au sommaire


    Le pastel est au cœur du système économique occitan du XIVe au XVIe. À Albi d'abord, puis à Toulouse, l'industrie du pastel se développe notamment avec le bleu de pastel de Lectoure, dans le Gers.

    Bâtons de craie. © VISLOQ, Pixabay, DP

    Bâtons de craie. © VISLOQ, Pixabay, DP

    Le pastel au XIVe siècle, à Albi

    Un des premiers problèmes posés résulte de la différence entre la bonne qualité de la teinture et la qualité médiocre des tissus de la région. Ces villes ne peuvent pas rivaliser avec les tissus anglais ou flamands. Ainsi le pastel doit être exporté vers ces centres de production, par chars à bœufs, dans toutes les directions : vers l'Espagne par Orthez et vers l'Angleterre et les Flandres par Bayonne.

    Le 8 Novembre 1404, parviennent à Bristol sur la côte anglaise 13 navires en provenance de Bayonne et 4 de Bordeaux, soit un volume de 127 mètres cubes de chargement de pastel (156 tonneaux).

    Le pastel au XVe siècle, à Toulouse

    Le pastel connaît ensuite un essor à Toulouse grâce à une conjonction favorable liée à plusieurs facteurs :

    • le manque de capitaux des marchands béarnais et albigeois ;
    • l'organisation de la filière : les collecteurs achètent les feuilles, fabriquent et vendent la teinture aux marchands qui la commercialisent ;
    • les collecteurs prennent des risques : acheter avant la récolte, pariant sur l'avenir. En outre, ils paient une récolte qui sera vendue plusieurs mois plus tard à des clients étrangers ;
    • le paiement de l'époque, insécurité des routes oblige, est la lettre de change et toute transaction passe par Lyon.
    L'Hôtel de Pierre, à Toulouse. Le mot pierre désigne ici le matériau et non un personnage. © DR

    L'Hôtel de Pierre, à Toulouse. Le mot pierre désigne ici le matériau et non un personnage. © DR

    On peut retenir entre autres les noms suivants, pour les grands marchands :

    • Francis Robian ;
    • Jean Boisson ;
    • Pierre Fabre et son fils ;
    • Jean Reynes et son fils ;
    • Les frères Pierre et Simon Lancefoc ;
    • Jean de Bernuy ;
    • Jean Cheverry ;
    • Raymond Sérravère ;
    • Pierre Lancefoc ;
    • Pierre d'Assezat.
    Réunion des Capitouls, les personnages importants. © DR

    Réunion des Capitouls, les personnages importants. © DR

    D'autres personnes se sont fait élire magistrats de la ville rose :

    • 1519 : Simon Lancefoc ;
    • 1515, 1519, 1534 : Jean Boisson ;
    • 1534 : Jean de Bernuy ;
    • 1536 : Jean Chéverry ;
    • 1539 : Raymond Sérravère ;
    • 1541, 1549 : Pierre Lancefoc ;
    • 1552, 1561: Pierre d'Assezat.

    Les lieux importants du pastel

    Les lieux importants associés au pastel et à son développement sont les suivants :

    • Albi ;
    • Château de Caudeval ;
    • Château de Magrin ;
    • Château de Montgeard ;
    • Gaillac ;
    • Graulhet ;
    • Lavaur ;
    • Le Château de Loubens ;
    • Lectoures ;
    • Mazères ;
    • Mirepoix ;
    • Puylaurens ;
    • Revel ;
    • Saint Julia de Gras Capou ;
    • Toulouse ;
    • Villefranche de Lauragais.
    L'entreprise Bleu de Lectoure est une entreprise de pastel. © DR

    L'entreprise Bleu de Lectoure est une entreprise de pastel. © DR

    La Renaissance et le pastel

    La Renaissance est une période faste pour la ville de Toulouse. L'industrie du pastel, outre une agricultureagriculture florissante, va apporter la richesse à la ville. Le travail ne manque pas et les hôtels particuliers vont pousser comme des champignonschampignons. Les idées humanistes commencent à se répandre et les cours entretenues par les importants personnages de la ville, rivalisent avec celles de Paris. La langue d'oc est la langue officielle avec le latin et l'on commence à parler le français.

