Pour la première fois, des biologistes et des physiciens du CNRS à l'Institut Curie ont reconstitué, in vitro, un système minimal qui mime ce transport cellulaire. Ce système devrait permettre de mieux comprendre le trafic intracellulaire des protéines. Par ailleurs, ces tubes ainsi recréés pourraient trouver de nombreuses applications dans le domaine des nanotechnologies et dans l'étude des antigènes exprimés à la surface des cellules tumorales.
Ces travaux sont publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA du 16 avril 2002.


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    Des microtubules pour les rails...

    Pour préparer leur système, les chercheurs ont utilisé les constituants naturels de la cellule. Ils ont d'abord reconstitué un support à base de microtubules. Ces longs filaments répartis de façon homogène dans les cellules servent de rails de chemin de ferfer pour acheminer les moléculesmolécules vers leur destination.

    ...et des moteurs moléculaires pour conduire le train

    Pour transporter les molécules, il faut des moteurs qui les tirent dans la bonne direction. Cette fonction est assurée par les kinésines. Elles sont composées de deux chaînes terminées par des "pieds" sur lesquels se fixe le carburant nécessaire à leur déplacement (ATP). De cette façon, ces moteurs moléculaires sont capables de "rouler", en sens unique, le long des microtubules.

    Un système original utilisant des vésicules géantes et des mini-billes

    Les chercheurs ont préparé des vésicules géantes (plus de 10 micronsmicrons de diamètre) qui sont comme de "grosses poches" constituées d'une seule membrane lipidique et remplies de liquideliquide. Leur constitution ressemble à celle des membranes des compartiments cellulaires d'où partent les molécules informatives. La grande taille de ces vésicules permet à la fois de bien les visualiser au microscopemicroscope et d'offrir une réserve suffisante de membranes, puisque contrairement à un état naturel, il n'y a pas de renouvellement membranaire. Les chercheurs ont eu l'idée d'utiliser des petites billes de polystyrènepolystyrène (100 nm) recouvertes de molécules capables d'accrocher la vésicule géante d'un côté et les kinésines de l'autre. Les deux maillons d'accrochage de la bille (avec la vésicule et avec les kinésines) sont des "poignées" constituées de biotine (vitamine utilisée ici comme molécule de fixation). Dès lors que la bille s'est fixée à la membrane de la vésicule lipidique géante, elle l'étire sous l'entraînement des bras des kinésines dont les pieds "roulent" sur le réseau de microtubules reconstitué in vitroin vitro. Le mécanisme de formation du tube est très délicat puisqu'il nécessite de tirer suffisamment la membrane de la vésicule, tout en la protégeant d'une éventuelle déchirure. Dans ce système artificiel et sensible, la bille sert en quelque sorte de "résistancerésistance" et évite la rupture des tubes. L'équivalent cellulaire n'est pas encore bien connu mais pourrait être un complexe protéique recouvert de nombreux moteurs.

    Un réseau de tubes mimant celui de la cellule vivante

    Les chercheurs ont ainsi obtenu la formation de plusieurs tubes très fins (quelques dizaines de nanomètresnanomètres) générés par l'étirement de la membrane à partir de plusieurs sites d'accrochage des billes sur la vésicule. On observe alors que ces tubes croissent et donnent naissance à un réseau complexe qui suit les microtubules, comme prévu. Ce réseau ressemble à celui qui se forme à partir du réticulum endoplasmique ou de l'appareil de Golgi tel qu'on le voit dans une cellule in vivoin vivo. Ce système minimal et original permet ainsi de générer des tubes membranaires avec très peu d'éléments : membranes de vésicules lipidiques, kinésines, microtubules, ATP.

    Des applications…

    - En biologie cellulairebiologie cellulaire : Ce système minimal constitue un progrès considérable dans l'étude du trafic cellulaire, un vaste champ de recherche qui intéresse de nombreux domaines. Il est donc primordial d'optimiser les outils des chercheurs. Cependant, la transmission des informations entre les compartiments fait intervenir de multiples acteurs tant pour les diriger que pour les acheminer. C'est pourquoi ce système minimal, simple à reconstituer in vitro, permettra d'accélérer les expériences sur le trafic cellulaire. Rien de plus simple, en effet, que d'ajouter un élément "intrus" à la préparation de base pour en observer l'effet direct par simple comparaison avec le système minimal référent. On peut ainsi déduire le rôle de cet élément dans le trafic cellulaire. En effet, jusqu'à présent, pour visualiser la fonction d'une molécule, il fallait désactiver les autres, ce qui représentait un travail complexe et long.

    - Dans les nanotechnologiesnanotechnologies : A l'avenir, moult applicationsapplications sont imaginables dans le domaine des nanotechnologies. Si dans la cellule, les tubes transportent des molécules, pourquoi ne pas leur faire transporter des "objets bien choisis" in vitro ? Une idée parmi d'autres : utiliser ces nanotubesnanotubes pour transporter des fluides, et ainsi faire des nano-réacteurs. Et pourquoi ne pas solidifier ces tubes afin de créer des fibres utilisables par exemple comme nano-oscillateurs ? Un nouveau champ d'investigation s'ouvre...

    - En cancérologiecancérologie : Analyser les protéinesprotéines membranaires des cellules cancéreuses est une tâche difficile. Les chercheurs envisagent donc un système qui permettrait de "tirer" des tubes artificiels sur lesquels glisseraient les protéines spécifiques à étudier. Ce système serait constitué de billes sur lesquelles seraient placés des anticorpsanticorps spécifiques d'antigènesantigènes tumoraux exprimés à la surface des cellules cancéreuses, ce qui permettrait de trier et de caractériser ces antigènes