Du nouveau chez les vampires ! Ces petites chauves-souris sont les seuls vertébrés avec certains serpents à détecter les infrarouges. Des chercheurs américains ont découvert le secret de ce sixième sens, différent de celui des reptiles, et qui pourrait aider au développement de nouvelles molécules antidouleur.

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    Le vampire commun, Desmodus rotundus est une minuscule chauve-souris nocturne des forêts tropicales d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. © Setsuo Tahara, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Le vampire commun, Desmodus rotundus est une minuscule chauve-souris nocturne des forêts tropicales d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. © Setsuo Tahara, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    La nuit, dans une forêt tropicale d'Amérique du Sud. Une ombre passe sans bruit et vient se poser sur le cou offert d'une jument endormie. La morsure est rapide et précise. En un éclair, les canines tranchantes du vampire ont incisé la peau juste là où affleurait une veine et le sang coule à flots dans la bouche du minuscule chiroptèrechiroptère.

    Parmi les chauves-souris (ou chiroptères), certaines espèces en effet se nourrissent exclusivement du sang qu'elles siphonnent chaque nuit à d'autres mammifères. C'est le cas de Desmodus rotundus, le vampire commun. Pour arriver à ses fins, l'animal doit repérer avec précision la zone la plus propice à sa cruelle collecte. Pour cela, les biologistes ont montré qu'il repérait la chaleurchaleur du sang coulant dans les veines affleurant sous la peau. Mais ils ne comprenaient pas jusqu'ici le fonctionnement du détecteur de chaleur.

    Détournement de capteur

    Parmi les vertébrés, seuls certains serpents, les boas, les pythonspythons et les crotales ont également développé cette capacité à détecter finement les infrarouges. Mais les chauves-souris font dans la nouveauté : leurs détecteurs n'utilisent pas le même mécanisme.

    Tout se passe au niveau des petites fosses que le vampire a autour de son neznez. C'est là la zone spécialisée dans cette détection. Alors les chercheurs de l'université de Californie sont allés observer en détail, à l'échelle de la cellule, les neuronesneurones innervant l'organe. Ils se sont intéressés au gène Trpv1, qui code pour la synthèse d'une protéineprotéine particulière : c'est un petit canal qui traverse la membrane de la cellule. Selon la température, il est fermé ou s'ouvre pour laisser passer des ionsions qui vont déclencher à leur tour un signal nerveux.

    Non, tous les vampires n'habitent pas de vieux châteaux poussiéreux, comme Bela Lugosi dans le rôle de Dracula en 1931...  © DR

    Non, tous les vampires n'habitent pas de vieux châteaux poussiéreux, comme Bela Lugosi dans le rôle de Dracula en 1931...  © DR

    Ce gènegène (et donc cette protéine) est présent chez tous les vertébrés, y compris l'Homme. Son seuil d'activation est aux alentours de 43 °C, au-delà de quoi l'animal ressent une sensation de brûlure. L'équipe de David Julius avait l'intuition que la clé résidait dans ce détecteur. Alors les biologistes ont étudié les neurones de la chauve-souris et y ont découvert une curieuse spécialisation.

    Atelier découpage-collage… de gènes

    Dans les cellules nerveuses de la moelle épinièremoelle épinière, tout est normal. Le gène est bien exprimé et la température d'alerte est bien supérieure à 40 °C. Mais dans les neurones spécifiques de son étrange organe sensoriel, le même gène est exprimé différemment par un phénomène appelé « épissage ». Certaines parties du code, les exonsexons, sont gardées et collées entre elles pour former, après traduction, une nouvelle protéine, plus courte que l'originale.

    Au niveau physiologique, cette expression spécifique aux chauves-souris implique une architecture différente du canal ionique qui voit sa sensibilité à la température augmenter. Au lieu des 43 °C nécessaires à son activation, c'est à partir de 30 °C qu'il va générer un signal nerveux. Une température bien suffisante pour que le vampire détecte les zones les plus chaudes de ses proies et morde avec précision dans une veine.

    En plus de l'intérêt zoologique de la découverte, David Julius explique aussi que cette compréhension du mécanisme de détection de la chaleur pourrait avoir des retombées en pharmacologie. Ce serait une voie de recherche pour de nouveaux traitements des processus inflammatoires, basés sur l'inaction de certains des canaux ioniquescanaux ioniques impliqués dans la douleurdouleur.