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    Mais le pire reste à venir : il faut également prendre en compte un autre gaz extrêmement réchauffant (298 fois plus que le gaz carboniquegaz carbonique !), le protoxyde d'azote N2O, émis lors de la décomposition des excréments et des fertilisants de synthèse. Le secteur agricole émet les deux tiers de ce polluant, soit environ 18 milliards de tonnes sur 28. Il s'agit en fait de la principale source de réchauffement causée par l'agricultureagriculture, qui représente 12,5 % du réchauffement global de la planète, soit à elle seule autant que le gaz carbonique plus le méthane agricole. Surnommé « gaz hilarant » dans ses applications médicales, ce gaz ne nous fait plus rire du tout ! 

    En 2011/2012, 5,7 millions de tonnes d’engrais azotés ont été utilisées en France (chiffre des Chambres d’agriculture). © AgriParisPictures, Flickr, CC by-sa 2.0 
    En 2011/2012, 5,7 millions de tonnes d’engrais azotés ont été utilisées en France (chiffre des Chambres d’agriculture). © AgriParisPictures, Flickr, CC by-sa 2.0 

    Le protoxyde d'azote, près de 300 fois plus de pouvoir réchauffant que le CO2

    Les émissions agricoles de protoxyde d'azote sont, pour une moitié, directes, juste après l'apport d'engrais azotés. Si on le veut vraiment, on peut néanmoins les réduire en agissant sur la quantité apportée, le type d'azote utilisé (nitrate, ammonitrate, urée), la forme de l'engrais (liquide ou solidesolide), et le choix de la date de l'apport (humidité du sol avant, température et pluviométrie après). 

    L'autre moitié des émissions est indirecte : elle résulte des processus de transformation des produits azotés via les micro-organismesmicro-organismes du sol (minéralisation, nitrification, dénitrification) ; ces phénomènes sont beaucoup plus difficiles à maîtriser. On peut donc d'une part inciter les agriculteurs à épandre moins d'azote, en se rapprochant des quantités que peuvent effectivement absorber les plantes (au lieu de forcer sur les doses en espérant que ce sera efficace) et à utiliser les formes les plus adaptées et au meilleur moment, et d'autre part activer la recherche de formulations plus efficaces et moins délétères. Et surtout d'arrêter de labourer et de laisser les champs nus à l'automneautomne, ce qui favorise considérablement les émissions de protoxyde d'azote.

    Terres arables. © Fritz the cat, Pixabay, DP
    Terres arables. © Fritz the cat, Pixabay, DP

    Notons au passage que les usines de production d'engrais azotés sont de grosses consommatrices de gaz, et polluantes, et que les lieux de stockage sont dangereux, ce produit ayant une fâcheuse propension à exploser, comme on l'a vu par exemple à Toulouse et à Beyrouth !

    L'explosion de Beyrouth. © Naeblys, Adobe Stock
    L'explosion de Beyrouth. © Naeblys, Adobe Stock

    Dans tous les cas, on ne se trompe pas en apportant moins d'azote exogèneexogène, et en privilégiant l'apport plus naturel des plantes qui savent fixer l'azote de l'airair et le stocker sous forme de nodules autour de leurs racines, les légumineuseslégumineuses : sojasoja, pois, haricot, fèvefève, lentillelentille, lupinlupin, féverole, etc., mais aussi légumineuses fourragères : trèfle, luzerne, vesce, etc.

    Les légumineuses sont utilisées dans l'alimentation humaine et animale. © Pixel-Shot, Adobe Stock
    Les légumineuses sont utilisées dans l'alimentation humaine et animale. © Pixel-Shot, Adobe Stock

    Favoriser la rotation des cultures pour diminuer l'émission de gaz à effet de serre

    On peut les planter en alternance avec les céréales (rotations de plantes), ce qui permet de diminuer de 11 à 16 % les émissions des gaz à effet de serregaz à effet de serre dans le cas d'une rotation sur cinq ans, soit de deux tonnes de CO2 par hectare et par an. Depuis quelques années, on découvre qu'on peut même les planter en même temps que les céréalescéréales, en association, chaque plante aidant l'autre à pousser : ce sont les « associations de plantes à faibles intrantsintrants ». Par exemple associer du bléblé à des pois, ou à du soja. Notons que dans les deux cas la récolte est meilleure quand on associe les plantes que quand on les plante dans des champs séparés, avec beaucoup moins d'apport d'azote minéralminéral, et beaucoup moins d'émissions de gaz à effet de serre ! Sans compter que l'on produit ainsi des protéinesprotéines excellentes pour l'alimentation, des Hommes et des animaux.

