La crise sanitaire a contraint le grand public à se familiariser avec des termes scientifiques et très techniques. Il a dû s'accrocher aussi aux séances de rattrapage dispensées généreusement sur le monde des virus, ses variants, ses mutations par la communauté scientifique. Mais ces mots, anxiogènes et parfois mal compris, sont parfois source de confusion. Le point sur ce que cela implique pour la pandémie de Covid-19.


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    À ce stade, trois sont considérés comme des « variants préoccupants », selon la dénomination officielle de l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé : ceux qui ont d'abord été détectés en Angleterre, en Afrique du Sud et au Japon (mais sur des voyageurs venant du Brésil, d'où son nom commun de « variant brésilien »). Ils circulent respectivement dans 125, 75 et 41 pays, selon le dernier point de l'OMS. Ils appartiennent à cette catégorie à cause de leur transmissibilité ou de leur virulence accrues, qui aggravent l'épidémie et la rendent plus difficile à contrôler, selon la définition de l'OMS. La catégorie juste en dessous est celle des « variants d'intérêt », dont les caractéristiques génétiques potentiellement problématiques justifient une surveillance. Pour l'instant, l'OMS en retient trois, initialement repérés en Écosse, aux États-Unis et au Brésil.

    Quels sont ces variants qui inquiètent ?

    Enfin, de nombreux autres variants circulent, que la communauté scientifique cherche à repérer et évaluer. « Les semaines et les mois à venir nous diront s'ils entrent dans la catégorie des variants très inquiétants qui se diffusent très vite, ou s'ils vont rester des variants qui circulent à bas bruit », explique à l'AFP Etienne Simon-Lorière, responsable de l'unité de génomique évolutive des virus à ARN à l'Institut Pasteur (Paris). Tous ces variants sont classés par famille, ou « lignée ». Selon les mutations qu'ils ont acquises, ils occupent une place précise dans l'arbrearbre généalogique du virus SARS-CoV-2SARS-CoV-2 d'origine.

    En soi, l'apparition de variants est tout sauf une surprise : c'est un processus naturel puisque le virus acquiert des mutations au fil du temps, pour assurer sa survie. « Plus de 4.000 variants du SARS-CoV-2 ont été identifiés à travers le monde », expliquent ainsi les services de santé britannique sur leur site internetinternet. Et l'OMS d'ajouter : « La plupart n'a pas d'impact en termes de santé publique ». Tout dépend en effet des mutations qu'ils portent.

    © koto_feja, IStock.com
    © koto_feja, IStock.com

    Ainsi, c'est une mutation appelée N501Y, commune aux variants anglais, sud-africain et brésilien, qui est soupçonnée de les rendre plus transmissibles. Et les variants sud-africain et brésilien portent une autre mutation, E484K, suspectée d'amoindrir l'immunité acquiseimmunité acquise, soit par une infection passée -- avec donc une possibilité accrue de réinfection --, soit par les vaccinsvaccins.

    Pour le grand public, difficile de s'y retrouver, d'autant que ces variants ont des noms très techniques, sans harmonisation internationale. Par exemple, le variant anglais s'appelle 501Y.V1 ou VOC202012/01 et appartient à la lignée B.1.1.7. Les termes variants « anglais, sud-africain ou brésilien » sont donc plus compréhensibles pour le grand public, mais les scientifiques ne les aiment guère, car ils les jugent stigmatisants pour les pays.

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    Pourquoi ces variants sont-ils plus contagieux ? … et plus dangereux ?

    Il y a un consensus sur ce point au sujet des trois « variants préoccupants ». Mais cela ne s'appuie pour l'instant que sur des données épidémiologiques : les chercheurs observent à quelle vitessevitesse ces variants se propagent et en déduisent à quel point ils sont plus contagieuxcontagieux. Cela ne permet donc pas d'avoir un chiffre catégorique, puisque les résultats peuvent varier selon les mesures de restriction en place dans les régions concernées. Par exemple, sur la base des différentes études, l'OMS juge que le variant anglais est 36 à 75 % plus contagieux.

    Plusieurs équipes de chercheurs dans le monde sont en train d'analyser les caractéristiques biologiques de ces variants, dans l'espoir de savoir pourquoi ils sont plus contagieux. « Il y a des hypothèses à étudier : peut-être que la charge virale est plus élevée, que le variant peut entrer plus facilement dans les cellules ou qu'il se multiplie plus vite », déclare à l'AFP OlivierOlivier Schwartz, responsable de l'unité Virus et Immunité à l'Institut Pasteur, qui dirige l'une de ces équipes.

    Des chercheurs de l'université américaine de Harvard ont émis une autre hypothèse. Selon eux, l'infection provoquée par le variant anglais pourrait durer plus longtemps : un individu infecté resterait contagieux pendant une plus grande période qu'avec le coronaviruscoronavirus classique, ce qui pourrait donc nécessiter d'allonger la période d'isolement. Mais ce type de recherches prend du temps, et il faudra encore plusieurs semaines, voire mois pour avoir des réponses définitives.

    Cela semble être le cas pour le variant anglais. Une étude publiée le 10 mars conclut qu'il est 64 % plus mortel que le coronavirus classique. Pour 1.000 cas détectés, le variant anglais provoque 4,1 morts, contre 2,5 pour le coronavirus classique, conclut cette étude publiée dans la revue médicale BMJ. Elle confirme de premières observations faites fin janvier par les autorités britanniques. Par ailleurs, en s'appuyant sur d'autres travaux menés en Afrique du Sud, l'OMS estime que le variant sud-africain « augmente de 20 % le risque de décès à l'hôpital ».

    Vaccins : diminution n'est pas synonyme inefficacité

    Selon plusieurs études in vitroin vitro, l'efficacité des vaccins n'est pas sensiblement réduite par le variant anglais, mais semble l'être par les variants sud-africain et brésilien, à cause de la fameuse mutation E484K. Toutefois, même si les vaccins sont moins efficaces contre certains variants, cela ne veut pas dire qu'ils ne sont plus efficaces du tout.

    Des variants contre lesquels les vaccins actuels pourraient être moins efficaces (...) vont probablement continuer à émerger

    Par ailleurs, ces études se focalisent sur une seule réponse de l'organisme après la vaccinationvaccination, la production d'anticorpsanticorps : « Elles n'évaluent pas d'autres types d'immunité potentielle, telle que l'activité des lymphocyteslymphocytes T et B », soulignent des spécialistes américains, dont l'expert gouvernemental Anthony Fauci, dans un article récemment publié par la revue spécialisée Jama.

    Quoi qu'il en soit, les fabricants travaillent à de nouvelles versions de leur vaccin, adaptées aux variants. Moderna a ainsi annoncé le 10 mars qu'il avait commencé à injecter des vaccins de nouvelle génération à de premiers patients, dans le cadre d'un essai cliniqueessai clinique destiné à évaluer leur efficacité contre le variant sud-africain. Cette adaptation est indispensable, car « des variants contre lesquels les vaccins actuels pourraient être moins efficaces (...) vont probablement continuer à émerger », met en garde le Centre européen de préventionprévention et de contrôle des maladies (ECDC).

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