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    La Terre Adelie avec Pierre Jouventin

    La Terre Adelie avec Pierre Jouventin

    © Photos exclusives Pierre Jouventin - Tous droits réservés
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    Les derniers bulletins sont arrivés....

    1°) Petit historique

    Au XVIIIè siècle, à l'époque des grandes navigations, beaucoup imaginait un continent austral aux rives luxuriantes, proche du Paradis. En Janvier 1773, l'explorateur Anglais James Cook traverse pour la première fois le cercle polairecercle polaire, puis se heurte à la banquisebanquise et à de gigantesques icebergs, il doit se rendre à l'évidence malheureusement cette terre n'a rien du paradis terrestre, bien au contraire. Nombre de navigateursnavigateurs russes, américains, anglais et le Français Dumont d'Urville, qui découvre la Terre Adélie en janvier 1840, exploreront à leur tour, pendant près d'un demi-siècle, les côtes du continent blanc.

    En 1948, Paul-Emile Victor et à ses compagnons d'expédition, fait son premier hivernage sur la base française - Port-Martin - créée en AntarctiqueAntarctique. Détruite par un incendie trois ans plus tard, cette dernière sera reconstruite sur un autre site et prendra le nom de Dumont d'Urville, le "père" de la Terre Adélie.

    2°) Géographie

    La Terre Adélie est une portion du continent Antarctique revendiquée par la France, et comprise entre le parallèle 66S et le pôle et les méridiens 136 et 142 est. La base permanente de Dumont d'Urville est à 66°50'S et 140°32E, à 2500 km au sud de la Tasmanie. Elle est installée sur une île de l'archipelarchipel pointe GéologieGéologie, situé à quelques centaines de mètres du continent. Pendant environ 9 mois de l'année la banquise isole complètement cette base du reste du monde. A la fin de l'hiverhiver, cette barrière peut avoir 300km de large.

    L'Antarctique est le plus isolé des continents. Centré sur le pôle sud, il est entouré de l'océan Austral, où sévissent soixantièmes rugissantss et dérivent d'énormes les icebergs, la hantise des navigateurs.

    © Photos exclusives Pierre Jouventin - Tous droits réservés
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    Le continent est recouvert d'une épaisse calotte glaciairecalotte glaciaire sur 98% de sa superficie. Accumulée au fil des millénaires, cette glace atteind par endroit 4800 mètres d'épaisseur. La Terre Adélie, avec ses 432000 km², est le plus grand des quatre districts que comptent les TAAF.(Les Terres Australes et Antarctiques Françaises)

    3°) La Base

    L'Antarctique est un continent international protégé par des lois, consignées dans le traité de l'Antarctique. Ce traité garanti le gelgel des revendications territoriales ainsi qu'une très stricte protection de l'environnement à travers le Protocole de MadridProtocole de Madrid.

    La Base Dumont d'Urville, implantation française permanente sur le continent Antarctique , se trouve située sur l'un des quatre districts celui de : Terre Adélie.

    L'Antarctique est une région du monde privilégiée pour la recherche scientifique, et plus particulièrement la Terre Adélie qui, située à proximitée du pôle sud magnétique, est une véritable fenêtrefenêtre sur le cosmoscosmos. Les géophysiciens de la base y étudient les relations entre le soleil et la Terre. Notamment les étonnantes et somptueuses aurores australesaurores australes observées pendant l'hiver polaire. Un phénomène dû au choc entre les molécules de l'atmosphèreatmosphère et les électrons contenus dans les particules de vent solaire attirées par le champs magnétiques terrestrechamps magnétiques terrestre. La Terre Adélie permet également une observation très précise de l'évolution du fameux trou d'ozoneozone, situé à la verticale du continent.

    La présence d'une faunefaune riche et variée - phoques, oiseaux marins et manchots... - fait également le bonheur des scientifiques. Notamment des ornithologuesornithologues qui étudient depuis de nombreuses années le fameux paradoxe du manchot empereurmanchot empereur, le seul animal au monde à émigrer vers le froid polaire de l'hiver austral pour se reproduire...

