L’expression « se faire des cheveux blancs » n’a jamais aussi bien porté son nom : des chercheurs viennent de prouver que le stress pouvait bien causer un blanchissement irréversible des cheveux, en provoquant l’épuisement des réserves de mélanocytes, responsables de la coloration du cheveu.


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    La légende raconte que la chevelure de la reine Marie-Antoinette aurait entièrement blanchi la nuit précédant sa montée sur l'échafaud, en 1793. Si le « syndrome de Marie-Antoinette », désignant le blanchissement soudain de tous les cheveux, est certainement exagéré, le stress serait bien un facteur de blanchissement accéléré et irrémédiable, montre cette nouvelle étude parue le 22 janvier dans la revue Nature.

    Pourquoi les cheveux deviennent-ils blancs ?

    Rappelons d'abord pourquoi les cheveux ont tendance à grisonner naturellement quand on vieillit, un phénomène naturel qui porteporte le nom de « canitie ». La pigmentation provient de la mélanine, produite par les granules de mélanocytes localisés dans le bulbe du folliculefollicule pileux. Ces mélanocytesmélanocytes sont au contact des kératinocyteskératinocytes qui produisent le cheveu en se multipliant. Or, avec le temps, le nombre de mélanocytes diminue progressivement, tant au niveau du bulbe pileux que dans le « réservoir » de mélanocytes souches. Lorsqu'ils ne sont plus en quantité suffisante, le cheveu vire au gris, puis au blanc.

    Les mélanocytes produisent la mélanine, le pigment qui colore les cheveux. Lorsqu’ils viennent à manquer, le cheveu repousse blanc. © Katrin, Adobe Stock
    Les mélanocytes produisent la mélanine, le pigment qui colore les cheveux. Lorsqu’ils viennent à manquer, le cheveu repousse blanc. © Katrin, Adobe Stock

    Plusieurs facteurs sont par ailleurs en cause dans la disparition des mélanocytes. Des chercheurs de l'université de l'Alabama, aux États-Unis, ont ainsi montré en 2018 que le gène MIFT, qui déclenche une réaction immunitaire lors d'une infection par un virusvirus par exemple, entraîne aussi une perte importante de mélanocytes. De même pour l'enzymeenzyme TRP-2 (tyrosinase related protein-2), dont l'absence d'expression intensifie la disparition des mélanocytes en les rendant plus sensibles aux agressions comme les radicaux libresradicaux libres oxydants. Une déficience en vitaminesvitamines, le tabagisme, l'exposition aux UVUV (lire l'article ci-dessous) ou des maladies auto-immunesmaladies auto-immunes peuvent également provoquer un blanchissement des cheveux.

    Le stress épuise le stock de mélanocytes en 5 jours !

    L'étude parue dans Nature pointe de son côté le système nerveux sympathiquesystème nerveux sympathique. Ce dernier joue un rôle central dans la réponse au stress, notamment en produisant de la noradrénalinenoradrénaline. Or, cette dernière est absorbée par les cellules souchescellules souches de mélanocytes qui se transforment alors à toute vitessevitesse en mélanocytes actifs. « Chez la souris, le réservoir de mélanocytes souches est ainsi épuisé en moins de 5 jours, explique Ya-Chieh Hsu, biologiste à l'université de Harvard et co-auteur de l'étude. Quand tous les mélanocytes souches ont disparu, le cheveu repousse blanc. Les dommages sont irréparables ».

    Les chercheurs ont également découvert que les inhibiteurs de CDKCDK (cyclin dependent kinasekinase), une protéineprotéine qui favorise la différenciation des cellules souches, peuvent stopper le blanchissement des poils chez la souris. Un traitement chez l’humain semble cependant assez peu probable pour l'instant, étant donné que la CDK joue un rôle essentiel dans le métabolismemétabolisme cellulaire (des inhibiteurs de CDK sont toutefois en test dans le traitement contre le cancercancer).


