l'enfant, avance, dans le communiqué, l'épidémiologiste Shuai Yang, principal auteur de l'étude. Or, celle-ci est cruciale à cet âge pour l'acquisition du langage ».

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    Enfants devant les écrans : quels risques et quels bénéfices ?

    Ils font partie de notre quotidien, les écrans sont partout, TV, ordinateur, tablette, smartphone... Et leurs effets sur de jeunes cerveaux en formation font débat. Le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) fait le point sur les risques d'exposition prolongée mais aussi sur les bénéfices car il y en a ! Comme le préconisait le poète HoraceHorace, il faut de la mesure en toute chose et accompagner les enfants et adolescents dans leur consommation d'écrans.

    Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews, publié le 30 janvier 2020

    Les études sur les effets des écrans sur les enfants et les adolescents, en dépit de leur nombre, sont loin d'être toutes concluantes et peuvent donner des résultats contradictoires, sur les risques, constate le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP), qui évoque aussi leurs bénéfices.

    L'analyse des publications scientifiques apporte des « éléments contradictoires de l'effet des écrans sur le développement cognitif de l'enfant et sur les troubles de la santé mentale », selon un avis de cette instance conseillère des pouvoirs publics, publié mercredi. Les conséquences sur le sommeil sont établies et sont plus importantes si le temps d'utilisation augmente ».

    En revanche, plus que les écrans eux-mêmes, ce sont les comportements associés à leur usage (prises alimentaires augmentées, sommeil écourté et de moins bonne qualité) qui sont responsables de l'augmentation du surpoids. Les chercheurs font état d'un risque significatif lorsque les enfants et les adolescents ont accès à des contenus sexuels et pornographiques, ou violents, poursuit le HCSP.

    Les écrans sont-ils vraiment néfastes pour le cerveau des enfants ?  © Andrey Popov, Adobe Stock
    Les écrans sont-ils vraiment néfastes pour le cerveau des enfants ?  © Andrey Popov, Adobe Stock

    Les effets bénéfiques de l'écran

    Mais les écrans peuvent avoir des effets positifs dans des situations précises : « Chez des enfants présentant ou non des troubles (ou des retards) du développement cognitif, l'utilisation encadrée du numériquenumérique a eu des effets positifs sur l'apprentissage ». De même, des effets positifs ont été observés chez des enfants présentant un trouble autistique.

    Les « exergames » (jeux vidéojeux vidéo actifs associant exercices cognitifs et physiquesphysiques) entraînent également des améliorations dans les comportements (activité physique, alimentation), le développement cognitif (développement des facultés d'apprentissage, de langage, de pensée...) et les interactions sociales, note encore le Haut Conseil.

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    Le b.a.-ba de la consommation d'écran : l'accompagnement parental

    Le HCSP recommande d'interdire les écrans aux enfants de moins de 3 ans et les écrans 3D pour ceux de moins 5 ans, comme le préconise depuis 2008 le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Les autres consignes générales sont : pas d'écran dans la chambre des enfants, ne pas les laisser en regarder une heure avant de s'endormir, ni pendant les repas.

    Il convient, poursuit le HCSP, d'accompagner la consommation d'écrans en fonction de leur nature (tablette, télévision, jeu vidéo...) et des catégories d'âge et de trouver un équilibre entre autorisation et interdiction, tout en consacrant du temps aux autres activités.

    Le HCSP juge nécessaire de former les adultes pour en percevoir les risques et les bénéfices, identifier les enfants et les ados vulnérables et repérer les signes d'alerte d'une utilisation excessive (somnolence, troubles anxieux, baisse des performances scolaires...). Il rappelle en outre le site (https://www.netecoute.fr) et le numéro vert (0800 200 000) de Net Ecoute, dédié aux enfants et adolescents confrontés à des problèmes dans leurs usages numériques.

    Enfin, au vu « des nombreuses incertitudes scientifiques » actuelles, il conclut au « besoin de développer la recherche ».