    4°) Arrivée de Pierre Jouventin en Terre Adélie - Décembre 2002

    Enfin arrivé en Antarctique (aprés une traversée moins mouvementée que de coutume) et installé à la base Dumont d'Urville de Terre Adélie. Elle est pilotée de Brest par l'Institut Polaire Paul-Emile Victor qui gére les programmes scientifiques de différents laboratoires français de recherche sélectionnés par un conseil scientifique.

    Le temps est ensoleillé et la banquise n'est pas encore toute partie: j'ai donc eu la grande chance de retrouver la colonie de manchots empereurs (cf photo) au grand complet aprés mon premier hivernage ici en 1969... Cette présence des empereurs est exceptionnelle car cette espéce se reproduit en hiver alors que nous sommes ici de l'autre coté du monde en été! Les oeufs éclosent quand la température avoisine les -30°C et quand les vents dépassent les 200 km/h, ce qui équivaut à un pouvoir de refroidissement de -180°C!!!!

    Il y a eu pour la seconde fois en cinquante ans plus de deux mois de débacle hivernale et les manchots empereurs qui couvent sur la banquise leur oeuf en équilibre sur les pattes ont peut-être été génés?

    © Photos exclusives Pierre Jouventin - Tous droits réservés
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    L'hélicoptére et tout le personnel, techniques comme scientifiques, profite du beau temps pour vider le bateau et le remplir des bagages de ceux qui vont partir car ils ont fini leur année d'hivernage.

    Tout le monde s'affaire pour mettre son programme scientifique en place pendant le bref été austral. Moi aussi et je dois vous quitter pour cela car un étudiant m'attend dans cinq minutes pour avancer notre travail.

    5°) Bulletin de mi-décembre

    © Photos exclusives Pierre Jouventin - Tous droits réservés
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    En Terre Adélie, j'ai passé 14 mois en 1968 et 69 à étudier les signaux optiques et sonores chez les manchots adélies et empereurs, c'est à dire leur systéme de communication qui est évidemment moins complexe que le langage humain mais tout de même fascinant! Pour passer ma thése, je suis allé étudier la plupart des manchots du monde sous ce regard de spécialiste du comportement animal c'est à dire d'éthologiste. Depuis une dizaine d'années, je suis revenu à la communication acoustique des manchots: nous venons de terminer un travail comparatif et expérimental sur le terrain de 7 espéces de manchots. L'année derniére, nous avons relançé les études sur les signaux optiques et nous commençons à savoir à quoi servent les tâches oranges des manchots royaux.

    Pendant ce séjour, avec un étudiant Vincent, j'étudie l'olfactionolfaction dans un autre groupe d'oiseaux marins, les pétrels. Si les manchots ne semblent pas doués pour l'odorat, les pétrels -qui sont des oiseaux de haute mer et comprennent une centaine d'espéces - le sont particuliérement. Le pétrel des neiges, que j'observe en train de nicher dans sa fissure (cf. photo),posséde les plus gros bulbes olfactifs par rapport au volumevolume du cerveaucerveau de tous les oiseaux. Le pétrel de wilson qui pése 30 g et dont Vincent est en train de lire la bague sur le portrait est aussi trés doué.

    © Photos exclusives Pierre Jouventin - Tous droits réservés
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    Pour le prouver et comprendre l'usage qu'ils font de ce sens inattendu chez les oiseaux et développé chez les mammiféres, nous mettons l'oiseauoiseau dans un appareil simple mais au nom compliqué: un olfactométre.

    Image du site Futura Sciences

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    Lorsqu'il est calme, nous ouvrons l'accés à deux tunnels entre lesquels il doit choisir!! Au bout de l'un des tunnels, nous mettons son conjoint, de la nourriture ou la terre de son nid imprégnée de son odeur et dans l'autre boite où aboutit l'autre tuyau, nous mettons un oiseau étranger, pas de nourriture ou la terre d'un autre nid. Nous répétons de nombreuses fois cette expérience pour connaitre ses préférences. Pour le moment, nous ne les connaissons pas car nous sommes seulement arrivés depuis quelques jours.

