Un étourneau n’est que rarement seul. Lorsque le soleil se couche, il rejoint les autres, qui se regroupent par milliers pour se rendre dans leur dortoir commun. Le spectacle est surprenant car en vol, ces oiseaux, contrairement à d’autres espèces, ne semblent pas avoir de leader. Pourtant, le groupe reste à peu près homogène, même dans les changements de direction. Le moyen de communication entre individus est encore assez mystérieux mais efficace. La preuve en vidéo.

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    Des milliers d'oiseaux, tous si unis qu'ils ne font qu'un. Depuis le sol, on observe une énorme massemasse noire, qui prend diverses formes mouvantes, du sablier à la sphère. En France, à chaque automne, dès la tombée de la nuit, les étourneaux, ces passereaux diurnesdiurnes d'une vingtaine de centimètres, forment d'immenses nuées, où n'existe aucun leader mais plutôt une unité de groupe. Le spectacle est toujours aussi impressionnant, notamment lorsque ces oiseaux installent leurs dortoirs en pleine ville, où les Hommes redoutent leur guano. En voici un exemple en vidéo.


    Les étourneaux de Gretna Green, en Écosse, se réunissent pour choisir ensemble le dortoir de leur prochaine nuit. © wildaboutimages, YouTube

    La vidéo décryptée : l’auto-organisation comme seule règle de vol ?

    C'est dans le sud de l'Écosse, à Gretna Green, que le photographe Paul Bunyard a été témoin de ce superbe ballet d'étourneaux, durant l'automne 2013. Des milliers d'oiseaux se retrouvent à la tombée de la nuit, forment une nuée gigantesque, dont l'aspect est d'une extraordinaire variété. Sur la vidéo, on observe que, parfois, les oiseaux forment une masse ronde, puis une extension verticale se développe, puis naissent deux branches... L'Homme s'interroge depuis des siècles sur l'intérêt d'un tel rassemblement, mais aussi et surtout sur la manière dont ces formes se créent et se maintiennent ou se transforment. Le vol des étourneaux fascine tellement qu'en 1930 l'ornithologueornithologue Edmund Selous en venait à attribuer la cohésion du groupe à de la télépathie.

    Ce mouvementmouvement de masse d'oiseaux n'est pas sans rappeler celui des poissons, qui se déplacent en bancs, dont la forme, allongée, provient d'une auto-organisation. Un poisson se met à nager derrière un autre et ralentit pour éviter de le heurter. Son ancien voisin se déplace alors vers l'intérieur pour combler le fossé qui s'est creusé et il en résulte une forme allongée. Le mécanisme d'auto-organisation a pu être mis en évidence grâce à un modèle numériquemodèle numérique, nommé StarDisplay. Avec ce même outil, l'équipe de l'éthologue Charlotte Hemelrijk a évalué les conséquences des comportements individuels des étourneaux sur la forme du vol.

    Les mouvements collectifs complexes des étourneaux pourraient bien n'être que la somme des comportements individuels. © Laurentquinquis *Lolo*, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Les mouvements collectifs complexes des étourneaux pourraient bien n'être que la somme des comportements individuels. © Laurentquinquis *Lolo*, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Plusieurs tests ont été réalisés, avec différents paramètres, comme le nombre d'oiseaux avec qui chaque individu est en interaction, l'inclinaison du groupe lors d'un virage, la variation de vitessevitesse de vol... D'après leurs résultats, publiés en 2011 dans la revue Plos One, c'est le comportement individuel des oiseaux qui influe le plus sur la forme du vol, et non les variations individuelles de vitesses. Quand les étourneaux modifient leur trajectoire, chaque oiseau tourne de façon indépendante, si bien que les positions relatives changent radicalement. Après un virage du groupe à 90° par exemple, les oiseaux volant à tribord peuvent se retrouver à bâbord, et inversement. Si l'ensemble avait une forme large, il prendra alors à l'issue du changement de direction une forme oblongue, et l'inverse se produira après un autre virage. Une forte variabilité de vitesses conduit, elle, à étirer le groupe en une forme étirée et plus stable. Les auteurs remarquent que c'est ce que l'on observe dans les bancs de poissons.

    L’après-vidéo : d’importants avantages pour les étourneaux

    L'étourneau est un animal social. Chaque soir, tous se retrouvent pour choisir un dortoir commun, cette unité leur permet de se protéger des prédateurs et de trouver plus facilement de la nourriture. En effet, chaque individu du groupe suit le premier qui a découvert l'endroit où se situe la nourriture. Le déterminisme de l'un annule l'initiative des autres, qui deviennent alors suiveurs, jusqu'à ce qu'un autre ait identifié une autre cible, emmenant avec lui une autre partie du groupe.

    À chaque automne toutefois, leur superbe spectacle devient un fléau pour l'Homme. Les étourneaux sont, comme les rats, des animaux qui profitent de l'activité urbaine. Parce que la température est douce, que la nourriture ne manque pas et qu'il y a moins de rapacesrapaces en zone urbaine qu'en campagne, les étourneaux sillonnent régulièrement les cieux des villes. Ils se réunissent par milliers, et leurs déjections peuvent être tellement importantes qu'elles peuvent abîmer les monuments ou les voitures.

    Chronique : l'extrême en vidéo

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    Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique L’extrême en vidéo décrypte des phénomènes naturels ou des exploits humains à couper le souffle. La nature déchaînée, mystérieuse ou étonnante, et les Hommes qui risquent leur vie pour l'explorer seront les thèmes de ces séquences spectaculaires que nous analyserons avec l'œil du scientifique.