En 2022, face aux vagues de chaleur, la France a enregistré plus de 2 800 décès, mettant en évidence les dangers des températures extrêmes pour la santé humaine. Température et taux d’humidité peuvent devenir dangereuse beaucoup plus vite que les chercheurs ne le pensaient auparavant. Voici les limites.


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    Depuis des millénaires, l'humanité évolue dans une sorte de « niche climatique » qui l'aide à s'épanouir. Et si nous ne parvenons pas à limiter le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, la donne pourrait changer. Du tout au tout pour des milliards d'humains sur la planète Terre. Des études ont déjà attiré l'attention sur ce point. L'année dernière, des chercheurs de l'université Penn State aux États-Unis (Lire ci-dessous) avaient apporté des précisions inquiétantes à ce sujet.

    Des travaux présentés à l'occasion de la conférence annuelleannuelle de la Society for Experimental Biology par une équipe de l'université de Roehampton (Royaume-Uni) semblent montrer, eux, qu'il existe ce que l'on peut appeler une température critiquetempérature critique supérieure (UCT) au-delà de laquelle la quantité d'énergieénergie que le corps humain consomme au repos pour continuer à fonctionner commence à augmenter. La respiration devient plus profonde et le rythme cardiaque augmente. Lorsque finalement le corps ne peut plus se débarrasser de l'excès de chaleurchaleur, la température interne, elle aussi, se met à augmenter. De quoi entraîner la confusion, des nausées, des étourdissements, des maux de tête ou des évanouissements.

    Des différences entre les personnes

    Selon les chercheurs, tout se joue entre 40 et 50 °C. À 50 °C et sous 50 % d'humidité, le taux métabolique -- la vitesse à laquelle les organismes dépensent leur énergie -- des volontaires a augmenté de plus de 55 % et leur fréquence cardiaque de près de 65 %. Leur température centrale a commencé à augmenter. « Ils seraient morts si nous ne les avions pas tirés de là », commentent les chercheurs.

    Ce que les travaux menés par les chercheurs de l'université de Roehampton montrent peut-être surtout, c'est que la réponse cardiaque à la chaleur peut grandement varier entre les catégories de personnes. L'occasion de noter, par exemple, que la fréquence cardiaque des femmes augmente plus avec la température que celle des hommes. Des résultats qui restent à être consolidés, mais qui semblent plus que jamais indispensables dans le contexte de réchauffement climatique rapide que nous connaissons actuellement.


    Canicule : voici la température limite que le corps humain peut supporter

    Tout n'est pas qu'une question de température. L'humidité qui accompagne la chaleur joue, le temps d'exposition aussi, et bien sûr l'état de santé de la personne concernée. 

    Article de Léa FournassonLéa Fournasson paru le 18/07/2022

    Les vagues de canicule de plus en plus fréquentes sont dues au réchauffement climatique, qui ne va faire que s'aggraver pendant les décennies à venir. © Korn V., Adobe Stock
    Les vagues de canicule de plus en plus fréquentes sont dues au réchauffement climatique, qui ne va faire que s'aggraver pendant les décennies à venir. © Korn V., Adobe Stock

    Les vaguesvagues de caniculecanicule se multiplient, en France, et partout dans le monde. En cause, le réchauffement climatique, qui accentue le nombre d'événements météorologiques extrêmes. Cette semaine encore, les températures vont grimper au-dessus des 35 °C dans plusieurs régions de France, notamment dans le Sud-Ouest. L'occasion de se demander : quelle température peut supporter le corps humain ? Étant homéothermeshoméothermes, notre température corporelle doit rester constante, et avoisiner les 37 °C. Mais, en pratique, nous ressentons les effets de la chaleur bien avant que l'airair atteigne cette température. Au-delà d'une certaine limite, notre corps n'évacue plus aussi facilement la chaleur qu'il produit : c'est là que la sensation de chaud arrive. Une étude de 2010 plaçait cette limite aux alentours des 35 °C pour 100 % d'humidité, mais un nouveau projet de l'université de Penn State, PSU H.E.A.T Project, dont les résultats viennent d'être publiés dans la revue International Journal of Biometeorologyremet cette valeur en question. 

