Avec la mort en novembre 2019 du dernier rhinocéros de Sumatra de Malaisie, s’est éteint l’espoir de reproduire les animaux de manière naturelle. Les scientifiques comptent à présent sur les cellules souches pour faire revivre l’espèce. Un projet loin d’être gagné.


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    Le dernier rhinocéros de Sumatra de Malaisie s'est éteint le 25 novembre 2019. La femelle, dénommée Imam, est morte à l'âge de 25 ans d'une hémorragie massive liée à un cancercancer, dans une réserve de l'île de Bornéo. Son décès faisait suite à celui de Tam, le dernier mâle éteint six mois plus tôt. Les nombreuses tentatives pour les faire se reproduire ont été vaines, et les Malaisiens se tournent donc à présent vers la science pour faire revivre leur rhinocéros.

    Cellules souches et fécondation in vitro

    Le projet, mené par l'université internationale islamique de Malaisie, repose sur l'utilisation de cellules souchescellules souches provenant d'Imam et de deux autres rhinocéros morts. « Si nous n'avions que des tissus morts, nous ne pourrions rien en faire. Mais nous disposons de cellules qui ont été conservées vivantes, c'est pourquoi je suis assez confiant sur la réussite du projet », assure Muhammad Lokman, dans une interview à CNN. Les cellules souches ont été prélevées dans le cœur, les poumonspoumons le cerveaucerveau et les reinsreins des animaux juste avant leur décès.

    Deux approches sont ensuite possibles : soit convertir les cellules souches en spermesperme et en ovulesovules, les féconder in vitroin vitro, puis implanterimplanter l'embryonembryon chez un autre rhinocéros de Sumatra -- ou une espèce proche comme le cheval--, soit utiliser un ovocyteovocyte d'une mère porteuse, retirer son noyau, et le remplacer par une cellule différenciée d'un des rhinocéros décédés. Cette deuxième technique est celle couramment utilisée pour le clonageclonage d'animaux. Pour augmenter les chances de succès, les deux possibilités seront testées, rapporte CNN.

     

    Un taux d’échec colossal

    Le travail consiste à présent à constituer une base de donnéesbase de données génétiquegénétique du rhinocéros et à différencier les cellules souches des autres cellules dans les échantillons afin de les faire se multiplier. Restera ensuite à trouver auprès de zoos et de réserves une mère porteuse apte à porter l'embryon.

    Bien entendu, il aurait été bien plus simple d'utiliser du sperme et des ovules issus des rhinocéros de Sumatra encore vivants en Indonésie. Cependant, en raison des divergences diplomatiques entre les deux pays, les négociations sont au point mort. D'où l'initiative individuelle de la Malaisie, qui s'avance ici sur un parcours nettement plus complexe et semé d'embûches.

    Le saviez-vous ?

    Le rhinocéros de Sumatra (Dicerorhinus sumatrensis) est le plus petit rhinocéros parmi les 5 espèces de rhinocéros encore vivantes sur Terre. Il est classé « en danger critique d’extinction » et il ne subsisterait que quelques groupes dispersés sur l’île de Sumatra et à Bornéo en Indonésie. La population totale est estimée à 80 individus.

    À supposer que l'on dispose de suffisamment de cellules souches, il n'est pas certain que les scientifiques puissent les convertir en sperme fertile. De plus, le taux d'échec de telles implantations est colossal. Pour le clonage animal, le rendement dans différentes espèces n'est que de 1 à 2 % et, au mieux, lorsque la technique est perfectionnée (avec reprogrammation du noyau), de l'ordre de 10 à 15%, explique au journal Le Monde Corinne Cotinot, directrice de l'unité biologie du développement et reproduction à l'Inrae.

    Manque de diversité génétique

    La course contre la montre est également engagée en Afrique, où seules deux femelles rhinocéros blanc subsistent encore. L'année dernière, les scientifiques avaient réussi à féconder in vitro des embryons avec le sperme de mâles morts (lire ci-dessous). Même à supposer que ces initiatives soient couronnées de succès, se poserait le problème de manque de diversité génétique, qui condamne de toutes les façons l'espèce à long terme, et de la destruction de l'habitat. Faire revivre des animaux éteints servira peut-être à peupler les zoos mais certainement pas à rétablir ce que l’on a détruit.


    Rhinocéros blancs du Nord : l'espoir de les ressusciter renaît

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 22/09/2019

    Lorsqu'il ne reste plus que deux individus femelles vivants d'une espèce, celle-ci peut presque être considérée comme éteinte. C'est le cas des rhinocéros blancs du Nord. À moins que la science ne trouve la voie et permette de lui donner un second souffle.