    En ce moment, nous capturons des pétrels des neiges et des pétrels de wilson que nous baguons pour les reconnaitre ET nous prélevons la terre de leur nid.

    Image du site Futura Sciences

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    Sur la photo, vous voyez des assiettes qui contiennent les matériaux du nid que nous allons tester et vous voyez aussi les cartons dans lesquels nous gardons pendant une journée les oiseaux que nous testons: ici un pétrel de wilson sort la tête à la fenétre de son classeur sur lequel est inscrit son numéro de bague !

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    A la prochaine, Pierre JOUVENTINPierre JOUVENTIN, Directeur de Recherche au CNRS (en mission en Terre Adélie de début décembre 2002 à fin janvier 2003).

    Retrouvez d'ici quelques jours la suite de cette mission !

    6°)Bulletin du 8 Janvier

    Notre petite équipe d'éco-éthologieéthologie continue ses recherches avec maintenant un programme de prises de sang de pétrels des neiges. Nous voulons montrer par la génétiquegénétique des populations qu'il s'agit en fait non d'une espéce mais de deux qui se sont séparées, la grosse nichant autour de l'Antarctique et la petite dans les montagnes de l'intérieur. La côte de l'Antarctique serait en période de déglaciation et les fissures de rochers où ils nichent se libéreraient de leur glace. Aussi les petits comme les gros seraient en train de les coloniser et s'y rencontrent. Or la séparationséparation entre les deux formes ne serait pas encore compléte et dans certaines zones comme la Terre Adélie, ils se croiseraient!

    Je passe la parole à un de mes collégues qui étudie les poissonspoissons antarctiques en particulier ceux dont le sang est un antigel. Il va vous expliquer ce qu'il fait ici avec ses collaborateurs.

    Programme ICOTA : ichtyologie côtière en Terre Adélie.

    L'ichtyologie est la science qui étudie les poissons. Le programme ICOTA codirigé par l'Université du Littoral Côte d'OpaleOpale (Pas de Calais) et par le Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle a pour but d'étudier la biodiversitébiodiversité des poissons de la zone côtière antarctique. Cette étude consiste à établir un inventaire rigoureux des espècesespèces présentes, de comprendre comment elles vivent dans ce milieu extrême et d'étudier leurs adaptations et évolution. Des chercheurs étrangers collaborent à ce programme débuté en 1996.

    Le groupe de poissons que nous étudions est très particulier car il est le plus abondant sur les marges continentales entourant l'océan Austral et il se caractérise par la présence de molécules antigels. Parmi ce groupe, une catégorie " les poissons des glaces " se caractérisent par un sang incolore dépourvu d'hémoglobinehémoglobine (qui rend notre sang rouge et qui transporte l' oxygèneoxygène aux cellules).

    Notre travail consiste donc en premier à pêcher les poissons avec différentes techniques. En été, nous utilisons des filets de pêchepêche qui reposent sur le fond un à deux jours. Nous réalisons des pêches jusqu'à 200 mètres de profondeur. En hiver, nous effectuons des trous à travers la banquise et nous pêchons à la ligne ou avec des casiers. Ces poissons sont ensuite étudiés en laboratoire afin de connaître leur biologie et leur écologieécologie. Parallèlement, nous effectuons des mesures liées à l'environnement des poissons. Ainsi nous mesurons les caractéristiques des massesmasses d'eaux mais aussi leur richesse par des prélèvements de zooplanctonzooplancton. Le zooplancton est composé d'animaux se laissant dériver par les courants. On trouvera de nombreux petits crustacéscrustacés nourritures des jeunes poissons ou de quelques espèces.