    Un problème à plusieurs facteurs

    Plutôt qu'une température donnée au-dessus de laquelle le corps lâche, c'est une réponse à plusieurs facteurs. Il y a la température bien sûr, mais aussi l'humidité qui l'accompagne, la duréedurée d'exposition d'une personne et son état de santé. Une personne de 80 ans, même en bonne santé, ne résistera pas aussi bien à 40 °C qu'une personne de 25 ans avec une bonne condition physiquephysique. L'étude sortie en 2010 avait placé le seuil limite de tolérabilité à 35 °C pour un taux d'humidité de 100 %, c'est-à-dire une « température humide » de 35 °C, et 46 °C pour un taux d'humidité de 50 %. Rappelons que ce taux représente le rapport entre la quantité de vapeur d'eau dans l'air, et la quantité maximale de vapeur d'eau que peut contenir l'air. Ainsi, à 100 %, il n'est plus possible de rajouter de vapeur d'eau dans l'air, donc la transpiration ne s'évapore pas : impossible de réguler sa température de cette façon.

    Mais le nouveau projet mené par l'université Penn State est, d'une certaine façon, encore plus alarmant. L'équipe a évalué à partir de quelle température nous ne sommes plus capables d'effectuer les tâches du quotidien, comme la cuisine ou la marche de courte durée. Les chercheurs ont pour cela « amené de jeunes hommes et femmes en bonne santé au laboratoire Noll de la Penn State University pour qu'ils subissent un stress thermique dans un environnement contrôlé », décrit leur communiqué. Chaque personne a ensuite avalé une vidéo-capsule, qui permet de surveiller la température interne du corps, puis a simulé une journée comme une autre dans une salle où la température et le taux d'humidité étaient régulés. En augmentant petit à petit la température et l'humidité de l'airhumidité de l'air et en regardant le moment où la température interne du corps commence à grimper, les chercheurs sont parvenus à évaluer une nouvelle limite du corps humain.

    Les diagrammes de compensation établis par les chercheurs pour deux scénarios : MinAct (activité minimale de la vie quotidienne, en pratique vélo sans forcer) et LightAmb (activité ambulatoire légère, en pratique marche avec une pente de 3 %). Les régions vertes dans chaque diagramme représentent des combinaisons de température et humidité relative où le stress thermique est entièrement compensable. Les régions rouges représentent des scénarios totalement incompensables. Les régions jaunes représentent une zone de transition ou de « danger » entre les deux modes de compensation. © Vecellio, D.J., Wolf, S.T., Cottle, R.M. et al. 2022, Wolf et al. 2021
    Les diagrammes de compensation établis par les chercheurs pour deux scénarios : MinAct (activité minimale de la vie quotidienne, en pratique vélo sans forcer) et LightAmb (activité ambulatoire légère, en pratique marche avec une pente de 3 %). Les régions vertes dans chaque diagramme représentent des combinaisons de température et humidité relative où le stress thermique est entièrement compensable. Les régions rouges représentent des scénarios totalement incompensables. Les régions jaunes représentent une zone de transition ou de « danger » entre les deux modes de compensation. © Vecellio, D.J., Wolf, S.T., Cottle, R.M. et al. 2022, Wolf et al. 2021

    31 °C pour 100 % d'humidité, ou 38 °C à 60 % d'humidité

    Et leurs résultats sont plus faibles que ceux de la dernière étude. On passe ainsi de 35 °C à 100 % d'humidité, à 31 °C. Et pour 60 % d'humidité, ce n'est plus 45 °C, mais 38 °C qui constitue la limite du corps humain. Au-delà de ces associations température-humidité, les mécanismes de régulation de la température ne fonctionnent plus parfaitement, et l'exposition ne doit pas durer plus que quelques heures. Tout est dicté, à la base, par notre hypothalamus, situé au cœur du cerveau humain. Il sert de régulateur pour de nombreuses fonctions, dont la température corporelle. Lorsque ce « thermostatthermostat naturel » détecte un échauffement interne du corps, il déclenche des actions de régulation. La transpiration notamment, mais qui nécessite de boire beaucoup d'eau pour compenser la perte. Mais aussi l'augmentation du débitdébit sanguin cutanécutané, qui permet d'évacuer de la chaleur par rayonnement, à travers la peau. Le cœur humain doit donc pomper plus fort pour permettre cette augmentation de débit.

    En pratique, les températures indiquées dans l'étude ne sont pas atteintes pour l'instant en France : lorsque les températures grimpent, le taux d'humidité ne dépasse pas les 30 %, voire 40 %. Mais dans d'autres pays où le climatclimat est bien plus humide, comme l'Inde et le Pakistan qui ont connu une vague particulièrement meurtrière de canicule en mai 2022, le risque est réel. Car dans le cas où la régulation ne fonctionne plus, la personne risque littéralement de mourir de chaud. Et tout le monde n'est pas égal face à cela. Ainsi, à l'avenir, l'équipe compte mener une étude similaire, mais cette fois sur des personnes plus fragiles face à la chaleur : les personnes âgées.