    Cheveux blancs : les UV et le stress mis en cause

    Article de Agnès Roux publié le 20/06/2013

    Les agressions de la peau, causées par les UV, les blessures ou le stress, accéléreraient le blanchissement des cheveux. Les cellules qui les pigmentent migreraient progressivement vers les zones abîmées, jusqu'à disparaître complètement des bulbes pilaires.

    La couleur de la peau et des cheveux est contrôlée par les mélanocytes situés à la base de l'épidermeépiderme. Ces cellules produisent la mélanine, un pigment qui assure une protection naturelle contre les rayons ultraviolets (UV). Ainsi, lors d'une exposition au soleilsoleil, le corps bronzebronze car la fabrication de mélanine augmente afin de protéger l'ADNADN des cellules.

    Les mélanocytes sont au contact des kératinocytes, les cellules qui produisent le cheveu. Ces dernières se chargent de mélanine et assurent la croissance d’un cheveu doté de pigments. Cependant, tôt ou tard ils finissent tous par devenir blancs. Ce phénomène, appelé canitie, est un mécanisme naturel qui se produit en vieillissant.

    Selon cette étude, l'exposition aux rayons UV accélère le processus de formation des cheveux blancs. Les cellules productrices de mélanine quittent le bulbe du poil et se dirigent vers les régions attaquées par le soleil. © georgeparrilla, Flickr, cc by 2.0
    Selon cette étude, l'exposition aux rayons UV accélère le processus de formation des cheveux blancs. Les cellules productrices de mélanine quittent le bulbe du poil et se dirigent vers les régions attaquées par le soleil. © georgeparrilla, Flickr, cc by 2.0

    Dans la gaine externe du follicule pileux, on trouve une population de cellules souches de mélanocytes dormantsdormants, qui ne produisent pas de pigment. Lorsqu'un cheveu tombe, son unité de pigmentation est détruite et une autre se régénère à partir du réservoir de mélanocytes souches. Or le taux de mélanocytes souches diminue avec le temps et les nouveaux cheveux finissent par repousser blanc. Une fois le processus amorcé, il n'existe malheureusement pas de retour en arrière...

    Les UV accélèrent la formation des cheveux blancs

    D'autres facteurs pourraient accélérer le blanchissement des cheveux. Une équipe de la New York University School of Medicine s'est intéressée à l'effet d'une agression de la peau sur les mélanocytes souches. Les résultats mettent en évidence leur déplacement vers les zones abîmées, ce qui accélérerait la décoloration des poils et des cheveux. L'étude est publiée dans la revue Nature Medicine.

    Les scientifiques ont utilisé des souris génétiquement modifiées contenant des mélanocytes souches marqués, afin de suivre leur déplacement au cours du temps. Ils ont ensuite réalisé une petite incision sur le dosdos des rongeursrongeurs et ont observé le mouvementmouvement des mélanocytes. Leurs résultats révèlent une migration des mélanocytes du bulbe des follicules pileux vers l'épiderme. Une exposition aux rayons UVB a conduit au même constat. Les chercheurs ont alors réalisé une expérience similaire sur des cultures de cuir chevelu humain et ont obtenu les mêmes résultats.

    Le stress impliqué dans la migration des mélanocytes

    Lors de cette étude, les chercheurs ont également montré que le récepteur à la mélanocortine de type 1 (Mcr1), qui fixe des hormoneshormones impliquées dans le stress, était essentiel à ce phénomène de migration. Chez des souris ne fabriquant pas ce récepteur, le déplacement des mélanocytes ne se produit pas. Selon les scientifiques, cela pourrait expliquer l'effet du stress sur la formation des cheveux blancs.

    Ainsi, lors d'une attaque de la peau, les cellules productrices de mélanine quittent le bulbe du cheveu ou du poil pour venir protéger la zone abîmée. Les dommages de la peau au cours de la vie contribueraient donc au blanchissement progressif des cheveux. L'expression « se faire des cheveux blancs » semble trouver une justification scientifique...