Au Japon, le jardin est un art et une tradition — historiquement ésotérique et transmise oralement — dont les origines se perdent dans la nuit des temps et que pratiquaient les moines dans les plus anciens temples bouddhistes ou shintoïstes. Tout aussi codifié que l'ikebana et la calligraphie, il répond aux exigences tant esthétiques que spirituelles du Pays du soleil levant. Ce petit archipel montagneux est recouvert à 70 % par la forêt, considérée comme le refuge des divinités et que les Japonais honorent en recréant cette nature idéalisée dans le monde miniaturisé des jardins. L’espace y étant précieux au Japon, ils ont savamment élaboré une interprétation de la nature, soit dans l'illusion d’un horizon à perte de vue, soit dans une réduction conceptuelle de son immensité. 

Dans cet esprit-là, le jardin japonais respecte trois principes : la reproduction de la nature en miniature, un symbolisme simplifié et le paysage recomposé. Le tout dans un désordre organisé et une asymétrie courbe taillée au millimètre près, à l’inverse du jardin à la française — dont André Le Nôtre en est le plus bel ambassadeur —, fait de lignes droites et de symétrie, et à l’opposé du flou artistique des jardins à l’anglaise. Notre seul point commun avec le jardin japonais tiendrait alors dans la précision de l'agencement…

Le jardin japonais est une représentation symbolique de l'univers où chaque élément a sa raison d'être — arbres, animaux, fleurs, plantes, mousses, pierres, eau, ponts, graviers, lanternes, abris. Il existe trois typologies de jardins japonais, parfois eux-mêmes subdivisés.

Le jardin de promenade (shizen fūkeishiki) représente le monde en miniature. Il peut être considéré comme la synthèse des différents styles avec deux variantes : celle qui se découvre au fur et à mesure d’un parcours circulaire autour d’une pièce d’eau traversée par un pont menant souvent vers un îlot ou un pavillon symbolisant le paradis, et celle qui permet d'un point fixe d'embrasser du regard l’ensemble du paysage. Il tient forcément compte de la perspective, en trois ou quatre profondeurs, et excelle dans l’art de la dissimulation pour le faire paraître plus grand (le Shakkei ou « paysage emprunté »).

Le jardin sec (karenosansui) est destiné à la méditation, uniquement composé de sable, de rochers, de graviers travaillés au râteau, formant des vagues d’eau, et de mousse. Son caractère abstrait et minéral exprime la volonté d’éliminer le superflu, il se rencontre dans les temples. Systématiquement encadré par une enceinte, il est volontairement petit car il contient l’univers en lui. Il émerge vers le XVIe siècle, période durant laquelle il trouve un écho auprès des guerriers. Essentiellement fait pour être contemplé en position assise, il est une invitation au voyage intérieur. Le temps, les saisons, n’ont pas de prise sur ce décor immuable, aux tonalités neutres ou monochromes, exempte de végétaux.

Le jardin des thés (Chaniwa) est indissociable de la cérémonie du thé. La déambulation (ou rôji, « sol recouvert de rosée ») jusqu'au pavillon des thés fait office de passerelle entre le monde profane et le monde sacré de la cérémonie du thé. Ce rituel a été codifié par le maître Sen no Rikyû (1522–1591). Cheminer dans ce jardin jusqu’à la maison des thés est donc un itinéraire initiatique, exempt de fleurs susceptibles de distraire le visiteur dont l’esprit doit s’élever au fil de la progression sur le parcours ; il privilégie les arbres pour recréer l’atmosphère sereine de la forêt. Il est visuellement coupé afin que le visiteur soit « hors de sa vie quotidienne ».

L'esprit des jardins japonais a vite conquis l'Occident dès l'ouverture du Japon, fin XIXe-début XXe siècle, voici un tour d'horizon des plus beaux exemples à travers le monde.