Une nouvelle étude montre une association entre une consommation régulière de somnifères et un risque plus élevé de démence, chez les personnes blanches. D’autres études sont nécessaires pour comprendre les mécanismes sous-jacents.


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    Les personnes âgées qui prennent régulièrement des benzodiazépines, prescrites pour traiter l'insomnie chronique, auraient 79 % de risques supplémentaires de souffrir de démence (comme la maladie d'Alzheimer) que celles qui n'en prennent que rarement ou jamais. L'étude observationnelle publiée dans le Journal of Alzheimer's Disease ne permet pas d'analyser les mécanismes de cette association, qui feront l'objet de recherches supplémentaires.

    Pour une consommation d’au moins cinq fois par mois

    Les chercheurs américains ont analysé la consommation en somnifères de 3 068 adultes dont un peu plus de la moitié étaient des femmes (74 ans en moyenne, 41,7 % de personnes noires, 58,3 % de personnes blanches) sans démence et ne vivant pas en maison de retraite. Sur une période d'une dizaine d'années, la consommation de somnifères a été enregistrée trois fois avec les options de réponse suivantes : « Jamais (0) », « Rarement (≤1/mois) », « Parfois (2-4/mois) », « Souvent (5-15/mois) » ou « Presque toujours (16-30/mois) ». L'association entre prise de somnifères et démence était uniquement significative pour une consommation régulière (au moins 5 fois/mois), par rapport à une consommation rare ou nulle.

    Par ailleurs, l'étude visait à examiner si cette association variait selon l'origine ethnique. Et en effet, l'association a été observée chez les personnes blanches mais pas chez les personnes noires. Toutefois, les personnes blanches étaient au moins deux fois plus susceptibles de prendre des benzodiazépines comme Halcion, Dalmane et Restoril (7,7 % contre 2,7 %).

    Un lien direct entre la prise de benzodiazépines et la maladie d'Alzheimer est suspecté. © Marc Soller, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
    Un lien direct entre la prise de benzodiazépines et la maladie d'Alzheimer est suspecté. © Marc Soller, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Envisager d’autres options que les somnifères

    Yue Leng, du département de psychiatrie et des sciences du comportement de l'université de Californie à San Francisco et coauteure de l'étude, a déclaré que les patients qui dorment mal devraient hésiter avant d'envisager la prise de médicaments. « La première étape consiste à déterminer le type de problème de sommeil dont souffrent les patients, avertit-elle. Si l'insomnie est diagnostiquée, la thérapie cognitivo-comportementale pour l'insomnie est le traitement de première intention. Si un médicament doit être utilisé, la mélatoninemélatonine pourrait être une option plus sûre, mais nous avons besoin de plus de preuves pour comprendre son impact à long terme sur la santé. »


    Certaines benzodiazépines augmenteraient les risques de démence

    Article de l'INSERM, publié le 13 décembre 2015

    Les personnes âgées qui prennent des benzodiazépines à demi-viedemi-vie longue voient leur risque de démence augmenter de 60 %. Ces médicaments sont souvent prescrits pour lutter contre les troubles du sommeiltroubles du sommeil.

    Les benzodiazépines et les psychotropespsychotropes sont les médicaments les plus consommés en France. On estime que 30 % des personnes âgées de 65 ans et plus en consomment. Ils sont prescrits pour un large spectrespectre de pathologiespathologies allant des troubles du sommeil aux symptômessymptômes dépressifs en passant par l'anxiété. Depuis qu'ils sont largement utilisés, les chercheurs se penchent sur leurs éventuels effets secondaires dans la mesure où ils interagissent avec des neurotransmetteursneurotransmetteurs du cerveaucerveau. Si de précédentes études avaient déjà suggéré une augmentation du risque de démence consécutive à la prise de psychotropes, beaucoup de questions restaient en suspens. L'une d'entre elles concernait la différence d'effets potentiels des benzodiazépines à demi-vie courte (qui disparaissent de l'organisme en moins de 20 heures) versus celles à demi-vie longue.

    Pour essayer d'en savoir plus, les chercheurs de l'Inserm se sont basés sur les données issues de l'étude dites des 3 Cités (Bordeaux, Dijon, Montpellier), soit 8.240 personnes âgées de plus de 65 ans et suivies depuis plus de 8 ans. Dans cette étude sur l'effet des benzodiazépine, 830 nouveaux cas de démence ont été diagnostiqués lors du suivi. Une procédure de dépistagedépistage et le diagnosticdiagnostic de chaque cas de démence ont été mis en place par un comité d'experts. Par ailleurs, l'enregistrement systématique de tous les médicaments consommés par les participants, à domicile, en confrontant avec les ordonnances a été possible.

    « Il y a clairement une différence de signal entre benzodiazépines à duréedurée de vie longue et celles à durée courte. Or les premières ont déjà été identifiées comme dangereuses chez les personnes âgées, notamment en raison du risque de chutes, et nous avons été étonnés de voir qu'elles étaient encore fréquemment consommées », déclare Christophe Tzourio, neurologue, directeur du centre de recherche Inserm U897 et professeur d'épidémiologie à l'université de Bordeaux.

    Patients et médecins doivent réfléchir à d’autres moyens pour lutter contre les troubles du sommeil. © Akhilesh Ravishankar, Flickr, CC by-nd 3.0
    Patients et médecins doivent réfléchir à d’autres moyens pour lutter contre les troubles du sommeil. © Akhilesh Ravishankar, Flickr, CC by-nd 3.0

    Des alternatives à trouver contre les troubles du sommeil

    Les personnes âgées consommant des benzodiazépines de demi-vie longue ont un risque augmenté de 60 % de développer une démence (majoritairement du type de la maladie d’Alzheimer), et ce sans que cela ne soit explicable par d'autres facteurs. Les auteurs ont fait des analyses statistiques en profondeur permettant d'écarter certains biais et notamment le fait que la prise de benzodiazépines ait été la conséquence de symptômes initiaux de démence. Il s'agit néanmoins d'une étude observationnelle ne permettant pas d'analyser les mécanismes de cette association. Ceux-ci devraient faire l'objet d'études physiopathologiques, d'imagerie, sur des modèles animaux, etc.

    Malgré l'absence de certitude sur le mécanisme « le doute est suffisant pour encourager médecins et patients à trouver des formes alternatives pour les troubles du sommeil des personnes âgées qui sont le motif principal de prescription de ces médicaments : conseils hygiéno-diététiques, produits non médicamenteux, et au maximum les médicaments les moins dangereux comme les benzodiazépines à demi-vie courte. »

    « Nos résultats suggèrent au minimum une vigilance renforcée de tous, en particulier des médecins et des autorités de santé, pour éviter cette consommation de benzodiazépines à demi-vie longue chez les personnes âgées. » déclare Christophe Tzourio. « Le signal sur l'ensemble des psychotropes, comprenant les antidépresseursantidépresseurs, est à confirmer par d'autres études mais il amène lui aussi à une inquiétude sur l'ensemble de ces produits et pas uniquement les benzodiazépines. »

    Ces résultats paraissent dans la revue Alzheimer’s and Dementia.

     

    Inserm

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