Bizarrement, garantir des moules à la fois fraîches et non toxiques s'avère un défi pour les éleveurs et les vendeurs de ces coquillages. En effet, l'actuel test validé par l'Union européenne requiert l'utilisation de souris, nécessite une semaine et coûte près de 1.500 euros. Heureusement, une méthode plus efficace et plus abordable voit le jour, grâce à une équipe de chercheurs des universités norvégienne d'Oslo et australienne de Sydney. Par un test ADN, il est possible de repérer dans l'eau de mer l'algue responsable.

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    Qui n'hésite pas parfois à avaler une moule, même (modérément) accompagnée d'un délicieux vin blanc, de peur de tomber malade ? La cause d'une potentielle intoxication s'avère être une neurotoxine, appelée saxitoxine, produite par des algues du genre Alexandrium, un sous-groupe de dinoflagellés dont les moules sont friandes. Même après digestiondigestion d'algue toxique par le mollusque, le poison persiste dans le corps de l'animal marin, et ce parfois pendant plusieurs semaines. Problème supplémentaire, « la toxinetoxine ne disparaît pas après cuisson du coquillage et n'a aucune saveur », avertit Russell Orr, chercheur au département des sciences biologiques de l'université d'Oslo et coauteur de l'étude.

    Pour réduire les risques d'empoisonnement, ce scientifique rejoint par le professeur Kjetill Sigurd Jakobsen et la post-doctorante Anke Stüken a mis au point, après cinq ans de travail, un procédé évaluant la toxicitétoxicité des moules à partir de l'eau de mer dans laquelle elles baignent, en quelques heures à peine grâce à un test ADN. Autres atouts par rapport aux techniques actuelles : son coût de 25 euros, sa sensibilité plus élevée et sa reproductibilité dans différentes stations côtières.

    Les intoxications à la suite de la consommation de moules sont nombreuses dans les pays chauds, comme les Philippines, la Thaïlande et la Malaisie, où vivent deux espèces très toxiques d'algues <em>Alexandrium</em>. Des décès sont aussi enregistrés en Alaska, en Nouvelle-Zélande ou encore au Guatemala. © David Monniaux, Wikimedia Commons, cc by sa 1.0

    Les intoxications à la suite de la consommation de moules sont nombreuses dans les pays chauds, comme les Philippines, la Thaïlande et la Malaisie, où vivent deux espèces très toxiques d'algues Alexandrium. Des décès sont aussi enregistrés en Alaska, en Nouvelle-Zélande ou encore au Guatemala. © David Monniaux, Wikimedia Commons, cc by sa 1.0

    La force de leur test consiste à déterminer la présence ou non du gènegène, entier ou morcelé, de l'algue responsable de la production de la toxine. Cette analyse génétiquegénétique fine se révèle bien plus fiable qu'une méthode morphologique plus classique qui limite, par exemple, la distinction dans le sous-groupe Alexandrium entre des espèces toxiques et des espèces qui sont saines. Or, il est important d'être catégorique sur le résultat de l'analyse, notamment pour éviter des alertes inutiles. À contrario, l'équipe a découvert un groupe d'espèces toxiques -- à très faible dose, certes -- mais qui sont considérées comme inoffensives, d'après les méthodes actuelles. « Autrement dit, elles ne sont pas totalement fiables », souligne Russell Orr.

    Toxine apportée par la moule et paralysie parfois mortelle

    Pointu sur la qualité des résultats qu'il fournit, le test a de quoi rassurer les consommateurs, ces bivalves pouvant provoquer une pathologiepathologie grave, l'intoxication paralysante par les mollusques de son nom officiel. Les premiers symptômessymptômes, qui touchent 2.500 personnes dans le monde chaque année, comprennent un engourdissement de la bouche et des lèvres, puis du visage et du cou. Viennent ensuite maux de tête et vertiges, troubles de l'élocution et de la fonction motrice, jusqu'au pire ; la paralysie mortelle dans 8 à 23 % des cas, selon l'InVSInVS. En France, les zones les plus fréquemment affectées par ces contaminations sont la Rance, la baie de Morlaix et les Abers (Bretagne) entre juin et septembre et l'étang de Thau (Languedoc-Roussillon) d'octobre à décembre.

    Brevetée, la nouvelle méthode a été achetée par une première société australienne, DiagnosticDiagnostic Technology, qui prévoit un marché annuel de 7 à 8,5 millions d'euros. Le directeur Mark van Asten estime que le kit, disponible d'ici un an, prévoira également le développement et le pic d'émission de toxine dans l'océan, une information utile pour relancer au moment opportun la récolte des moules.

    Des algues toxiques encore mystérieuses

    En plus de cette applicationapplication pour des tests efficaces de toxicité, ces travaux élucident un mystère scientifique. « Beaucoup croyaient que la toxine était produite par des bactériesbactéries vivant à l'intérieur de la moule, mais c'est faux. Nous avons découvert que les gènes produisant la substance étaient ceux d'une espèce eucaryoteeucaryote » d'algues, se réjouit Russell Orr.

    En revanche, les chercheurs ne savent pas pourquoi le genre d'algues Alexandrium s'est mis à produire la toxine il y a 100 millions d'années, une capacité volée à une bactérie. « Certains croient que la toxine sert de mécanisme de défense, d'autres affirment que les algues l'utilisent pour communiquer entre elles. » Pour l'heure, l'énigme reste entière.