À l’aide de Google Ads, l'outil publicitaire de Google, certaines cliniques privées alternatives se servent de mots-clés fournis par le service pour détourner les patients atteints de cancer effectuant des recherches médicales vers leurs sites Internet.
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Lorsque nous sommes en situation de détresse, comme c'est le cas lorsqu'on souffre d'une maladie grave, nous cherchons des informations pour mieux gérer la situation : quel est le pronostic associé à la maladie ? Quels sont les traitements accessibles et lesquels sont les meilleurs ? Comment vit-on avec la maladie ?
À l'ère du numériquenumérique, l'outil par excellence pour poser ce genre de question est le moteur de recherche. Sans surprise, celui qui domine incontestablement le marché, avec plus de 80 % des recherches mondiales à son actif, est GoogleGoogle.
La capitalisation de la détresse
Une équipe de chercheurs anglophones a démontré que la firme permet à des cliniques alternatives privées, via son service de publicité Google AdsGoogle Ads, de cibler les recherches sensibles effectuées par les patients atteints d'un cancer dans le but de s'en servir comme mots-clés pour attirer des futurs patients potentiels. Ces cliniques alternatives - qui n'ont de médical que le nom - sont friandes de cette stratégie. Selon les données récoltées par les universitaires, elles ont dépensé plus de 15 millions de dollars sur Google Ads, ce qui a conduit à un nombre de visites sur leurs sites InternetInternet avoisinant les 7 millions entre 2012 et 2013, représentant quasiment la moitié de leur trafic sur cette même période.

Des risques considérables pour les patients
Dans leur article, les chercheurs rappellent des faits bien connus dans la littérature médicale. En effet, les traitements dits alternatifs ne sont pas anodins, surtout lorsqu'on souffre d'une pathologie grave comme le cancer : augmentation du risque de décès lorsque ces solutions sont utilisées à la place des soins conventionnels, retard de la prise en charge médicale et, par conséquent, impact sur la survie du patient, faux espoirs privant le patient de soins palliatifs de qualité et de temps précieux avec ses proches, etc. Si ces cliniques alternatives usent de stratégies malveillantes et manipulatrices, la politique de santé des États-Unis est également en partie responsable étant donné la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreux patients ne pouvant accéder aux soins conventionnels, faute de moyens.
Un mastodonte structurant de la désinformation
Les chercheurs rappellent que de nombreuses recherches montrent que Google tire profit de ces stratégies de désinformation et que l'entreprise participe à entretenir l'infrastructure qui permet leur propagation. On pourrait penser que dans ce type de situation, et bien d'autres, une réflexion éthique sur les algorithmes utilisés serait nécessaire, pour permettre a minima d'empêcher l'accès à certaines données sensibles ou le blocage de certains mots-clés spécifiques afin d'éviter de telles stratégies prédatrices. Cependant, l'historique de Google en matièrematière d'éthique, notamment avec le licenciement de Timnit Gebru, semble confirmer la pente glissante dans laquelle l'entreprise est engagée.
Cela n’arrive pas qu’aux autres
Enfin, si vous n'êtes pas convaincu de la malveillance de ces stratégies et pensez que la responsabilité incombe à l'usager d'être prudent quant aux informations qu'ils rencontrent, sachez qu'au-delà du fait que nous sommes tous inégaux en matière de compétences pour démêler le vrai du faux sur Internet, ces cliniques exploitent des biais psychologiques puissants tels que l'effet de vérité, le biais de confirmation ou encore le biais d'optimisme.
Aussi, elles ciblent des personnes en situation de détresse lors desquelles notre capacité à raisonner et à prendre de bonnes décisions est altérée. La prochaine cible de ces cliniques, cela pourrait être vous ou vos proches.
Ce qu’il faut
retenir
- L'outil publicitaire de Google permet à des cliniques alternatives privées de détourner les patients vers leurs sites Internet lorsqu'ils font leurs recherches.
- Cet état de fait est dangereux pour la santé des patients, surtout dans un environnement politique où les inégalités de santé sont fortes et où l'éthique des algorithmes n'est pas la priorité des entreprises de la tech.
- Personne n'est immunisé contre ces stratégies prédatrices qui utilisent de nombreux biais psychologiques très puissants.