    François IerFrançois Ier visite la ville en 1533. Il y est reçu fastueusement par les édiles et Jean de Bernuy, riche pastelier, qui s'est porté garant de la rançon du roi prisonnier de Charles Quint.

    Les hôtels des Capitouls ont pratiquement tous une tour ronde en brique, symbole de leur puissance. Ils gagneront en beauté avec l'arrivée dans la ville de Nicolas Bachelier, élève, semble-t-il, du grand Michel AngeAnge. La Renaissance et Bachelier vont insuffler une architecture où la pierre dominera la brique traditionnelle. Venant des carrières de l'Ariège, ce matériau reste assez onéreux. Mais l'or procuré par le pastel va permettre l'éclosion de petits palais dont le couronnement est sans conteste l'Hôtel d'Assézat.

    Pierre d'Assezat est célèbre par son hôtel, l’hôtel d'Assezat à Toulouse, édifié à partir de 1555. © DR

    Pierre d'Assezat est célèbre par son hôtel, l’hôtel d'Assezat à Toulouse, édifié à partir de 1555. © DR

    L'hôtel d'Assezat, à Toulouse, fut saisi plus tard lorsque son propriétaire, Pierre d'Assezat, fut accusé de sympathiesympathie avec les protestants. Pierre d'Assezat y mourra en 1581.

    Une ombre cependant à ce tableau idyllique : les idées de la Réforme et la répression féroce de l'église. Michel de Nostredame, de Montpellier, va décorer de l'hôtel de Monsieur de Bagis avec Nicolas Bachelier comme maître d'oeuvre. Nostradamus retouvera son ami médecin, François Rabelais. Leur compagnon, Michel de l'Hospital, le futur chancelier, aura à exercer ses talents de jeune avocatavocat lors d'un procès mémorable. Ils croiseront Paule de Viguier, la belle Paule, et auront à combattre l'inquisition.

    Paule de Viguier, la plus belle femme de son temps dont le Maréchal de Montmorency disait : « Elle est une des merveilles de l'univers ». Amoureuse de son cousin, capitaine d'arme, sire de la Roche, baron Philippe de Fontenille, ses parents lui préfèreront le parlementaire de Raynaguet. Celui-ci décède prématurément en léguant une fortune considérable à sa compagne. La plus belle femme du royaume de France pourra alors épouser son amour de toujours.

    1560 et l'effondrement du commerce du pastel

    Malgré trois excellentes récoltes le commerce du pastel s'effondre en raison de pratiques douteuses :

    • les fonds de sacs sont mouillés pour en augmenter le poids ;
    • on mélange différentes qualités de produits payés au prix fort ;
    • la récolte de 1560 est abondante mais de qualité médiocre et les prix sont maintenus, ce qui nuit à la crédibilité des marchands et en 1561, la récolte est encore plus abondante mais encore plus médiocre à cause des pluies et les cours s'effondrent ;
    • 1562 début des guerres de religion, les trafics sont interrompus ;
    • le pastel est concurrencé par l'indigo (voir page 4 de ce dossier) dont la qualité est équivalente mais la culture plus facile, importé de manière importante par bateau désormais...
    Marco Polo de retour. © DR

    Marco Polo de retour. © DR

    La chute du pastel est principalement due à la mentalité paysanne, au sens péjoratif du terme, des marchands, les gains sont consacrés à des constructionsconstructions superbes et aux alliances familiales avec des personnages influents, mais jamais à des réinvestissements...
    En 1669, on compte moins 100 moulins à pastel dans la région d'Albi. En 1701, plus que 60. Napoléon tente de relancer cette culture, sans succès.

    Actuellement, quelques hectares sont cultivés à Castelnaudary, pour étudier les possibilités d'utilisation du pastel en tant que plante fourragère... et un laboratoire relié à l'université de Toulouse recherche d'autres usages.