David Bennett, 57 ans, fut le premier patient à recevoir une xénogreffe. Des médecins américains lui ont transplanté un cœur de porc génétiquement modifié pour soigner sa maladie cardiaque incurable. Il est décédé deux mois après la procédure. Désormais, les médecins essayent de comprendre ce qui s'est passé. Un virus présent dans le greffon pourrait être incriminé.


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    David Bennett, premier homme à se voir greffer un cœur de cochon génétiquement modifié, est décédé deux mois après l'opération, le 10 mars 2022. Un communiqué du porteporte-parole de l'université d'Arizona indiquait qu'aucune cause évidente n'avait été identifiée et qu'un rapport complet était en attente. Le 20 avril dernier, lors d'un webinar de l'American Society of Transplantation, l'un des médecins de David Bennett a expliqué que le greffon était contaminé par un virus porcin. Ce dernier est-il impliqué directement ou indirectement dans sa mort ? La question n'est pas encore tranchée. 

    Un virus caché dans le greffon

    Le virus porcin en question est un cytomégalovirus, un virus qui infecte d'abord les muqueuses nasales de l'animal avant de rester latentlatent dans d'autres organes, qui n'a pas été détecté avant la transplantation. La société Revivicor Inc. qui a fourni le cœur de porc, génétiquement modifié et présumé exempt de pathogènes, ne s'est pas exprimée sur le sujet. Selon les informations relayées par un article de MIT Technology Reviews, le cytomégalovirus porcin n'est pas capable d'infecter les cellules humaines, mais aurait pu endommager le greffon et provoquer une réaction inflammatoire délétère. 

    Selon toute vraisemblance, la mort de David Bennett a été provoquée par plusieurs facteurs. Il était très malade avant la greffegreffe qui a été approuvée par la FDAFDA car il n'y avait plus aucune alternative pour le soigner. Il semblerait que ce soit un syndromesyndrome inflammatoire généralisé, peut-être alimenté par le cytomégalovirus, qui ait causé la défaillance du greffon. Des cas similaires ont été observés lors de xénogreffesxénogreffes de cœurs porcins sur les babouins faites en Allemagne en 2020. Le virus avait diminué considérablement la duréedurée de vie des animaux greffés.

    Malgré l'issue tragique de la procédure, le corps de David Bennett n'a montré aucun signe de rejet du greffon, même plusieurs semaines après l'opération. Le porc sur lequel le cœur a été prélevé avait été génétiquement modifié - à raison de dix mutations génétiquesgénétiques - précisément dans ce but. Les questions éthiques autour des xénogreffes sont encore vivement débattues au sein de la communauté scientifique. Et la question de la contaminationcontamination virale soulevée par l'histoire de David Bennett montre bien qu'il y a encore beaucoup de recherches à entreprendre avant que les xénogreffes ne deviennent une chirurgiechirurgie de routine pour tous les patients en attente d'une greffe.


    Première greffe réussie d'un cœur de cochon humanisé sur un patient

    Article publié le 15 janvier 2022 par Julie KernJulie Kern

    Des médecins de Baltimore au Maryland ont réalisé, avec succès, une xénogreffe unique en son genre. Un cœur de cochon génétiquement modifié a été greffé sur un homme de 57 ans souffrant d'une maladie cardiaque en phase terminale.

    À 57 ans, David Bennett, un habitant du Maryland aux États-Unis, est condamné à vivre sur un lit d'hôpital à cause d'une maladie cardiaque grave. Son état de santé ne lui permet pas d'être éligible à une greffe de cœur et ses problèmes d'arythmiearythmie le privent d'un cœur artificielcœur artificiel. Les médecins de l'université du Maryland lui proposent alors un ultime recours expérimental : se voir greffer un cœur de porc génétiquement modifié. Une opération jamais réalisée auparavant sur un patient avec une maladie cardiaque en phase terminale.

    David Bennett accepte : « c'était soit mourir, soit faire cette greffe. Je veux vivre. Je sais que c'est une tentative hasardeuse, mais c'est mon dernier choix », explique-t-il. L'opération a eu lieu le 7 janvier 2022 et selon le communiqué de l'université de Maryland, qui retrace cette incroyable opération, David Bennett se porte bien, trois jours après la transplantation.

    Le cœur prélevé sur le porc génétiquement modifié. © Tom Jemski, UMSOM Public Affairs
    Le cœur prélevé sur le porc génétiquement modifié. © Tom Jemski, UMSOM Public Affairs

    Un cœur de cochon humanisé greffé

    Le cœur greffé provient d'un cochon génétiquement modifié. Au total, dix modifications génétiques ont été faites pour maximiser les chances de réussite de la greffe : trois gènesgènes délétés pour limiter le rejet, six gènes humains ajoutés pour que le cœur soit mieux accepté par l'immunitéimmunité et un dernier gène pour contenir la croissance des tissus porcins. Le cœur a été prélevé sur l'animal par les mêmes chirurgiens qui ont réalisé la greffe et placé dans une boîte spéciale qui l'a maintenu en vie ex vivo avant sa transplantation.

    Des études préliminaires sur des animaux ont montré qu'un cœur de porc greffé sur un singe a fonctionné au-delà de trois ans. En se basant sur ces données et sur le cas désespéré de David, la FDA a autorisé cette expérimentation à titre compassionnel. Il reste beaucoup d'inconnues autour des xénogreffes pour que ces opérations deviennent des procédures de routine. Les bénéfices pour les patients sont-ils plus nombreux que les risques qu'ils encourent ? « La réussite de la procédure a fourni des informations précieuses pour aider la communauté médicale à améliorer cette méthode potentiellement vitale chez les futurs patients », a déclaré Muhammad M. Mohiuddin, l'un des professeurs de chirurgie qui a réalisé la greffe.

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    Xénogreffe : et l'éthique dans tout ça ?

    Un pas de plus vers les xénogreffes

    Si ce genre d'opération constitue un espoir pour les malades en attente d'une transplantation, l'utilisation des xénogreffes soulève aussi d'importantes questions éthiques sur l'utilisation d'organes animaux en médecine humaine, mais aussi autour de toutes les expérimentations animales que cela requiert.

    En 2020, 370 greffes cardiaques ont été réalisées en France. Les patients sont transplantés, dans la plupart des cas, dans l'année suivant leur inscription. Mais pour certains, ce délai est trop long et leur état de santé se dégrade avant qu'un organe ne soit disponible. L'utilisation de xénogreffes pourrait réduire l'attente dans le futur. « Cette transplantation est révolutionnaire, et un pas de plus dans l'étude des xéno-organes à usage humain », a déclaré David Ayares, directeur scientifique de Revivicor Inc., la société qui a fourni le cochon aux médecins.