Pour la première fois une étude montre un lien entre un échouage massif de dauphins à Madagascar et l’émission de signaux sonores issus d’un système d’échosondage multifaisceau. Ce type de dispositif est mondialement utilisé, et nécessite donc d’être utilisé avec une grande vigilance.

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    Durant les mois de mai et juin 2008, la WCS a dirigé une équipe internationale afin de comprendre l'échouage massif d’une centaine de dauphins d'Électre dans les mangroves côtières du nord-est de Madagascar. © T. Collins, Wildlife Conservation Society

    Durant les mois de mai et juin 2008, la WCS a dirigé une équipe internationale afin de comprendre l'échouage massif d’une centaine de dauphins d'Électre dans les mangroves côtières du nord-est de Madagascar. © T. Collins, Wildlife Conservation Society

    Plus d'une centaine de cétacés, vivant d'ordinaire en pleine mer, se sont échoués en mai et juin 2008 dans le système lagunaire de Loza, sur la côte nord-ouest de Madagascar. L'événement est tout à fait inhabituel, car les dauphins d'Électre (Peponocephala electra) ne quittent que très rarement leur habitat naturel. Ils n'avaient jamais été observés auparavant (ni même après leur échouage) dans le lagon de Loza. Ces dauphins pélagiquespélagiques, au même titre que les baleines de Cuvier par exemple, ne s'approchent jamais des côtes. Il semble qu'entre mai et juin 2008, les hautes fréquences des sondes multifaisceaux les aient guidés vers le littoral.

    Au moment de l'incident, responsables locaux, organismes de conservation, experts internationaux et sociétés de prospection d'hydrocarbureshydrocarbures travaillant dans la région se sont déployés et ont réuni quantité d'échantillons et données physiquesphysiques. Les organisations américaines Ifaw (International Fund for Animal Welfare) et WCS (Wildlife Conservation Society) ont envoyé une équipe sur place, pour remettre à l'eau les dauphins échoués encore en vie, et mener des autopsiesautopsies sur les cadavres. Malgré tout ce déploiement, ce n'est que quelques années plus tard qu'une enquête sur les causes de cet échouage massif a eu lieu.

    Le son modifie le comportement des dauphins d’Électre

    La tâche est difficile. L'accès au lieu d'échouage n'est pas aisé, les équipes de terrain ont mis du temps à arriver sur place, et donc, malgré la quantité d'échantillons obtenus, certains étaient dégradés. De plus, l'enquête a démarré bien après l'événement, et au moment des faits, personne ne pouvait témoigner du comportement des cétacés dans le lagon.

    Les chercheurs de la <em>Wildlife Conservation Society</em> ont œuvré au sauvetage des dauphins échoués dans la lagune Loza, dans le nord-ouest de l'île de Madagascar. © T. Collins, <em>Wildlife Conservation Society</em>

    Les chercheurs de la Wildlife Conservation Society ont œuvré au sauvetage des dauphins échoués dans la lagune Loza, dans le nord-ouest de l'île de Madagascar. © T. Collins, Wildlife Conservation Society

    Dans ce contexte, l'enquête n'a pu conclure formellement sur la cause de l'échouage massif, mais juge que l'action d'un échosondeur multifaisceau utilisé par la société Exxon Mobil était la raison la plus probable qui aurait incité les cétacés à pénétrer dans le système lagunaire. Ainsi, l'événement peut être associé aux stimuli acoustiques provoqués par un système de sondeur multifaisceau (MBES) embarqué sur un navire d'Exxon Mobil, en service quelques jours plus tôt.

    Les causes de décès sont multiples. Les dauphins d'Électre vivent en eaux profondes : dans le lagon, ils ont souffert de déshydratationdéshydratation, du soleilsoleil, et ont rapidement maigri... Impossible donc de lier directement leurs morts à la pollution sonore.

    L’échosondeur MBES en cause

    Or, l'équipe scientifique a trouvé une corrélation temporelle et spatiale entre les opérations du MBES et le déplacement des dauphins. « Le navire opérant le MBES se déplaçait en émettant des sons audibles sur plusieurs centaines de kilomètres carrés de l'habitat en eau profonde du dauphin d'Électre, le 29 mai 2008, de 5 h 44 à 12 h 30 heure locale, puis par intermittence dans une zone située au large (à environ 65 km de l'entrée du lagon) entre 14 h 56 et 19 h 31. Ces émissionsémissions ont précédé le premier échouage pendant la journée du 30 mai, et l'observation des cétacés en vie à l'intérieur du lagon à 23 h 00 ce même jour », expliquent-ils dans leur rapport.

    Par ailleurs, cette sensibilité comportementale a déjà été observée sur les cétacés en pleine mer, au passage de sonars militaires par exemple. Bien que le type de sons émis soit différent (les MBES ont de plus hautes fréquences), le comportement reste similaire. Enfin, tous les autres facteurs envisagés par le groupe indépendant de recherche comme déclencheur du changement comportemental des dauphins ont finalement été écartés (conditions climatiques, chasse, etc.).

    C'est la première fois qu'une étude met en avant un lien entre les systèmes MBES et la modification comportementale de cétacés. Ce rapport, appuyé par l'Ifaw et la WCS, présente un intérêt majeur, car les MBES sont utilisés par divers intervenants, tels que l'industrie des hydrocarbures, les services militaires, ou encore les navires de recherche. Pareil résultat doit être pris en compte dans les futures évaluations environnementales, la planification opérationnelle et les décisions réglementaires.