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    Nous avons vu précédemment la silicesilice sous forme de cristaux, comme dans le quartzquartz, et elle se présente aussi sous forme amorpheamorphe comme dans le verre.

    Il existe une grande diversité des formes et des propriétés des silices amorphes. Certaines variétés étaient appréciées par toutes sortes de peuples, notamment pour leur qualité tranchante. 

    Fulgurite. © Beeblaine, <em>Wikimedia commons</em>, 4.0
    Fulgurite. © Beeblaine, Wikimedia commons, 4.0

    La lechateliérite, un verre de silice très pur et rare

    Découverte par Lacroix, elle est dédiée à Henri le Châtelier (1850-1936), ingénieur des Mines français. On la trouve dans les cratères d'impact comme les formes de très haute pression de la silice que nous avons déjà vues ou comme quartz fondu dans les roches ignéesroches ignées. C'est un verre naturel.

    Les fulgurites, des verres naturels très purs

    Les fulgurites sont obtenues par fusion du sablesable lors d'un impact de foudrefoudre. FulguriteFulgurite (fulgur en latin) signifie foudre. Telle est la définition de cet objet donnée par le Littré, mais c'est un mot rare puisqu'il n'apparaît pas dans les dictionnaires les plus courants comme le Petit Robert ou le Petit Larousse. Il s'agit de tubes siliceux, à parois internes vernissées, formés par l'action de la foudre sur les sables quartzeux. La formation des fulgurites peut s'expliquer par la structure du tracé descendant de l'éclairéclair (du nuagenuage à la terre), qui se construit à partir des avalanchesavalanches électriques (Gary, 1999). Une gaine de charges est formée et constitue un canal de deux à trois centimètres de diamètre. Un courant d'arc en retour (de la terre au nuage) s'engouffre alors dans ce tracé pour créer un plasma. C'est cette quantité d'énergie emmagasinée qui provoque la fusion des matériaux et réalise les tubes de foudre.

    Fulgurite de Vitsand, Afrique du Sud.
    Fulgurite de Vitsand, Afrique du Sud.

    Toutes les fulgurites, qui sont donc en lechateliérite, ont été recueillies dans des régions désertiques (Sahara, Namibie, Afrique du Sud), dépourvues d'arbresarbres ; elles sont trouvées dans les dépressions des dunes. Elles se rencontrent en grand nombre sur des surfaces privilégiées de 1 à 5 m2. Le sol est alors couvert de leurs débris et l'on voit çà et là l'extrémité des tubes dépassant la surface de quelques centimètres, dégagés du sable par l'action du ventvent. Les Touaregs disent ainsi que « les tubes de pierre poussent dans le sable comme des plantes ». Leur diamètre est de 2 mm à 3 cm et l'épaisseur est comprise entre 2 et 5 mm. Ils ont un aspect rappelant l'écorce de certains arbres ; les parois externes sont sillonnées de rainures verticales irrégulières, curvilignes ; leur surface est souvent hérissée d'aspérités aiguës sur lesquelles peuvent s'agglomérer des grains de sable agglutinés, non fondus.

    La première fulgurite identifiée le fut au milieu du XVIIIe siècle, à Masul, en Silésie. Les fulgurites furent considérées comme des objets étranges. Il est intéressant de constater que les fulgurites ne furent reconnues qu'au XVIIIe siècle, au moment où se développent l'archéologie et les autres sciences qui se dégagent des croyances magiques. Quelques chercheurs s'étaient intéressés au sujet depuis la découverte des fulgurites à la fin du XVIIIe siècle. Le plus célèbre est Charles Darwin (1839) qui lutta contre l'opinion de ses contemporains selon laquelle la nature n'aurait pas d'histoire. Les fulgurites et les roses des sables lui fournirent les exemples d'une mémoire de la nature. L'enregistrement de coups de foudre, de coups de vent illustrait pour lui que la nature était formée d'un seul continuum...

