L'évolution des poissons-antarctiques, également appelés poissons des glaces, semblait bien simple : un refroidissement de leur habitat, une adaptation à ce changement climatique et un agrandissement de l'aire de répartition dans la foulée. Mais tout n'est pas si trivial. Et ces téléostéens aujourd'hui très spécialisés vont maintenant avoir du mal à s'adapter au réchauffement.

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    Il existe 122 espèces de notothénioïdes ou poissons des glaces. © domaine public

    Il existe 122 espèces de notothénioïdes ou poissons des glaces. © domaine public

    L'évolution des poissons-antarctiques, ou notothénioïdes (sous-ordre des Notothenioidei), est un cas d'école, croyait-on. Suite à un épisode de refroidissement brutal, de nombreuses espèces de poissons se sont éteintes, laissant les niches écologiques disponibles pour les notothénioïdes qui eux, sont parvenus à s'adapter et se sont diversifiés, pouvant occuper ces niches. Un phénomène appelé radiation évolutiveradiation évolutive.

    Mais des chercheurs viennent de découvrir que l'histoire n'est pas si simple. Il y a environ 35 millions d'années, à la transition entre l'Éocène et l'Oligocène, une vague de refroidissement a saisi la Terre, menant à l'extinction de nombreuses espèces marines qui n'ont pas su s'adapter à la baisse de la température de l'eau.

    Une protéine antigel pour vivre dans l'océan Austral

    C'est environ à cette date (entre -42 et -22 millions d'années) que les scientifiques estiment l'émancipation de la glycoprotéineglycoprotéine antigel (AFGP pour antifreeze glycoprotein) au sein du groupe des poissons-antarctiques qui leur a permis de s'adapter au changement climatiquechangement climatique de l'époque. La théorie en place suppose que c'est à cette période, au début de l'OligocèneOligocène, que la radiation évolutive a eu lieu.

    Une larve de poisson-antarctique (ou poisson des glaces). © Uwe Kils, Wikpédia, cc by sa 3.0

    Une larve de poisson-antarctique (ou poisson des glaces). © Uwe Kils, Wikpédia, cc by sa 3.0

    Pourtant, ces téléostéens ne se sont pas diversifiés tout de suite et n'ont donc pas occupé les niches écologiques laissées disponibles par la disparition des espèces incapables de s'adapter, ainsi qu'une radiation évolutive classique l'aurait prédit. C'est ce que montre l'analyse de chercheurs de l'Université Yale, publiée dans Pnas.

    Les notothénioïdes s'adapteront-ils au changement climatique ?

    Il a ainsi fallu attendre plus de dix millions d'années (entre -11,6 et -5,3 millions) et le MiocèneMiocène pour que cette radiation ait lieu et que le groupe des notothénioïdes se diversifie réellement. Événement qui n'a du reste pas été guidé uniquement par l'acquisition de la protéineprotéine antigel, mais aussi par d'autres facteurs, comme l'adaptation à des profondeurs moins importantes, permettant une conquête verticale du milieu.

    Mais pour les poissons des glaces, tout est maintenant à refaire, ou plutôt à défaire. Alors qu'ils se sont adaptés au froid des eaux de l'océan Austral il y a plusieurs millions d'années, voilà que leur environnement se réchauffe. Et les scientifiques craignent qu'ils ne parviennent à faire marche arrière et à surmonter une hausse des températures.

    Car l'océan Austral est un des écosystèmesécosystèmes qui souffrent le plus du changement climatique. Les mammifèresmammifères marins et les micro-organismesmicro-organismes qui y vivent sont soumis à de fortes pressionspressions difficilement surmontables (acidification, température croissante...). Avec le déclin annoncé des notothénioïdes, c'est une nouvelle pression qui s'ajoute au tableau, puisque ces poissons représentent une part importante du menu de prédateurs tels que les phoques, les manchots ou certaines baleines.