Une étude récente réfléchit sur le potentiel infectieux des eaux usées qui rassemblent les déjections humaines pouvant être contaminées par le coronavirus. Ces eaux peuvent-elles être une voie de propagation du coronavirus ?


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    La principale voie de transmission du coronavirus SARS-CoV-2 est par contact direct avec des microgouttelettes porteuses du virus sécrétées par une personne infectée ou présentes sur une surface inerte.

    À côté de cette voie principale, la communauté scientifique cherche à savoir s'il existe d'autres voies de transmission parallèles mais moins fréquentes. Rapidement, la voie de contamination orofécale est envisagée comme une candidate sérieuse.

    En effet, les premières descriptions des symptôme du Covid-19 rapportent des diarrhées, des douleurs abdominales ou des vomissements. Plus tard, une étude a identifié l'ARN du SARS-CoV-2 dans les selles et l'urine des patients atteints de la Covid-19Covid-19.

    L'ARN du coronavirus a été identifié dans les eaux uséeseaux usées de plusieurs pays. À partir de ce constat, un groupe de chercheurs internationaux a publié une revue dans Nature Sustainbility qui creuse la question de la présence du génomegénome du virus dans les eaux usées et les risques de contaminationcontamination, pas encore confirmés, que cela pourrait représenter.

    Les auteurs ont mis en évidence deux voies hypothétiques de contamination par les eaux usées. Par les eaux grises, accessibles au public, et les eaux de vannes qui peuvent être parfois utilisées pour l'irrigation des champs dans les pays les plus pauvres. © Anne Bogler et <em>al.</em> <em>Nature Sustainbility</em> 2020
    Les auteurs ont mis en évidence deux voies hypothétiques de contamination par les eaux usées. Par les eaux grises, accessibles au public, et les eaux de vannes qui peuvent être parfois utilisées pour l'irrigation des champs dans les pays les plus pauvres. © Anne Bogler et al. Nature Sustainbility 2020

    Les eaux usées représentent-elles un risque de contamination ?

    Le problème de la contamination par les eaux usées est plus préoccupant dans les pays défavorisés où la difficulté d'accès à l'eau propre peut contraindre les populations à utiliser des eaux usées de façon inappropriée.

    Les eaux grises ne contiennent pas de selles mais sont issues des lavaboslavabos ou des douches. Leur usage est autorisé pour des activités qui ne nécessitent pas d'eau potable comme laver sa voiturevoiture ou alimenter les fontaines publiques. Ces eaux ne semblent pas être une voie de contamination possible puisque ces eaux contiennent souvent des savons et détergents nocifs pour le coronavirus.

    Les auteurs de la revue mettent en avant l'irrigationirrigation des cultures avec des eaux usées qui peut représenter une autre source de contamination. Lors de la pulvérisation de l'eau, il peut se former les fameuses microgouttelettes infectieuses qui peuvent se déposer sur des surfaces ou être respirées par des personnes à proximité. En outre, les fruits et les légumes manipulés par la suite peuvent être contaminés. Néanmoins, le coronavirus ne semble pas se transmettre par les aliments.

    La résistancerésistance du coronavirus aux traitements physico-chimiques appliqués sur les eaux usées n'a pas fait l'objet de recherche à l'heure actuelle mais, dans certains pays, ces traitements ne sont pas obligatoires. Pour le moment, aucun virionvirion infectieux n'a pu être isolé des eaux usées ; ces voies de contamination restent hypothétiques et souffrent d'un manque de données scientifiques pour être formellement confirmées.


    Covid-19 : les eaux usées pourraient révéler l'étendue de l'épidémie

    Article publié le 7 avril 2020 par Julie KernJulie Kern

    Alors qu'une minorité de patients montre des symptômessymptômes gastrogastro-intestinaux, des chercheurs se sont demandés si le coronavirus responsable du Covid-19 était présent dans les eaux usées. Et il a été retrouvé dans plusieurs stations d'épuration aux Pays-Bas.

    Le Covid-19 est une maladie dont les manifestations sont essentiellement respiratoires. Pourtant, plusieurs études rapportent du terrain des symptômes gastro-intestinaux chez une minorité de patients. Dans plusieurs cas, le coronavirus SARS-CoV-2 a été détecté dans des prélèvements rectaux.

    Comment le virus atteint le tractus gastro-intestinal reste inconnu. Néanmoins, on sait que le fameux récepteur cellulaire ACE2, utilisé par le coronavirus lors de l'infection, est exprimé en abondance par les cellules épithéliales intestinales. L'excrétion du virus par les selles pourrait participer à la transmission du virus, notamment pour les personnes infectées par le SARS-CoV-2 mais qui ne présentent aucun symptôme.

    Plusieurs groupes de recherche se sont intéressés à la présence du coronavirus dans les eaux usées qui sont traitées dans les stations d'épuration. Pour l'instant, les chercheurs ont trouvé des traces, c'est-à-dire de l'ARN viral, de SARS-CoV-2 dans plusieurs pays, notamment aux Pays-Bas.

    Des prélèvements faits par écouvillonnage rectal ont révélé la présence du SARS-CoV-2 dans le tractus intestinal de certains patients. © Marco Taliani, Adobe Stock
    Des prélèvements faits par écouvillonnage rectal ont révélé la présence du SARS-CoV-2 dans le tractus intestinal de certains patients. © Marco Taliani, Adobe Stock

    Estimer la généralisation du virus dans la population

    Selon Gertjan Medema, microbiologiste hollandais, suivre la contamination des eaux usées recueillies par les stations d'épuration pourrait permettre de mieux estimer la dissémination du virus que les tests puisque les personnes non testées ou asymptomatiques, mais contagieuses, sont prises en compte.

    Mais pour le moment, il est difficile d'en tirer des conclusions. En effet, les données manquent sur l'excrétion du SARS-CoV-2 dans les selles. Les chercheurs auraient besoin de connaître la quantité de virus présente dans les selles pour l'extrapoler à celle trouvée dans les eaux usées.

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    Une détection précoce de l’épidémie

    La détection du virus dans les eaux usées fait aussi office de signal d'alarme. Selon Nature, le groupe de recherche qui a analysé les eaux usées de l'aéroport Schiphol a identifié le SARS-CoV-2 quatre jours avant que le premier cas soit confirmé sur les bases des signes cliniques. L'analyse a été réitérée dans douze grandes villes hollandaises dont certaines n'ont déclaré aucun cas. Les eaux usées d'Amersfoort ont été testées positives avant que le premier cas ne soit rapporté.

    Selon Nature, des études indiquent que le virus est excrété via les selles dans les trois jours suivant l'infection, soit bien avant que les premiers symptômes apparaissent. Le suivi des eaux usées permettrait de mettre en place des mesures barrières. Tamar Kohn, une virologiste de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), affirme que « sept à dix jours peuvent faire une grande différence dans la gravitégravité de cette épidémieépidémie ».