    Lacroix (1915) fut le premier savant français au début du XXe siècle à décrire et expliquer ces curiosités géologiques. On imagine l'adjudant français Lacombe, le collecteur du géologuegéologue M.-A. Lacroix, arrivant dans le désertdésert tchadien, vierge encore de toute présence humaine et rempli de fulgurites (Lacroix, 1915). Le soldat ramène de ses expéditions du début du siècle des milliers de ces tubes siliceux qu'il dispose ensuite sur une table pour les observer, les classer, les inventorier. Chaque fulgurite semble différente, une infime particularité la distingue de sa voisine : la couleur, la taille, le diamètre, l'aspect de la partie extérieure, des accumulations plus ou moins importantes de grains de sable. Maintenant, l'adjudant Lacombe s'interroge ; il transmet au géologue resté à Paris ces milliers de tubes de foudre et c'est au tour du savant d'observer, de décrire, d'analyser pour interpréter. Pour cela, il a besoin d'une documentation ; il va donc effectuer dans les bibliothèques une recherche des articles publiés sur le sujet par ses collègues et qui fondent l'opinion du moment de la société scientifique sur ce phénomène. Lacroix regroupe des articles en allemand, en anglais, il prend des notes, esquisse de nombreux croquis. Il possède bientôt une masse de documents dont il va devoir faire la synthèse...

    La trinitite : un verre de silice très pur fabriqué

    Pas considérée comme un minéralminéral (comme la kéatite, dont nous avons déjà parlé), la trinitite est du sable vitrifié lors de la première explosion nucléaire américaine sur le site de Trinity, dans le Jornada deldel Muerto au nord des White Sands MissileMissile Range à une heure et demie d'Albuquerque Nouveau-Mexique, États-Unis.

    Mémorial du site de Trinity.
    Mémorial du site de Trinity.

    Son existence a commencé à 5:29 a.m le 16 juillet 1945. L'explosion forma un verre vert dans le cratère que l'on appela trinitite.

    Trinitite.
    Trinitite.

    L'obsidienne

    Étymologie : du latin obsidiannus lapis, pierre rapportée d'Éthiopie par Obsidius. C'est le verre naturel par excellence... C'est aux environs de 3.500 - 4.000 ans av. J.-C. - que l'on note une première apparition de populations siciliennes à Lipan (Castellaro Vecchio). Ces populations s'occupent essentiellement du traitement et du commerce florissant de l'obsidienne jusqu'à l'introduction des métauxmétaux.

    L'obsidienne est essentiellement une lavelave qui refroidit très vite ce qui empêche toute cristallisation. On retrouve donc dans la coulée d'obsidienne les composés chimiques qui constitueraient les minérauxminéraux d'une lave cristallisée d'où la couleur foncée de l'obsidienne en général peu transparente.

    • DuretéDureté : 5 à 6
    • Densité (g/cm³)) : 2,33 à 2,42 mais de 2,70 à 3,00 pour du verre basaltiquebasaltique
    • I.R. : 1,480 à 1,510
    Coulée d'obsidienne de Landmannalaugar Islande. © Hansueli Krapf, <em>Wikimedia commons,</em> CC 3.0
    Coulée d'obsidienne de Landmannalaugar Islande. © Hansueli Krapf, Wikimedia commons, CC 3.0

    Quelques vieux auteurs espagnols écrivant au Mexique, nous décrivent la méthode employée par les Aztèques pour se procurer des éclats d'obsidienne.

    « Torquemada dont les assertions sont confirmées par Hernandez, nous dit : « Ils avaient et ils ont encore des ouvriers qui fabriquent des couteaux en se servant de certains blocs de pierre ou de silex (obsidienne), et il est fort curieux de les voir faire ; aussi ne saurait-on trop louer l'ingéniosité qui a donné naissance à cet art. Ils fabriquent les couteaux en pierre de la façon suivante. Un de ces ouvriers indiens s'assied sur le sol et prend un morceau de cette pierre noire, qui ressemble au jais et qui est aussi dure que le silex ; elle pourrait presque rappeler une pierre précieuse car elle est plus belle, plus brillante que l'albâtre ou le jaspe, tant et si bien qu'on en fait des tablettes et des miroirsmiroirs. Le morceau qu'ils travaillent a environ huit pouces de longueur, est cylindrique et sa grosseur est à peu près celle de la jambe d'un homme. Ils prennent alors un bâton gros comme le boisbois d'une lance et d'une longueur de trois coudées et à une des extrémités ils attachent une pièce de bois de huit pouces de longueur pour donner plus de poids à cette partie. Ils saisissent entre leurs pieds nus la pierre qui se trouve fixée comme dans une paire de pinces ou un étau de charpentier. Se servant alors du bâton poli à son extrémité, ils le saisissent à deux mains et l'appuient contre le bord de la pierre qu'ils ont plantée à cet endroit, puis ils placent l'autre extrémité du bâton contre leur poitrine et, par une pression vigoureuse, obtiennent un couteau aussi net que si on l'avait découpé dans un navetnavet avec un instrument bien tranchant. Ils l'aiguisent ensuite sur une pierre et le repassent sur un os. Ces ouvriers font vingt couteaux de la sorte en fort peu de temps. Ces couteaux affectent la forme d'une lancette de chirurgien si ce n'est qu'il présente une courbe gracieuse vers l'extrémité. »

    Pointe de lance Nouvelle-Calédonie, obsidienne.
    Pointe de lance Nouvelle-Calédonie, obsidienne.

