Des chercheurs français ont isolé des cellules souches capables de réparer les dents et décrit le mécanisme de réparation : les plaquettes sanguines, par la libération de sérotonine et de dopamine, sont impliquées. Une piste intéressante pour développer de nouveaux traitements en dentisterie.

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    Pourra-t-on bientôt réparer les dents avec des cellules souches ? © Ahmed Al Masaood, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Pourra-t-on bientôt réparer les dents avec des cellules souches ? © Ahmed Al Masaood, Flickr, cc by nc nd 2.0

    La dent est un organe minéralisé, implanté dans la bouche par une racine. La partie « vivante » de la dent ou cavité dentaire est constituée de la pulpe dentaire elle-même composée de vaisseaux et de nerfs. Autour, on retrouve une substance dure, la dentine ou ivoire, laquelle est recouverte d'un tissu encore plus dur, l'émail. Lorsqu'une lésion dentaire apparaît, les cellules souches dormantes de la pulpe se réveillent pour tenter de réparer la dent sans que l'on en connaisse le processus.

    Dans cette étude, les chercheurs de l'Inserm et de l'université Paris Descartes au sein de l'Unité 1124 « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire » sont parvenus à extraire et isoler, en travaillant sur la pulpe de molairemolaire de souris, des cellules souches de dent. Dès lors, les chercheurs ont pu analyser finement les cellules et identifier à leur surface cinq récepteurs spécifiques à la dopaminedopamine et à la sérotoninesérotonine, deux neurotransmetteursneurotransmetteurs essentiels à l'organisme.

    La présence de ces récepteurs à la surface de ces cellules souches indiquait qu'elles avaient la compétence de répondre à la présence de dopamine et de sérotonine en cas de lésion. Les chercheurs se sont naturellement demandé quelles cellules pourraient être la source de ces neurotransmetteurs, signaux d'alarme. Il s'avère que les plaquettes sanguinesplaquettes sanguines, activées par la lésion dentaire, sont responsables de la libération d'une grande quantité de sérotonine et de dopamine. Ces neurotransmetteurs libérés recrutent alors les cellules souches pour réparer la dent en se fixant à leurs récepteurs. L'équipe de recherche a pu confirmer ce résultat en observant une absence de réparation dentaire chez les rats dont les plaquettes modifiées ne produisent pas de sérotonine ni de dopamine, c'est à dire en l'absence de signal.

    Les dentistes utilisent des biomatériaux pour réparer les dents. © John Twohig, Flickr, cc by nc 2.0

    Les dentistes utilisent des biomatériaux pour réparer les dents. © John Twohig, Flickr, cc by nc 2.0

    Vers de nouvelles thérapies pour réparer les dents

    « Dans la recherche sur les cellules souches, il est rare de pouvoir à la fois isoler des lignées de cellules, d'identifier les marqueurs permettant de les reconnaître -- ici les cinq récepteurs --, de découvrir le signal qui les recrute -- la sérotonine et la dopamine --, et la source de ce signal -- les plaquettes sanguines. Dans ce travail, nous avons pu, de manière inattendue, explorer l'ensemble du mécanisme » explique Odile Kellermann, responsable de l'équipe de l'Inserm et de l'Université Paris Descartes, principale auteure de ces travaux parus dans la revue Stem Cell.

    Pour aller plus loin, les chercheurs ont tenté de caractériser les différents récepteurs mis en évidence. L'un des cinq ne semble pas impacter le processus de réparation tandis que les quatre autres se révèlent très impliqués. Le blocage in vivoin vivo d'un seul d'entre eux suffit pour empêcher la réparation dentaire.

    « Actuellement, les dentistes utilisent des matériaux de coiffage (hydroxyde de calciumcalcium) et des biomatériaux à base de phosphate tricalciques pour réparer la dent et combler les lésions. Nos résultats permettent d'envisager des stratégies thérapeutiques inédites qui viseraient à mobiliser les cellules souches résidentes de la pulpe afin d'amplifier le pouvoir naturel de réparation des dents sans avoir recours à des matériaux de substitution », conclut Odile Kellermann. Les bases sont posées pour étendre ces recherches obtenues chez le rongeur aux cellules souches de la dent chez l'Homme afin d'initier de nouvelles stratégies de réparation des dents.