    Association de blé et pois en Anjou France à gauche et blé et soja à droite aux États-Unis. © Bruno Parmentier, tous droits réservés
    Association de blé et pois en Anjou France à gauche et blé et soja à droite aux États-Unis. © Bruno Parmentier, tous droits réservés

    En rééquilibrant notre alimentation vers moins de protéines animales et davantage de protéines végétales, on fait d'une pierre deux coups en matièrematière de réchauffement climatiqueréchauffement climatique : moins d'émissions de méthane et moins d'émissions de protoxyde d'azote ! 

    Et, bien entendu, lorsqu'on pratique l’agriculture de conservation des sols, sans labourlabour, et qu'on couvre le sol en permanence, les cocktails de plantes cultivées en « cultures intermédiaires » contiennent toutes des plantes légumineuses, comme la moutarde, la phacélie, la vesce ou le trèfle d'Alexandrie : elles assurent alors la couverture permanente du sol tout en fixant du carbonecarbone et de l'azote.

    Culture du soja. © H. Zell, Wikimedia commons, CC 3.0
    Culture du soja. © H. Zell, Wikimedia commons, CC 3.0

    Rappelons qu'en la matière, la France a fortement régressé depuis 1960, date à partir de laquelle la Communauté européenne a permis l'entrée sans droits de douane du soja, utilisé dans l'alimentation animale. 

    Cycle de l'azote. © Johann Dréo, Wikimedia commons, C.C 3.0
    Cycle de l'azote. © Johann Dréo, Wikimedia commons, C.C 3.0

    En 1960, les légumineuses couvraient 3.500.000 hectares en France (17 % des terres arablesterres arables, majoritairement en cultures fourragères, luzerne et trèfle) ; en 2010 on n'en était même pas à 300.000 hectares pour les légumineuses à graines, majoritairement pois et féveroles, et maintenant à un peu plus de 400.000 hectares (contre 9,4 millions d'hectares en céréales !) ; en rajoutant le trèfle et la luzerne on ne dépasse guère le million d'hectares. En comparaison, ces cultures occupent entre 10 et 25 % des surfaces en Amérique du Nord et en Asie. Il s'agit ni plus ni moins que de regagner le terrain perdu, à la fois pour des raisons d'indépendance de notre élevage, de fertilité de nos sols et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Plantes de couverture, et semis direct en rabattant simplement ces plantes, qui serviront d’engrais (photo de droite). © Bruno Parmentier, Denis Vernet, Wikimedia commons,<em> </em>CC 4.0
    Plantes de couverture, et semis direct en rabattant simplement ces plantes, qui serviront d’engrais (photo de droite). © Bruno Parmentier, Denis Vernet, Wikimedia commons, CC 4.0

    La pollution des eaux aux nitrates

    La spécialisation géographique des productions agricoles a également considérablement aggravé le phénomène, car elle génère en permanence un excédent de déjections animales dans l'ouest de la France, provoquant un fort excédent d'apport azoté sur les terres où elles sont épandues et un recours excessif aux engrais minérauxminéraux dans les bassins céréaliers, faute de fumiers et lisiers. Revenir à une agriculture mixte, en réintroduisant un peu d'élevage dans les bassins céréaliers et davantage de céréales dans les zones d'élevage pourrait nettement améliorer les émissions carbone de la France, et des légumineuses partout (en cultures associées chaque fois que possible). Cela provoquerait possiblement une légère baisse de production, mais ce n'est pas prouvé ! De plus, cela permettrait d'améliorer notablement la pollution des nappes phréatiques, des rivières et des plages par les excès de nitrates lessivés des sols agricoles.