Les spécialistes pensent depuis longtemps que fumer du cannabis fait pousser les seins des hommes. Aux États-Unis, un chirurgien plasticien rappelait déjà en 2013 dans la presse nationale l’ampleur du phénomène (23.000 interventions chirurgicales pratiquées). Selon les derniers chiffres de 2015, plus de 30.000 hommes ont eu recours à une réduction mammaire outre-Atlantique. Si le lien n’a jamais pu être avéré, la marijuana abaisserait les niveaux de testostérone…

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    Une fois n'est pas coutume. La chronique Science décalée ne s'intéresse pas à une étude publiée dans une revue prestigieuse, mais au texte d'Anthony Youn, chirurgien plasticien à Détroit (Michigan, États-Unis), paru sur CNN en décembre 2013. Il rappelle, chiffres à l'appui, que la consommation de cannabis peut avoir des effets secondaires particulièrement gênants pour les hommes : voir leurs seins pousser...

    Le contexte : les opérations de réduction mammaire en hausse

    Ce trouble a un nom scientifique : gynécomastie. Bien que les personnes atteintes s'en vantent peu, elles sont nombreuses à être concernées. Aux États-Unis, en 2012, la Société américaine de chirurgie esthétique plastiqueplastique (ASAPS) comptabilisait près de 23.000 hommes qui passaient sous le bistouri pour une réduction mammaire, faisant de cette opération plastique la cinquième plus pratiquée du territoire : + 30 % en l'espace d'un an, entre 2011 et 2012. Dans son article, Anthony Youn précise qu'entre 33 et 41 % des hommes entre 25 et 44 ans sont concernés. Pire : chez les adolescents, le score s'élève à 60 %, et atteint des taux similaires chez les plus de 50 ans.

    Selon le dernier rapport de l'ASAPS daté de mars 2015, ces chiffres sont une fois encore en hausse. 30.464 interventions de réduction mammaire ont été réalisées entre 2014 et 2015, ce qui représente une hausse annuelleannuelle de 26%. L'ASAPS ajoute que le traitement chirurgical de la gynécomastie a progressé de 173% depuis qu'elle a commencé à publier son rapport annuel en 1997.

    Quelles sont les causes ? Plusieurs ont été identifiées. Certains cancers (à commencer par celui des testicules), des maladies, des troubles hormonaux ou la prise de substances activessubstances actives contribuent à faire chuter le taux de testostérone. L'équilibre entre testostérone et œstrogènesœstrogènes se rompt : la balance penche en faveur des hormones sexuelles féminines. Et les caractères secondaires associés se manifestent : les seins poussent. La plupart du temps, le trouble se résorbe tout seul mais, parfois, l'opération est préconisée.

    Le chirurgien plasticien s'intéresse quant à lui à une autre cause jugée plausible : le cannabiscannabis.

    Avant et après. La gynécomastie est relativement fréquente chez les adolescents, surtout lorsqu'un pic d'œstrogènes se produit avant le pic de testostérone, lequel permet le retour à la normale. © David Andrews Copeland, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Avant et après. La gynécomastie est relativement fréquente chez les adolescents, surtout lorsqu'un pic d'œstrogènes se produit avant le pic de testostérone, lequel permet le retour à la normale. © David Andrews Copeland, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Les données scientifiques : le cannabis, probablement mauvais

    Anthony Youn recourt à la littérature scientifique afin de servir son argumentaire. En réalité, les chercheurs pensent depuis longtemps que la marijuana entraîne une diminution des sécrétionssécrétions de testostérone. Mais dans l'espèceespèce humaine, les études sont difficiles à mettre en place, du fait de l'illégalité de la drogue. Une recherche de 1972 montrait un lien direct mais une autre, parue cinq ans plus tard, n'établissait aucune relation de cause à effet. Difficile d'être affirmatif donc.

    Les travaux qui comparent les niveaux d'hormones chez les fumeurs réguliers de cannabis avec les autres suggèrent malgré tout un effet délétère de la marijuana. Les résultats chez les animaux sont moins équivoques, d'après Anthony Youn. La droguedrogue abaisse bien les concentrations de l'hormone virile, diminue la taille des testicules et engendre un sperme de mauvaise qualité. Des modifications physiologiques qui peuvent donc avoir des répercussions sur la croissance des glandesglandes mammaires.

    Pour lui, si le lien n'est pas avéré, il est tout à fait plausible. Et invite donc les gros consommateurs de cannabis à mettre le joint de côté s'ils veulent s'éviter une déformation physiquephysique gênante et une éventuelle opération chirurgicale derrière.

    L’œil extérieur : des hommes aux gros seins dans certains États ?

    Le discours tenu par Anthony Youn n'est pas nouveau, et repose sur des bases scientifiques assez solidessolides. Le site MedlinePlus, tenu par les National Institutes of Health états-uniens, évoque bien la drogue parmi les causes possibles. Et des nouvelles réponses pourraient être apportées dans les années à venir.

    En effet, aux États-Unis, 33 des 50 États ont autorisé l'utilisation du cannabis à titre thérapeutique ou récréatif. Si bien que les scientifiques disposeront de sujets d'études pour mener plus en profondeur les investigations.