    Il semble donc établi, que les éclats d'obsidienne s'obtenaient, non pas par des coups répétés portés sur la pierre, mais par une forte pression ; c'est d'ailleurs, le moyen qu'emploient les Esquimaux pour fabriquer leurs instruments : « Ils choisissent un morceau de bois dans lequel ils font une cavité en forme de cuiller, ils placent dans cette cavité le bloc qu'ils veulent travailler et, en pressant doucement et verticalement sur le bord, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, ils enlèvent des éclats jusqu'à ce que la pierre prenne la forme d'une pointe de flèche ou de lance, avec deux arêtes dentelées. » Le lieutenant Beckwith décrit de la même façon le mode de fabrication employé par les Indiens de l'Amérique septentrionale. Ce verre fut employé par toutes sortes de peuples pour des armes, pointes et tranchants divers. Le tranchant est supérieur à l'acieracier, mais plus fragile.

    L'obsidienne du Petit Caucase

    Voici, in extenso, le texte de la page d'accueil du site du Ministère des Affaires Étrangères de la France concernant les recherches actuelles sur l'obsidienne tant du point de vue géologique qu'archéologique (voir en fin de dossier, dans la bibliographie). Ce texte est aussi intéressant du point de vue de la démarche scientifique pluridisciplinaire actuellement nécessaire dans tous les domaines, c'est pourquoi je vous le présente ici : il fait intervenir des géographes, des géologues, des historienshistoriens et des archéologues, voire encore physiciensphysiciens et/ou chimistes pour les analyses détaillées.

    « Les sites préhistoriques du Proche et du Moyen-Orient, de la mer Égéemer Égée à la mer Caspiennemer Caspienne et du Caucase au golfe Persique, ont abondamment utilisé l'obsidienne depuis la fin du Paléolithique jusqu'à l'âge du Bronzeâge du Bronze (entre 14000 et 3500 BP environ), le métal supplantant ensuite progressivement la pierre dans l'outillage. L'obsidienne était appréciée à plusieurs titres, pour ses qualités tranchantes, son aptitude à la taille et la beauté de sa surface noire brillante, qui lui conférait parfois une vertu magique. Ce matériaumatériau pouvait donc être, selon le lieu et l'époque considérés, un bien de consommation courante ou un objet de prestige.

    Carte du Petit Caucase.
    Carte du Petit Caucase.

    Ce verre volcanique est absent de tous les pays du Croissant Fertile : les seules sources disponibles se trouvent sur leurs marges septentrionales, en Turquie et dans le Caucase. La présence de gisementsgisements d'obsidienne en Iran a été suggérée par plusieurs auteurs ; mais la mission, que nous avons effectuée dans le nord-ouest de ce pays pour vérifier cette hypothèse, a montré que, dans les sources mentionnées, se trouvait non de l'obsidienne, mais de la rhyoliterhyolite vitreuse, contenant près de 20 % de cristaux, ce qui la rendait impropre à la taille.

    L'obsidienne a donc voyagé sur de longues distances (depuis l'Anatolie et le Caucase jusqu'au sud de la mer Mortemer Morte et au golfe Persique) sous des formes diverses (matériaux bruts, nucleus, préformes, produits finis). Le cheminement, que l'obsidienne permet de matérialiser, est pour le préhistorien une source précieuse de renseignements, tant sur les réseaux de distribution que sur les modalités des échanges. Mais pour retracer ce cheminement, il faut connaître la source des obsidiennes qui ont été taillées, ce qui est possible en comparant les caractéristiques physiquesphysiques et chimiques des pièces archéologiques à celle des gisements connus. Or, si les gisements de Turquie ont fait l'objet d'études approfondies depuis plusieurs années (en particulier dans le cadre de la mission du ministère des Affaires étrangères sur la Turquie, dirigée par M.-C. Cauvin), il n'en est pas de même pour le Petit Caucase. »

    Les tectites

    Utilisées par les Aborigènes de la même manière que l'obsidienne dans d'autres contrées, DarwinDarwin pensait d'ailleurs qu'elles étaient volcaniques comme l'obsidienne.