    Depuis la disparition, l'an dernier, de Sudan, le dernier rhinocéros blanc du Nord mâle, l'espèce semblait vouée à l'extinction. D'autant que seules deux femelles survivent encore aujourd'hui. Deux femelles incapables de porter des petits. Najin, la plus âgée, souffre en effet de membres postérieurs fragilisés et Fatu, la plus jeune, de lésions dégénératives de l'utérusutérus.

    Mais des scientifiques ont mené à terme, la semaine dernière, une opération pourtant délicate. Une grande première. Après avoir anesthésié les deux rhinocéros femelles, ils en ont extrait pas moins de dix ovocytes à l'aide d'une sonde guidée par des ultrasonsultrasons.

    Les œufs de Najin et de Fatu ont ensuite été transportés par avion jusqu'en Italie. Là, il ont été pris en main par des experts qui ont annoncé un peu plus tard être parvenus à les mener à maturité. Sept d'entre eux ont pu être inséminés artificiellement grâce à des échantillons de sperme prélevés sur deux mâles et conservés depuis le décès par des techniques cryogéniques. Restera ensuite à les transférer dans une mère porteuse. Sachant que pour l'heure, toutes les tentatives de faire de rhinocéros blancs du Sud des mères de substitution ont échoué.

    Les chercheurs ne pensent pas être capables de donner naissance à des petits rhinocéros avant trois ans. © Élodie Sampere, Ol Pejeta Conservancy
    Les chercheurs ne pensent pas être capables de donner naissance à des petits rhinocéros avant trois ans. © Élodie Sampere, Ol Pejeta Conservancy

    Une opération semée d’embûches

    Une course contre la montre pour prélever un maximum d'ovocytes sur les deux femelles rhinocéros sera ensuite lancée. Car l'opération ne peut être effectuée que trois fois par an. Mais ce programme de sauvetage mené dans des conditions extrêmes devrait aider les scientifiques à en apprendre plus sur la procréation assistée et à repousser les limites du techniquement faisable en la matièrematière. Et ainsi permettre d'aider même des espèces en situations moins critiques.

    « Les efforts que nous déployons pour sauver les rhinocéros blancs du Nord de l'extinction mettent en lumièrelumière la crise plus large que nous vivons actuellement et dont nous, les êtres humains, sommes responsables », confie Richard Vigne, le directeur de le Ol Pejeta Conservancy, la réserve kényane dans laquelle vivent aujourd'hui sous haute protection Najin et Futa.

    Selon les chercheurs, si la fécondation in vitro réussit, plusieurs naissances pourraient avoir lieu. Mais ils redoutent déjà que le manque de diversité génétique nuise à la survie de l'espèce. Alors certains travaillent à créer des cellules sexuelles artificielles à partir de cellules souches de tissus congelés d'autres rhinocéros blancs du Nord afin de diversifier le pool génétique. Et même si tout fonctionne bien, rétablir la population prendrait bien 70 ans...


    Naissance d’un rhinocéros blanc par insémination artificielle, un espoir pour l’espèce au bord de l’extinction

    Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 31/07/2019

    Carnet bleu à San Diego ! Les responsables du zoo californien et la maman Victoria ont la joie d'annoncer la naissance du petit rhinocéros blanc du Sud, conçu par insémination artificielleinsémination artificielle. Ce faire-part de naissance apporte bien plus que du bonheur : l'immense espoir de préserver cette espèce en voie d'extinction.

    C'est une étape historique pour les responsables du zoo californien de San Diego. Un rhinocéros blanc du Sud est né dimanche, conçu par insémination artificielle. C'est une source d'espoir pour cette espèce menacée d’extinction. La maman Victoria et son petit, un mâle, se portent bien. « Elle est très attentive à son bébé, qui marche déjà et tète régulièrement », a rassuré Barbara Durrant, en charge de la reproduction au zoo. Cette naissance est d'autant plus significative qu'elle marque une étape importante dans nos efforts de sauvegardesauvegarde du rhinocéros blanc du Nord, le cousin du rhinocéros blanc du Sud, qui est sur le point de s'éteindre. »

    En effet, seuls deux rhinocéros blancs du Nord subsistent sur Terre et les deux sont des femelles. Le dernier mâle s'est éteint l'an dernier (lire nos articles ci-dessous). La population sauvage de rhinocéros blancs du Sud est, elle, estimée à environ 18.000, mais les braconniers la font décroître rapidement dans le sud de l'Afrique.

    Victoria, ici sur une photo distribuée par le zoo de San Diego en mai 2018. © Tammy Spratt, <em>San Diego Zoo Safari Park</em>, AFP, Archives
    Victoria, ici sur une photo distribuée par le zoo de San Diego en mai 2018. © Tammy Spratt, San Diego Zoo Safari Park, AFP, Archives

    Un espoir pour préserver les espèces et en ressusciter d'autres ?