    Image du site Futura Sciences

    La photo montre comment on utilise un filet à planctonplancton pour pêcher à travers la banquise. Il faut savoir que la banquise est un habitat extrêmement intéressant où se développe au printemps des microalgues future nourriture du zooplancton. Au niveau de la banquise, on trouvera également des poissons particuliers qui y vivent.

    Professeur Philippe Koubbi
    Université du Littoral Côte d'Opale - Unité Mixte de Recherche " Ecosystèmes - Littoraux et Côtiers "

    7°) Bulletin du 15 Janvier

    Image du site Futura Sciences

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    Pour nous, la fin de la mission approche. Le bateau est en train d'éffectuer une prospection de la Terre Adélie puis rentre dans une semaine et charge les bagages pour une autre semaine de bateau jusqu'en Tasmanie à travers les lattitudes redoutées en mer, 40éme rugissants et les 50éme hurlants...

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    Les expériences d'olfaction sur les pétrels se terrminent, ainsi que les prises de sang de pétrels des neiges. Cette espéce pose un probléme de spéciationspéciation, c'est à dire de formation d'espéces. La nature nous parait immobile et il est rare de voir l'évolution en marche. Cet oiseau est unique par sa variation de taille qui va de 220 g à 575 g en Terre Adélie. J'ai donc proposé que cela résulte de l'hybridationhybridation de deux formes qui se trouvaient l'une (grande) reproductrice sur les îles Balleny au large de l'Antarctique et l'autre (petite) dans les montagnes du continent antarctique.

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    Or la côte de l'Antarctique serait en cours de réchauffement et les fissures où ils nichent se dégéleraient, ce qui permettrait aux petits comme aux grands individus de les coloniser. Comme la séparation entre les deux formes n'était pas compléte, ils tentent de choisir un conjoint de même taille mais s'ils ne le trouvent pas, ils s'accouplent avec l'autre forme et ont des poussins viables. Selon les localités antarctiques et l'ancienneté de la colonisation, le degré d'hybridation est plus ou moins important. En Terre Adélie, il est le plus fort connu et on va l'étudier ensuite au laboratoire en analysant quelques gouttes de sang dans un produit conservateur.

    8°) Bulletin du 20 Janvier - Le retour...

    Chers internautes,

    Notre mission en Terre Adélie se termine. Aprés deux mois de séjour, nous rembarquons demain sur l'Astrolabe notre bâteau, pour appareiller le soir même, repasser les latitudeslatitudes redoutées des marins anciens (et même modernes...), c'est à dire "les 40émes rugissants et les 50émes hurlants". Nous devrions être en Tasmanie dans huit jours et rentrer d'Australie aussitôt pour ce qui me concerne.

    Nous avons glané quelques résultats supplémentaires pour faire avancer les connaissances sur la nature qui nous entoure et les animaux vivants dans ces milieux extrêmes où l'on trouve bien sûr des adaptations extraordinaires. Nous avons montré par exemple que le pétrel de wilson, qui vit sous les rochers, retrouvait son nid et son conjoint à l'odorat alors que le pétrel des neiges, lui qui a les bulbes olfactifs les plus développés des oiseaux, ne s'en sert pas pour ces fonctions mais pour trouver sa nourriture en hiver dans la pénombrepénombre. Nous avons mis en évidence que les manchots utilisaient des signaux optiques quand ils formaient leurs couples et ceci même dans le domaine des longueurs d'ondelongueurs d'onde invisibles à l'oeil humain.

    Nous ramenons aussi divers prélévements pour approfondir au laboratoire avec un appareillage plus spécialisé plusieurs questions encore non résolues sur la formation des espéces antarctiques et leurs capacités sensorielles.

    Vincent, l'étudiant que j'avais amené avec moi, a vu et appris bien des choses. Il a été tant emballé par les lieux et les gens qu'il a demandé à prolonger son séjour. Or nous avions besoin d'aide pour prélever encore quelques échantillons et pour renouveller nos expériences de choix olfactifs avec les poussins qui viennent de naître. Son voeu a donc été exaucé!

