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Daniel Desbruyères

Daniel Desbruyères

Chercheur Ifremer

L'océan profond couvre les deux tiers de la surface de notre planète ; c'est un milieu hostile où les conditions sont souvent extrêmes pour la vie telle que nous la connaissons. Son exploration demeure une des grandes aventures scientifiques et technologique du XXIème siècle ("notre dernière frontière"). C'est aussi un lieu d'une extraordinaire beauté sauvage et d'une très grande diversité biologique : Plusieurs millions d'espèces inconnues d'invertébrés y vivent et peuvent parfois constituer des oasis d'une grande richesse biologique. Futura Sciences permet aux citoyens de participer à cette passionnante aventure d'exploration de notre planète. Bravo !

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Biographie

Daniel Desbruyères est chercheur "Senior" à l'Ifremer, chargé de la direction du programme de recherche sur les écosystèmesécosystèmes hydrothermaux profonds. L'écologieécologie des milieux océaniques profonds et la taxonomietaxonomie des annélidesannélides sont ses domaines d'expertise.

Il a commencé sa carrière scientifique en 1970 par l'étude du plateau continentalplateau continental de Catalogne espagnole, puis a étudié pendant six ans la faunefaune marine du plateau continental de l'archipelarchipel des Iles Kerguelen. En 1976, il a intégré l'équipe de biologie abyssale du Cnexo (Centre national pour l'exploitation des océans), l'un des organismes dont est issu aujourd'hui l'Ifremer. Entre 1977 et 1985, il a dirigé de nombreuses campagnes océanographiques dédiées à l'étude du bassin abyssal du golfe de Gascogne. Il a développé une méthode expérimentale permettant l'étude de l'impact des perturbations en grande profondeur.

Depuis 1982, Daniel Desbruyères a dirigé de nombreuses campagnes à la mer de plongée des submersibles habités de l'Ifremer (Cyana, Nautile) sur les sources hydrothermalessources hydrothermales profondes du Pacifique oriental et occidental et de l'Atlantique au sud-ouest des Açores. Il a participé à 37 plongées dans les submersibles de recherche à des profondeurs supérieures à 1000 mètres. Il a décrit de nombreux invertébrésinvertébrés des sources hydrothermales (chez les annélides polychètes - vers marins -, 1 famille nouvelle, 7 genres nouveaux, 25 espècesespèces et une sous-espècesous-espèce nouvelles) et a effectué des travaux d'écologie descriptive sur ce milieu, ainsi que des études sur la biologie d'une espèce étonnante, le "ver de Pompéi" qui vit sur la paroi des cheminéescheminées hydrothermales d'où sort le fluide surchauffé.

Il a dirigé entre 1995 et 1998 le programme européen Amores qui a regroupé 19 laboratoires de 5 nations sur le volcanismevolcanisme actif sous-marinsous-marin au niveau de la dorsale au large de l'archipel des Açores. Il est actuellement impliqué dans l'étude de la toxicitétoxicité naturelle (métauxmétaux lourds, radioactivitéradioactivité naturelle) des évents hydrothermaux sur la faune et la flore bactérienneflore bactérienne environnante (programme européen Ventox).

Daniel Desbruyères a reçu le Prix scientifique Philip Morris en 1993 sur la biodiversitébiodiversité des environnements extrêmes.

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métier

Une petite idée de ma vie au quotidien

  • 07:00 du matin, "l'Atalante", navire amiral de la flotte de l'Ifremer glisse sur une houle à peine perceptible dans le Pacifique oriental par 12°59'N et 103°17W. C'est jour de plongée pour moi ; nous sommes en mer depuis une semaine et déjà quatre plongées ont été réalisées. Après un petit déjeuner léger, je revois avec le Chef de Mission les prélèvements et les observations à effectuer sur le fond, la disposition de l'instrumentation dans le panier du submersible placé sous la sphère.
  • 08:00.Après une dernière check-list de l'équipe submersible, nous embarquons dans la sphère du Nautile qui est déplacé sur le chemin de roulement jusqu'à l'aplomb du portique. Nous nous casons dans cet espace réduit (2m de diamètre pour deux pilotes et un scientifique), déjà encombré par les racks informatiques, les apparaux de survie, les divers appareils de conduite. Le panneau est scellé, les bruits s'estompent. Le submersible est hissé par la life-line et se balance avant de toucher l'eau. Doucement, le Nautile prend sa plongée. La lumière s'estompe peu à peu, l'obscurité prend place. Par mon hublot j'aperçois la luminescence du plancton qui monte vers nous et qui par endroit représente une véritable féérie pyrotechnique.
  • 09:00. 2600m de profondeur, nous sommes à proximité du fond, le pilote "pèse" le submersible pour lui donner une flottabilité neutre. En contact avec la surface nous positionnons le submersible dans son champ de balises acoustiques. Les "pings" des appareils donnent une impression irréelle. Les phares accrochent le fond, nous nous mettons en route vers la cible déjà repérée, un champ hydrothermal actif où le fluide chargé en particules sort à plus de 350°C du plancher océanique.
  • 10:00. Nous sommes au travail sur le site actif, nous en avons encore environ pour quatre heures d'autonomie. Les yeux écarquillés derrière le hublot, je me gave du spectacle de la faune exubérante qui peuple ces zones. Le rouge des panaches de vers géants, le chatoiement du fluide tiède qui s'écoule dans l'eau de mer froide par tous les interstices entre les laves refroidies, tout donne une impression magique. Pendant ce temps et selon le programme de plongée, le pilote prélève le fluide surchauffé dans des seringues en titane manipulées par les bras télémanipulateurs. Tout est lent précis et grave. Chacune des expérimentations est décrite et enregistrée par les caméras vidéo, chaque problème est décrit soigneusement. Il n'est pas question de perdre de temps, les plongées sont toujours trop courtes. Le temps passe très vite, et je vois avec désespoir que nous n'arriverons sans doute pas à effectuer l'ensemble du travail projeté, malgré le bon déroulement de la plongée.
  • 13:00. Pilote et co-pilote intervertissent leur rôle, nous déjeunons sur le fond et prenons quelques minutes de détente, le temps de changer de zone. Les projecteurs ne portent qu'à quinze mètres et il est très facile de perdre du temps entre deux sources distantes à peine de quelques centaines de mètres. Dans ce milieu minéral et accidenté, la navigation acoustique a une précision très variable du fait d'échos réfléchis qui peuvent tromper. Après un temps qui semble toujours trop long, nous apercevons le deuxième site où sont programmées les récoltes d'organismes. Les pinces du submersible doivent être manipulées avec un très grand soin pour ne pas endommager les animaux qui sont placés dans des enceintes à parois épaisses pour minimiser le choc thermique au cours du retour à la surface. Des mesures de température sont effectuées à chaque prélèvement de manière à estimer la dilution du fluide dans l'eau de mer. Hier sur ces mêmes zones, les chimistes ont effectué des mesures de concentration des principaux ions qui interagissent avec la vie.
  • 14:30. La surface nous rappelle qu'il est temps de larguer le lest et de remonter. La plongée prend fin trop tôt, nous n'avons réalisé que 3/4 du programme prévu. C'est la détente, le submersible doucement s'élève vers la surface.
  • 15:15. Nous sommes en surface. Les plongeurs sont autour du submersible et le bateau fait route vers nous. C'est la phase un peu délicate de récupération.
  • 16:00. Le submersible est à bo