Les astronautes subissent tout un tas de tests avant, pendant et après leur voyage dans l'espace. La dernière étude en date s'est intéressée à leur immunité et a montré qu'elle diminuait en condition de microgravité.


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    Y a-t-il plus de risques d'attraper un mauvais rhume dans un vaisseau spatial que sur Terre ? La microgravité a des conséquences négatives sur le corps humain, comme la perte osseuse et musculaire, la diminution du volumevolume sanguin, ou encore la perturbation du système immunitaire. En effet, des scientifiques de l'université d'Ottawa, au Canada, ont analysé les cellules immunitaires de 14 astronautesastronautes (onze hommes et trois femmes) ayant séjourné environ six mois dans la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale (ISS). Ils ont prélevé leur sang avant de partir pour l'espace, plusieurs fois à bord de l'ISS et à leur retour sur Terre. 

    « Nous avons mis en évidence que l'expression de nombreux gènes associés aux fonctions immunitaires diminue rapidement quand les astronautes atteignent l'espace, alors que le contraire se produit quand ils retournent sur Terre après six mois dans l'ISS », explique Odette Laneuville, scientifique à la tête de cette étude parue dans Frontiers in Immunology.

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    Un voyage dans l'espace change l'expression de plus de 15 000 gènes présents dans les globules blancs. Les scientifiques se sont intéressés à 276 d'entre eux dont l'immense majorité appartient à la catégorie « decreased-then-increased » qui inclut les gènes dont l'expression diminue durant le séjour des astronautes dans l'espace, puis réaugmente à leur retour sur Terre pour atteindre des niveaux normaux après quelques mois. Seule l'expression de 29 gènes suit le schéma inverse ; elle augmente quand les astronautes sont dans l'espace pour diminuer à leur retour sur Terre.

    Ces résultats suggèrent que l'immunité diminue rapidement quand leur corps est en microgravitémicrogravité. Par exemple, les scientifiques ont observé une diminution drastique du marqueur CD3 à la surface des lymphocytes. Ce récepteur est chargé de transmettre le signal d'alerte de la présence d'un pathogènepathogène aux lymphocytes et enclenche ainsi leur activation. Heureusement, l'expression du gène CD3 redevient normale dans les jours qui suivent le retour sur Terre.

    Les lymphocytes sont les soldats de l'immunité. © nobeastsofierce, Adobe Stock
    Les lymphocytes sont les soldats de l'immunité. © nobeastsofierce, Adobe Stock

    Prévenir les infections spatiales

    Malgré tout, les scientifiques canadiens pensent tout de même que si les astronautes rencontrent un pathogène durant une mission spatiale, la réponse de leur système immunitaire ne serait pas optimale. Ils seraient aussi plus fragiles face aux infections à leur retour sur Terre, le temps que leur immunité retrouve sa pleine capacité - de quelques semaines à quelques mois, selon les individus.

    Tout cela serait déclenché par une redistribution du plasma dans le corps en condition de microgravité. Il perd entre 10 à 15 % de son volume après quelques jours dans l'espace et circule plutôt dans la partie haute du corps. Les scientifiques réfléchissent à une prophylaxieprophylaxie pour limiter ces problèmes immunitaires durant les futurs voyages de l'humanité dans l'espace. Une petite laine ne sera probablement pas suffisante pour se protéger contre un rhume spatial.


    Comment la microgravité altère le système immunitaire des astronautes ?

    Article publié le 11 juin 2021 par Julie KernJulie Kern

    La microgravité n'est pas sans conséquence sur le corps humain. Elle pourrait fragiliser les futurs voyageurs interstellaires face aux maladies, en diminuant les capacités de l'immunité.

    Lors d'un voyage dans l'espace, le corps humain est soumis à rude épreuve. Sans gravitégravité terrestre, la massemasse musculaire des astronautes fond comme neige au soleilsoleil ; ils perdent aussi de la masse osseuse par exemple. La recherche s'intéresse beaucoup aux conséquences de la microgravité sur la santé humaine depuis les premiers séjours spatiaux au long court des astronautes dans la station MirMir. La microgravité dérange aussi les équilibres de notre système immunitaire.

    Sans en comprendre totalement les mécanismes, il a été observé qu'elle diminue nos défenses face aux pathogènes, autorisant, par exemple, un virusvirus à se répliquer plus vite. Une étude récente, parue dans Scientific Reports, affine nos connaissances sur ce sujet. Selon les scientifiques de l'université de Standford, la microgravité diminue l'activité de lymphocytes T4lymphocytes T4 et T8, mais augmente celle des lymphocytes T régulateurs.

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    Des cellules immunitaires engourdies par la microgravité…

    Les cellules mononuclées du sang (PBMC) de huit volontaires ont été soumises à la microgravité, ou à une gravité de 1G pour contrôle, pendant 18 heures. Après ce traitement, les échantillons ont été laissés tels que ou ont été stimulés avec des antigènesantigènes (ConA ou un anti-CD28) pour provoquer une réponse immunitaire. Les réactions de chaque cellule ont été étudiées grâce à la cytométrie en fluxcytométrie en flux et l'étude de leur ARNmARNm.

    Leurs résultats indiquent que la microgravité diminue les réponses, après stimulationstimulation, des lymphocytes T4, dont le rôle est entre autre d'activer les lymphocytes B pour qu'ils se différencient et produisent des anticorpsanticorps, des lymphocytes T8 qui détruisent les cellules infectées et les cellules NK (natural killer), effecteurs de l'immunité innée qui tuent aussi les cellules infectées. La sécrétionsécrétion des cytokinescytokines, les moléculesmolécules qui permettent la communication entre toutes les cellules, baisse aussi dans les conditions de microgravité, notamment le TNFα, pro-inflammatoire, le CCL4 une molécule qui attire les NK sur le lieu de l'infection.

    Le protocole utilisé par les scientifiques pour étudier la réponse immunitaire en microgravité. © J. M. Spatz et <em>al., Scientific Reports</em>
    Le protocole utilisé par les scientifiques pour étudier la réponse immunitaire en microgravité. © J. M. Spatz et al., Scientific Reports

    …et des régulateurs au garde à vous

    À l'opposé, l'expression des lymphocytes T régulateurs est augmentée en microgravité. Comme leur nom l'indique, ils sont en charge de contenir la réponse immunitaire pour ne pas qu'elle s'attaque au soi. Ces cellules sont aussi impliquées dans la préventionprévention des maladies auto-immunesmaladies auto-immunes. La suractivité des T régulateurs en condition de microgravité ralentit encore la réponse immunitaire déjà faible après stimulation. 

    Voilà comment la microgravité endort notre système immunitaire. Cela pourrait avoir des conséquences graves sur la santé des futurs voyageurs à destination d'autres planètes si, par exemple, un microbemicrobe s'infiltre dans le vaisseau spatial.