    Il est bien dommage que nous ne puissions faire bénéficier plus de jeunes d'une semblable expérience ! C'est pourquoi j'ai du moins pris un peu de mon temps pour vous envoyer des photographiesphotographies et des commentaires expliquant notre travail et celui d'autres équipes de l'Institut Polaire.

    Merci à Futura-Sciences pour avoir permis cette action de communication.
    Bien chaleureusement à vous de l'Antarctique!

    Pierre Jouventin Directeur de Recherche au C.N.R.S. C.E.F.E., Montpellier

    9°) Programme ornitho-thermo : Mécanismes d'adaptation au froid chez les manchots par le Pr. Claude Duchamp Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS

    Photos exclusives Professeur Claude Duchamp toutes reproductions interdites

    • Les manchots, des modèles d'adaptation au froid

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    Les manchots des régions polaires et subantarctiques sont des oiseaux très adaptés à ces milieux très froids dans lesquels ils peuvent vivre et se reproduire alors que l'homme ne pourrait survivre très longtemps sans des moyens logistiques (abris, chaudières, vêtements...) très importants. Ces adaptations impliquent le développement de mécanismes particuliers qui assurent le maintien de leur température corporelletempérature corporelle à un niveau élevé et constant. Les manchots, comme l'homme, sont en effet des organismes à sang chaud, c'est à dire qu'ils maintiennent leur température corporelle autour de 38°C. Cette régulation constitue un véritable exploit dans un environnement très froid et venté entraînant un refroidissement très important. Une température corporelle élevée et constante nécessite un effort considérable au plan énergétique car la chaleurchaleur nécessaire au réchauffement des oiseaux doit être produite en brûlant les réserves constituées essentiellement de graisse. Comme une chaudière dans une maison qui doit brûler du mazoutmazout ou du gazgaz pour maintenir une température agréable pendant l'hiver, les manchots brûlent leurs stocks de graisse. Ils comptent aussi sur leurs grandes capacités à produire de la chaleur et leur exceptionnelle capacité à ne pas en perdre, en raison d'une isolation thermiqueisolation thermique très efficace de leurs plumes. Ils représentent donc des modèles très intéressants pour les études de physiologie comparée de la thermorégulation et des mécanismes de production de chaleur. Les solutions adaptatives efficaces qu'ont trouvées les manchots pour survivre dans des conditions très difficiles sont étudiées dans notre programme

    • Des problèmes d'énergieénergie pour les adultes

    Tous les organismes trouvent dans leur alimentation l'énergie nécessaire à l'activité physiquephysique, au renouvellement permanent des cellules et aux besoins de thermorégulation (régulation de la température corporelle). On se nourrit pour alimenter le moteur que constitue notre corps et ses cellules. Les manchots adultes se nourrissent exclusivement en mer et donc lorsqu'ils viennent se reproduire à terre, ils doivent jeûner alors que leur consommation d'énergie est grande puisqu'il fait froid. Les manchots utilisent alors leurs stocks de graisse qu'ils doivent gérer au plus juste pour survivre sans manger pendant plusieurs semaines pour le manchot adélie ou plusieurs mois pour le manchot empereur. En mer, où ils passent l'essentiel de leur vie, les manchots sont aussi confrontés à des conditions très difficiles. Ils peuvent vivre et plonger dans une eau de mer dont la température est proche de 0°C et dans laquelle un homme ne survivrait que quelques minutes.

    • Des problèmes d'énergie pour les poussins

    Le problème est plus épineux pour les poussins qui n'ont pas encore accumulé de réserves de graisse. Ils sont donc totalement dépendants de la nourriture donnée par les parents qui pêchent en mer. Les poussins ont pourtant des besoins énergétiques très importants puisqu'ils doivent grandir tout en étant exposés au froid.