    L'insémination artificielle réussie du zoo de Diego, une première en Amérique du Nord, offre donc un espoir. Les scientifiques espèrent que la technique permette un jour à un rhinocéros blanc du Sud femelle de porter un petit cousin du Nord grâce à une insémination de sperme congelé.

    « De nombreux défis se dressent devant nous, mais les chercheurs ont bon espoir de voir naître un bébé rhinocéros blanc du Nord grâce à ce procédé d'ici 10 à 20 ans », ont expliqué les responsables du zoo californien.

    Victoria et son bébé resteront, quant à eux, à l'écart des visiteurs pendant un certain temps. Et le petit pourrait bientôt avoir un camarade de jeu : un autre rhino blanc inséminé artificiellement doit mettre bas à l'automne.


    Rhinocéros blanc du Nord : ils veulent le ressusciter

    Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche, publié le 28 avril 2018

    Il ne subsiste plus que deux femelles de rhinocéros blanc du Nord en captivité. Une communauté de scientifiques se mobilise dans plusieurs pays pour faire revivre l'espèce grâce à la reproduction in vitro. Un projet non dénué de difficultés.

    Le 19 mars dernier, Sudan, le dernier représentant mâle de l'espèce du rhinocéros blanc du Nord s'est éteint à l'âge de 45 ans. Ne subsistent à présent plus que deux femelles, sa fille et sa petite-fille (Najin et Fatu, âgées de 29 et 18 ans). Autant dire que la sous-espèce est appelée à disparaître. À moins que...

    Une communauté de scientifiques se mobilise aujourd'hui pour faire renaître ce rhinocéros emblématique, décimé par le braconnage, comme l'explique un communiqué du zoo de Dvůr Králové. Du sperme et divers échantillons (peau, artèresartères, oreilles, gencives, testiculestesticules...) ont été prélevés du vivant de Sudan et d'autres mâles, et sont conservés dans des laboratoires à travers le monde. Dès 2015, plusieurs chercheurs se sont réunis à Vienne en Autriche pour établir un plan de bataille.

    Voir aussi

    Sudan, le dernier mâle rhinocéros blanc du Nord, est mort

    Une première option consiste à inséminer in vitro des ovocytes de femelles avec le sperme congelé. Une technique déjà éprouvée chez divers mammifèresmammifères, comme la vachevache ou le bison. Problème : on ne dispose à l'heure actuelle d'aucun ovule et ils sont particulièrement difficiles à prélever chez le rhinocéros femelle. « Il faut effectuer une ponctionponction avec une sonde à ultrasons et une aiguille, ce qui peut être assez traumatisant », explique à The Verge Jan Stejskal, le directeur de la communication du zoo de Dvůr Králové, en République tchèque, où Sudan a vécu jusqu'en 2009.

    Il faudrait ensuite implanter l'embryon dans l'utérus d'une des femelles restantes, une technique là encore à risque pour la receveuse. On pourrait aussi implanter ces embryons chez des femelles de rhinocéros du Sud, une sous-espèce beaucoup plus nombreuse. Cela donnerait des hybrideshybrides dont on pourrait ensuite retenir uniquement les caractéristiques propres au rhinocéros du Nord grâce à la sélection génétique.

    Angalifu, un des derniers rhinocéros blancs du Nord, décédé en 2014. © Helene Hoffman, <em>San Diego Zoo Safari Park</em>
    Angalifu, un des derniers rhinocéros blancs du Nord, décédé en 2014. © Helene Hoffman, San Diego Zoo Safari Park

    De l’argent mal dépensé ?

    Une deuxième possibilité serait de reprogrammer des cellules classiques issues des échantillons en cellules souches pluripotentescellules souches pluripotentes, capables de former des ovules et du sperme. On pourrait ainsi disposer du sperme de meilleure qualité que celui de Sudan, qui était âgé (41 ans) au moment du prélèvement. La technique a déjà été validée chez la souris avec succès. Chez le rhinocéros, les scientifiques ont réussi à fabriquer des cellules souches à partir de cellules de peau, mais sans parvenir à en faire des ovules.

    Quoi qu'il en soit, la procédure s'annonce longue et coûteuse. Le projet est ainsi estimé à neuf millions d'euros, selon le zoo de Dvůr Králové, qui mise sur la générosité des donateurs. Cet argentargent serait peut-être mieux employé à protéger les espèces existantes, arguent certains spécialistes. « Ces rêves high tech détournent l'attention des vrais sujets, comme le renforcement de la loi contre le braconnage ou la surveillance des individus dans leur habitat naturel », avance dans The Guardian Richard Emslie, un expert des rhinocéros de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Grâce aux efforts engagés dans la lutte contre le braconnage, le population de rhinocéros noirs est ainsi remontée de 2.410 animaux en 1995 à environ 5.000 aujourd'hui.