Deux épidémies, à 18 ans d’intervalle, provoquées par la même famille de virus. Agent étiologique, émergence et transmission, qu’ont en commun les épidémies de Sras et de Covid-19 ?


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    Depuis son émergenceémergenceCovid-19 a été comparé à une épidémie plus ancienne, elle aussi provoquée par un coronavirus, le Sras. Aujourd'hui, le coronavirus de Wuhan a pris plus d’ampleur que son aïeul. Au 10 février, on dénombre 40.574 personnes contaminées et plus de 900 personnes décédées.

    Covid-19 est le troisième coronavirus à franchir la barrière des espècesespèces en vingt ans. Les deux premiers étaient le Sars-CoV en 2002 et le Mers-CoVMers-CoV en 2012. Le Mers-CoV, le plus virulent, a sévi au Moyen-Orient entre 2012 et 2013, tandis que le Sars-CoV a débuté en Chine comme le coronavirus de Wuhan. Jusqu'à quel point ces deux épidémies se ressemblent-elles ?

    Sars-CoV et Covid-19, deux coronavirus similaires

    Au niveau génétique, les deux virusvirus sont similaires. Leur génomegénome fait environ la même taille, à une centaine de nucléotidesnucléotides près : 29.838 paires de base pour Covid-19 et 29.751 pour Sars-CoV.

    Dans les deux cas, le gènegène le plus important code pour une polyprotéinepolyprotéine. Cette longue protéineprotéine est ensuite clivée pour libérer des protéines structurelles et enzymatiquesenzymatiques du virus. Chez Covid-19, ce gène fait 21.290 paires de base, et chez Sars-CoV, 21.222 paires de base. À noter que, pour ce gène, il existe un deuxième cadre de lecture pour l'agent étiologique de l'épidémie de Sras absent du coronavirus de Wuhan.

    Le deuxième gène important est celui qui code la protéine S pour spike. Ces protéines sont ancrées dans la membrane entourant le virus et permettent l'entrée du virus dans les cellules cibles. Ici, les cellules ciliéescellules ciliées du tractus respiratoire et gastrique. Les deux virus possèdent la même protéine S (99 % d'identité). Ils utilisent donc la même porteporte d'entrée pour infecter les cellules, le récepteur cellulaire ACE2.

    Le génome complet du Sars-CoV. L'échelle supérieure référence la taille totale du génome (en kilo paire de base) ainsi que celle des gènes codants représentés par des barres rouges. © NCBI Reference Sequence
    Le génome complet du Sars-CoV. L'échelle supérieure référence la taille totale du génome (en kilo paire de base) ainsi que celle des gènes codants représentés par des barres rouges. © NCBI Reference Sequence
    Le génome complet du Covid-19. L'échelle supérieure référence la taille totale du génome (en kilo paire de base) ainsi que celle des gènes codants représentés par des barres rouges. © NCBI Reference Sequence
    Le génome complet du Covid-19. L'échelle supérieure référence la taille totale du génome (en kilo paire de base) ainsi que celle des gènes codants représentés par des barres rouges. © NCBI Reference Sequence

    La chauve-souris, un réservoir commun ?

    Les deux virus sont donc très proches génétiquement mais leur histoire de vie diffère. Le réservoir du Sars-CoV est établi, il s'agit des chauves-sourischauves-souris. Pour Covid-19, ce mammifèremammifère volant est aussi suspect. En effet, le génome de Covid-19 est en grande partie identique à ceux qui circulent dans cette espèce. Mais le virus a sûrement contaminé l'humain par le truchement d'une espèce tiers, appelée hôte intermédiaire.

    Pour le Sars-CoV, il s'agit de la civette palmée ; pour le coronavirus de Wuhan, le sujet fait encore débat. Le mois dernier, le serpent a été proposé par une équipe de chercheurs, cette piste semble aujourd'hui écartée. Les regards se tournent vers le pangolin, un petit mammifère prisé par les Chinois pour les supposées vertus curatives de ses écailles. La piste semble sérieuse mais doit être encore formellement confirmée.

    L'espèce de chauve-souris <em>Rhinolophus sinicus</em> est le réservoir du Sras-CoV. Est-ce le cas aussi pour Covid-19 ? © <em>Guangdong Entomological Institute</em>
    L'espèce de chauve-souris Rhinolophus sinicus est le réservoir du Sras-CoV. Est-ce le cas aussi pour Covid-19 ? © Guangdong Entomological Institute

    Covid-19 plus contagieux que le Sras-CoV

    Le taux de transmission (R0) désigne le nombre moyen de personnes saines qu'un malade peut contaminer. Quand il est inférieur à 1, c'est-à-dire qu'un malade est capable d'infecter moins d'une personne en moyenne, la maladie ne se diffuse pas et n'atteint pas le stade de l'épidémie. Quand R0 est égal à 1, le nombre de contaminationcontamination reste stable sans provoquer de pic épidémique. C'est quand le R0 est supérieur à 1 que les choses se compliquent. La maladie se propage de façon exponentielle et provoque une épidémie, voire une pandémiepandémie.

    Le R0 du Sras était compris entre 2 et 5, selon les stades de l'épidémie. Pour Covid-19, c'est encore difficile à estimer, il change au fur et à mesure de l'évolution du nombre de cas. Pour le moment, il serait compris entre 2 et 5,5. Il serait donc plus contagieuxcontagieux que son aïeul. Tous les deux se transmettent via des microgouttelettes expulsées lors de quintes de toux ou d'éternuements.

    Des infectés aux profils divergents

    Les deux virus passent par la même porte d'entrée pour infecter l'humain mais infectent-ils le même type de patient ? Si, pour l'épidémie du Sras, nous possédons des données épidémiologiques complètes, celles de l'épidémie actuelle seront à prendre avec des pincettes puisque l'épidémie est toujours en cours et peu de cas ont fait l'objet d'études scientifiques.

    De novembre 2002 à août 2003, 8.098 personnes ont été touchées par l'épidémie de Sras dans 13 pays différents. Celle-ci a débuté dans la province de Guangdong, située près de l'île d'Hong-Kong. Le temps d'incubation du virus était d'environ 10 jours. Les deux tranches d'âge les plus touchées étaient les 25-34 ans et les plus de 75 ans. L'épidémie a touché un peu plus de femmes que d'hommes dont la plupart travaillaient au contact des malades. Dans le monde, 774 personnes en sont décédées, soit un taux de létalité de 9,6 %.

    Actuellement, 40.574 personnes souffrent de la pneumopathiepneumopathie provoquée par le coronavirus de Wuhan. Plus de 900 personnes sont mortes, soit un taux de létalité de 3 % (première estimation). Parmi les 41 patients dont le cas a fait l'objet d'une étude scientifique, la majorité était des hommes, travailleurs du marché de Wuhan. L'âge médian des infectés est de 49 ans. La grande majorité des cas recensés maintenant n'ont plus de lien avec le fameux marché aux poissonspoissons. Reste à savoir, si un profil type pourra se dégager à la fin de l'épidémie.