    • La poche incubatrice essentielle au petit poussin

    Pour survivre au froid, les poussins comptent d'abord sur la poche incubatrice des parents. Ce repli de peau abdominale recouvre les poussins lorsqu'ils sont petits, ce qui les isole de l'environnement froid et permet le transfert de la chaleur de l'adulte. Ce petit environnement très douillet assure la survie des poussins qui ne font que 70 g à l'éclosion. De même, il permet le transfert de chaleur à l'œuf pendant l'incubation. On a mesuré que dans les premiers jours de vie, les poussins de manchot adélie ont de très faibles capacités à produire de la chaleur et possèdent une très faible isolation thermique : ils ont froid dès que la température descend en dessous de +30°C. Puisque la température sur la colonie est plutôt inférieure à 0°C, de jeunes poussins ne pourraient pas survivre sans l'adulte qui les protège du froid.

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    • Le duvet, un isolant thermique efficace

    Avec l'âge, on observe une croissance très rapide du duvet qui recouvre la peau des poussins et qui représente une barrière très isolante contre le froid. Trois à quatre semaines après l'éclosion, la couche de duvet est tellement développée (près de 3 centimètres d'épaisseur) et dense qu'elle permet aux poussins de ne pas avoir froid tant que la température de l'airair ne descend pas au dessous de -15 à -20°C ! Dans ces conditions, les poussins peuvent affronter le froid par eux mêmes et vont sortir de la poche incubatrice dans laquelle ils ne pouvaient de toute façon plus tenir vue leur taille : ils font à présent plus de 2 kgkg. Et cela se révèle très efficace lorsque le blizzardblizzard souffle sur la colonie même pendant l'été antarctique ! Si le vent souffle vraiment très fort, le froid est très intense. Les poussins vont alors se blottir les uns contre les autres pour se réchauffer entre eux. Ils vont former ce que l'on appelle une tortuetortue, du nom de la formation militaire romaine que l'on peut voir dans Astérix.

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    • Le chaud, l'ennemi du poussin

    Une isolation thermique très poussée contre le froid devient un sérieux handicap pour lutter contre le chaud. Les poussins vont très très mal supporter le "chaud". Lorsque la température de l'air est au dessus de 0°C, un jour de soleil sans vent par exemple, les poussins se trouvent très malheureux : ils ont trop chaud ! Ils ne peuvent pas enlever leur manteaumanteau de duvet qui leur tient beaucoup trop chaud. On peut alors les voir couchés sur les rochers ou le bec ouvert pour essayer de se rafraîchir comme peut le faire un chienchien qui halète quand il a trop chaud.

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    Dans les recherches que nous conduisons, nous essayons de comprendre comment les manchots arrivent à survivre dans le froid et comment ils peuvent assurer :

    * une croissance rapide des petits dans un environnement froid, leur poids étant multiplié par 50 en 3-4 semaines.

    * le développement de mécanismes puissants de production de chaleur.

    * le développement de réactions utilisant l'énergie des graisses. En particulier, on s'intéresse beaucoup aux réglages du fonctionnement des cellules qui peuvent faciliter la production de chaleur des oiseaux au froid. On peut faire l'analogieanalogie avec un moteur thermiquemoteur thermique de voiturevoiture qui selon les réglages effectués va plus ou moins consommer d'essence pour permettre le déplacement de la voiture sur une même distance. Si le moteur est mal réglé, il va consommer beaucoup d'essence et chauffer. Au contraire s'il est bien réglé, il consommera moins d'essence et il tournera longtemps. Dans les cellules, l'efficacité de combustioncombustion des graisses pourrait elle aussi changer pour permettre soit la croissance soit le réchauffement des oiseaux.

    A l'heure actuelle, la recherche s'oriente autour des gènesgènes particuliers qui commanderaient aux cellules d'être soit très efficaces soit au contraire d'être très dépensières ce qui produirait beaucoup de chaleur. On voit alors l'intérêt biomédical potentiel de la compréhension de ces mécanismes cellulaires pour des maladies humaines comme les myopathies ou l'obésitéobésité.

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