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    Né à Lyon d'une mère corse et d'un père lorrain, diplômé de tourisme, rien ne le disposait à s'engager dans l'univers marin. Sauf peut-être un vieux rêve d'enfant : courir les mers. Il sera servi. Six ans de vie insulaire au Vanuatu comme coopérant lui permettent de découvrir l'océan Pacifique, puis il explore l'océan Indien et la Méditerranée.

    Mérou brun de Port-Cros. © Albert Kok, <em>wikimedia commons,</em> DP
    Mérou brun de Port-Cros. © Albert Kok, wikimedia commons, DP
    Nicolas Gérardin est rattaché au parc national de Port-Cros depuis trois décennies. © Nicolas Gérardin, DR
    Nicolas Gérardin est rattaché au parc national de Port-Cros depuis trois décennies. © Nicolas Gérardin, DR

    Il se pose ensuite au parc national de Port-Cros, auquel il est attaché depuis 30 ans. Cette épopée le conduira à considérer l'importance de la biodiversité. Pour lui, la nécessité de préserver l'environnement s'impose comme une seconde nature. En complicité avec les équipes scientifiques, Nicolas Gérardin est toujours présent lorsqu'il faut s'engager. Le programme de préservation des mérous s'inscrit évidemment dans la démarche.

    La suspension de la chasse et de la pêche au mérou brun a permis à cette espèce de se développer dans le parc national de Port-Cros, comme l'explique Nicolas Gérardin. © Nature Productions

    Le parc national de Port-Cros assure le suivi des populations de mérous. © S. Ruitton, DR
    Le parc national de Port-Cros assure le suivi des populations de mérous. © S. Ruitton, DR

    Comptage des mérous bruns dans les eaux de Port-Cros

    On pourrait croire à la préparation d'un commando de plongée. Ajustant leur bouteille ou sortant leur tuba, tous sont experts en plongée. Et si l'ambiance est plutôt conviviale, c'est que leur réunion à l'île de Port-Cros ne se déroule que tous les trois ans. Objectif : recenser les mérous croisant dans les parages.

    Pouvant vivre jusqu'à 200 m de profondeur, le mérou brun se montre peu farouche. © S. Ruitton, DR
    Pouvant vivre jusqu'à 200 m de profondeur, le mérou brun se montre peu farouche. © S. Ruitton, DR

    Nicolas Gérardin, qui participe aux premières opérations, explique les raisons de cette singulière plongée collective. « Dans les années 1980, il ne restait plus que quelques dizaines d'individus dans les eaux du parc national. La chasse, la surpêche et les dérangements provoqués par les ancres des navires avaient complètement déstabilisé la population de mérous brunsmérous bruns. Pour prendre des mesures de protection, il fallait avant tout faire un état des lieux. » C'est ainsi que le nombre d'individus sera évalué à une quinzaine en 1973, puis au double en 1989. Mais le vrai travail d'expertise débutera en 1993, avec un protocoleprotocole rigoureux d'observation permettant de compter 86 individus. À partir de cette date, il est décidé d'enquêter tous les trois ans. Le mérou brun figure parmi les espècesespèces emblématiques des fonds rocheux côtiers de la Méditerranée. Avec sa gueule bien fendue, ses pupilles en forme de poirepoire, il s'impose surtout par sa taille.

    Le fusil sous-marin a fait place au carnet de notes après le moratoire de 1993. © G. Bentz, DR
    Le fusil sous-marin a fait place au carnet de notes après le moratoire de 1993. © G. Bentz, DR

    Certains individus pourraient atteindre 1,50 mètre, même si la longueur moyenne à Port-Cros se limite à une soixantaine de centimètres. Pendant longtemps, il a fallu descendre jusqu'à 50 mètres pour observer les plus gros poissons. Peut-être avaient-ils compris que les profondeurs pouvaient leur épargner des agressions multiples ? Mais, en ce jour de recensement, les 13 plongeurs en scaphandre et les sept apnéistes n'ont pas eu à explorer le fond du grand bleu pour localiser les poissonspoissons. Des adultes de belle taille se déplaçaient nonchalamment à moins de dix mètres de la surface. Les équipes de plongeurs, composées de trois bénévoles, se sont partagé les zones à recenser, couvrant tous les fonds compris entre 0 et 40 mètres de profondeur.

    Le groupe d'étude du mérou s'investit périodiquement pour faire l'état des lieux des populations dans les zones comprises entre 0 et 40 mètres. © Ph. Robert, DR
    Le groupe d'étude du mérou s'investit périodiquement pour faire l'état des lieux des populations dans les zones comprises entre 0 et 40 mètres. © Ph. Robert, DR

    Restrictions sur la pêche et la chasse au mérou

    Lors de chaque rencontre avec un mérou, sa taille était notée (à cinq centimètres près), mais aussi la direction de ses déplacements, la nature de son habitat et bien d'autres caractéristiques traitées ensuite par ordinateurordinateur« Lors de la dernière plongée, en 2009, nous avons identifié 575 mérous. C'est un résultat inespéré, et cela prouve qu'une bonne protection peut produire des effets », commente avec satisfaction Nicolas Gérardin. Ce bilan conduit à revisiter le passé. La première mesure bénéfique fut l'application d'un moratoiremoratoire de la chasse sous-marine en 1993. Il faut noter, à ce propos, que les chasseurs se plièrent bien volontiers à la contrainte. La pratique de la pêchepêche fut également restreinte, voire interdite, dans les aires marines protégées (suspension de la pêche à l'hameçon en 2002). Enfin, l'information auprès des plaisanciers contribua à réduire sensiblement l'impact.

    Initialement femelle, le mérou peut changer de sexe lorsqu'il n'y a plus de mâles dominants. © S. Ruitton, DR
    Initialement femelle, le mérou peut changer de sexe lorsqu'il n'y a plus de mâles dominants. © S. Ruitton, DR

    Près de 25 ans après la création du GEM (Groupe d'étude du mérou), l'avenir de l'espèce se présente enfin favorablement. Nicolas Gérardin confirme. « Le travail collectif des bénévoles, le soutien des autorités et la compétence de tous ont permis de prouver qu'une action en faveur de la biodiversitébiodiversité pouvait porter ses fruits. Le mérou brun est à ce titre exemplaire. »

    Pour aller plus loin

    Parc national de Port-Cros
    83400 Ile de Port-Cros