    Outil aborigène en tectite, environ 2 cm.
    Outil aborigène en tectite, environ 2 cm.

    Il y en a à plusieurs endroits dans le monde, on en a trouvé 55.000 en Tschécoslovaquie, 600.000 en Asie dont 100.000 en Australie. Il s'agit d'un champ continu de l'Asie du sud-est à la Tasmanie.

    L'âge des tectitestectites est variable, par exemple, 35 Ma pour la Namibie et 65 Ma pour Haïti, rien à voir avec les 4,4 Ga des zirconszircons du Mt Narryer (Australie) ou les 4,5 Ga des météoritesmétéorites.

    Les plus anciennes tectites ont été trouvées en Belgique et en Chine dans des dépôts dévoniensdévoniens (367 Ma) et les Australites ont été datées au K/Ar à 780.000 ans, mais ceci est l'âge de la refonte du matériel. Pour connaître l'âge d'origine des matériaux, on a fait une datation au Néodymium et au StrontiumStrontium moins sensibles au chauffage et on trouve 170 Ma comme âge probable.

    La composition 65-80 % silice (% poids) 10-14 % aluminealumine et des oxydes de Fe, Mg, Ca, K, Na, Ti, Mn... il s'agit donc d'un verre à cause du refroidissement brutal. On y trouve aussi quelques fils de verre pur probablement du quartz fondu.

    Avec ou sans bulles de gazgaz à très basse pression (32 km altitude) avec une concentration d'ArgonArgon égale à celle de l'atmosphèreatmosphère terrestre. Ces bulles se sont formées pendant la première solidificationsolidification, lors d'une montée dans l'atmosphère... Il arrive que la bulle remplisse presque toute la tectite.

    Après les comètes, le volcanismevolcanisme lunaire, l'impact d'une météorite sur la LuneLune, il semble qu'il s'agisse de l'impact d'une météorite sur la Terre.

    La composition des tectites indique qu'elles proviennent de grauwacke (feldspath, micas et argilesargiles) dont la teneur en borebore correspond à du matériel de croûte continentale, mais il existe dans les tectites quelques microsphères de Fe-Ni (kamacite) et de FeS (troïlite) ou un peu de phospide de Fe et Ni (schreibersite) qui sont des minéraux météoritiques.

    Australite gros plan taille environ 4 cm.
    Australite gros plan taille environ 4 cm.

    Les trois étapes supposées de leur formation

    • Après l'impact de la météorite, le matériel éjecté subit une première solidification en boules, ballonsballons de rugby ou « patatoïdes » divers soumis à peu ou pas de rotation lors de leur montée dans l'atmosphère.
    • Quand le morceau redescend il refond dans les couches denses de l'atmosphère et il perd du matériel frontalfrontal pendant son vol stationnairevol stationnaire à haute vitessevitesse. La vitesse diminue et il se forme une coque froide. À cause du stressstress thermique cette coque craque et tombe, il reste un « cœur » cannelé à cause de la fontefonte partielle sur les côtés.
    Schéma usure tectite rentrant dans l'atmosphère.
    Schéma usure tectite rentrant dans l'atmosphère.

    Les très petits corps primaires peuvent former des disques en forme de boutons avec un rebord plus épais résultant de l'accumulation de matièrematière molle lors du passage dans l'atmosphère (assez molle pour se déformer, pas assez liquideliquide pour quitter le bouton).

    • Enfin, une fois sur le sol, la tectite est soumise à tous les phénomènes d'érosion, ce qui a sans doute provoqué la disparition de la plupart des tectites anciennes...
    Différentes australites.
    Différentes australites.

    On a donc cherché les cratères... On les a retrouvés dans l'est de l'Amérique du Nord, et en Afrique. Pour l'Asie et l'Australie on pense que l'angle de l'impact doit être très faible environ 45 degrés, que le cratère doit avoir environ 10 km de diamètre. Il faut avoir un projectile doué d'une énergie suffisante pour soulever suffisamment de matière fondue et vaporisée et que cette matière soit aspirée assez haut par le vide d'airair créé par le projectile.

    Image des champs de tectites mondiaux.
    Image des champs de tectites mondiaux.

    Ces cratères ne sont pas nombreux mais en Asie du Sud-Est, on a deux problèmes : la région n'a pas été étudiée en détail dans bien des endroits comme l'Indonésie et, vu le climatclimat et les alluvions, il y a de fortes chances que le cratère, s'il existe, soit bien caché et s'il n'est pas pour les mêmes raisons complètement érodé ! À suivre, donc...