Les chimpanzés peuvent s’unir pour perpétrer des agressions sur d’autres mâles. Visiblement, le choix des alliés ne devrait rien au hasard, les chances de se reproduire et de gravir des échelons sociaux étant plus élevées si aucun singe n’est engagé dans une autre alliance !

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    Dans le monde animal, il n'est pas toujours évident d'obtenir ce que l'on souhaite, surtout si l'on est amené à entrer en conflit avec plus fort que soi. Certains chimpanzés ont trouvé une parade : ils s'allient avec d'autres mâles pour attaquer conjointement une ou plusieurs cibles. Cette information n'est pas nouvelle. Cependant, de nombreuses interrogations restent encore en suspens concernant les avantages procurés par ce comportement. Les singes formant des coalitions ont-ils par exemple plus de chance de se reproduire ?

    Des éléments de réponse viennent de nous être fournis par Ian Gilby de l'université Duke (États-Unis). Pour ce faire, il a analysé des données génétiquesgénétiques et comportementales récoltées entre 1995 et 2008 en suivant des Pan troglodytesPan troglodytes schweinfurthii de la communauté de Kasekela, dans le parc national de Gombe Stream, en Tanzanie. Ses conclusions ont été publiées dans la revue Behavioral Ecology and Sociobiology. Concrètement, les chimpanzés formant des alliances pour s'attaquer à autrui ont plus de chance de se reproduire, et donc d'assurer leur descendance, surtout s'ils choisissent bien leurs alliés !

    Les chimpanzés mâles restent durant toute leur vie dans la communauté qui les a vus naître. Quant aux femelles, elles peuvent migrer vers un autre groupe à l'adolescence. © AfrikaFroce, Flickr, cc by 2.0

    Les chimpanzés mâles restent durant toute leur vie dans la communauté qui les a vus naître. Quant aux femelles, elles peuvent migrer vers un autre groupe à l'adolescence. © AfrikaFroce, Flickr, cc by 2.0

    Des alliés chimpanzés non engagés ailleurs

    Les communautés de chimpanzés sont généralement formées de 20 à 100 individus et hiérarchisées. Un singe alpha dirige ainsi les autres mâles durant la chasse ou lorsque le territoire du groupe est menacé. Cette position se situe au sommet d'une échelle sociale que les Pan troglodytes schweinfurthii peuvent gravir grâce à leur intelligenceintelligence ou en gagnant le respect des autres membres de la communauté. 

    Près de 365 alliances impliquant 16 mâles (par groupe de 2 ou de 3) ont été observées durant l'étude. Globalement, les meneurs ont eu un plus grand succès auprès des femelles. Selon des résultats statistiques, ces primates auraient plus de chance de recevoir leurs faveurs que d'autres singes restés neutres. Par ailleurs, 14 mâles sont montés en rang durant les observations (un individu a même franchi tous les échelons en une seule étape pour devenir un alpha). Cette observation n'est pas anodine puisque ces promotions facilitées par la formation des alliances augmentent la probabilité de s'accoupler. Ainsi, les agressions en groupe procureraient des avantages génétiques à leurs protagonistes. 

    Quatre indices ont été utilisés pour caractériser ce comportement social et comprendre le succès des singes qui y ont recours. Le nombre d'alliés, leur force et leur position sociale n'expliqueraient à eux seuls aucune des observations faites. Seul un paramètre serait corrélé aux résultats : le concept de « betweenness », qu'on pourrait traduire approximativement par « intermédiarité ». Il s'agit d'une mesure de centralité du réseau socialréseau social. Les mâles bénéficiant des agressions menées en groupe ont tous affiché une valeur élevée de cet indice, ce qui signifie qu'ils s'associent avec des individus ne faisant pas partie d'une coalition tierce. Les chimpanzés communs peuvent donc juger méticuleusement les relations établies entre d'autres membres de leur communauté avant de définir leurs propres alliances.