Certains chimpanzés souffrant d’anomalie cardiaque possèdent un véritable os supplémentaire dans le cœur, appelé cordis. Un nouvel organe passé jusqu’ici inaperçu, et qui pourrait aussi se développer chez les humains souffrant de la même pathologie.


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    Le chimpanzéchimpanzé est un des primatesprimates les plus proches de l'Homme. C'est pourquoi la découverte d'un nouvel os, situé qui plus est au milieu du cœur, a surpris les chercheurs de l'université de Nottingham quand ils sont tombés dessus. Ces derniers ont examiné la structure et la morphologie de 16 cœurs de chimpanzés sains ou atteints de fibrose myocardique. Cette pathologie, souvent d'origine inconnue, entraîne la formation de tissu fibreux à l'intérieur du cœur en raison de l'accumulation de collagène. Elle aboutit à une insuffisance cardiaque, des arythmies et parfois une mort soudaine. La fibrose myocardique est la maladie cardiaque la plus courante chez les chimpanzés, mais elle affecte aussi l'Homme, notamment chez les patients souffrant de pathologies cardiaques.

    Un os présent chez certains ruminants

    Chez quatre des singes malades, les chercheurs ont remarqué une intrigante structure hyperdense dans le trigone droit, un épais noyau fibreux à la jonction des trois valves (aortique, mitrale et tricuspide). En pratiquant un scannerscanner, ils ont découvert que cette structure fibreusefibreuse d'à peine quelques millimètres de long s'était transformée en un véritable os, appelé cordis. La présence de cet os est relativement fréquente chez les gros ruminants comme le bœuf, le buffle, le cerf ou le mouton. On l'a parfois observé également chez la loutre et le chameau, associé ou non à une maladie cardiaque. Mais il n'avait jusqu'ici jamais été détecté chez un primate. « La découverte d'un nouvel os chez une nouvelle espèceespèce est un événement rare, surtout chez les chimpanzés qui ont une anatomieanatomie si semblable à celle de l'Homme. Cela soulève la question de savoir si certaines personnes pourraient également avoir un cordis », s'interroge Catrin Rutland, principale auteure de l'étude parue dans la revue Scientific Reports.

    Image haute résolution du cordis à la microtomographie aux rayons X. © Catrin Rutland et al, Scientific Reports, 2020
    Image haute résolution du cordis à la microtomographie aux rayons X. © Catrin Rutland et al, Scientific Reports, 2020

    Mais à quoi peut bien servir ce cordis ?

    Les scientifiques s'interrogent encore sur la fonction d'un tel os. Certains ont suggéré qu'il pourrait servir au soutien et à la rigiditérigidité des valves cardiaques, mais le cordis est plus probablement le résultat d'un développement anormal de tissu fibreux qui durcit jusqu'à former un cartilagecartilage puis un os. Chez l'Homme, plusieurs maladies sont connues pour aboutir à une ossification de certains organes. La fibrodysplasie ossifiante progressivefibrodysplasie ossifiante progressive (FOP), par exemple, aussi appelée « maladie de l'homme de pierre », se caractérise par une ossification progressive des muscles squelettiquesmuscles squelettiques et des tendons.

    Un os passé sous le radar

    Vu le faible échantillon de chimpanzés examinés dans l'étude, on peut soupçonner que de nombreux singes atteints de fibrose myocardique possèdent un cordis. Mais il était jusqu'ici passé inaperçu, sans doute parce que la technique utilisée par les chercheurs, la microtomographie aux rayons X, est peu employée par les vétérinairesvétérinaires. Cet appareil permet de visualiser les tissus en 3D avec une très haute résolutionrésolution, offrant un aperçu très fin de leur structure. Il serait toutefois étonnant qu'un tel os soit passé sous le radar chez l'humain, alors que l'Homme est de loin l'espèce dont l'anatomie est la plus scrutée. Mais après tout, le corps humain révèle de nouvelles surprises chaque année. En 2017, les médecins ont ainsi ajouté le mésentère à la liste des organes du corps, et on a découvert l'an dernier des vaisseaux sanguins à l’intérieur des os.