Ce fossile minuscule, découvert en Chine, éclaire l’histoire de nos très lointains ancêtres d’il y a 540 millions d’années. Cette lignée, celle des deutérostomiens, compte bien d’autres cousins : tous les vertébrés mais aussi les oursins et les étoiles de mer. Que nous raconte ce Saccorhytus ? L’invention de la bouche…

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    Il ressemble à un petit sac d'un millimètre de hauteur, une sorte de cruche molle. Pour les scientifiques qui ont découvert ce fossile vieux de 540 millions d'années dans la province de Shaanxi, au centre de la Chine, c'est un « deutérostomien » (ou deutérostome), comme ils l'expliquent dans un article de Nature et dans un communiqué de l’université de Cambridge (Royaume-Uni). Autrement dit un cousin.

    Chez les animaux autres que les éponges et les méduses, en effet, on est protostomien ou bien deutérostomien. La différence se voit très tôt dans l'embryonembryon, quand il ressemble (lui aussi) à un petit sac dont l'unique orifice (le blastopore) devient soit la bouche (chez les protostomiens, littéralement « bouche en premier »), soit l'anusanus (chez les deutérostomiens, « bouche en second »).

    Reconstituée par ses découvreurs, l'apparence de ce petit animal de seulement un millimètre, qui semblait vivre au fond de l'eau, est inhabituelle. Pourtant, les scientifiques y voient un ancêtre de la lignée qui comprend les vertébrés. L'unique orifice sert de bouche et d'anus, ouvrant sur une cavité interne, servant de piège à nourriture. Les structures coniques, en forme de volcans, seraient des conduits d'évacuation de l'eau, préfigurant les fentes branchiales et la bouche de ses lointains descendants. © Jian Han

    Reconstituée par ses découvreurs, l'apparence de ce petit animal de seulement un millimètre, qui semblait vivre au fond de l'eau, est inhabituelle. Pourtant, les scientifiques y voient un ancêtre de la lignée qui comprend les vertébrés. L'unique orifice sert de bouche et d'anus, ouvrant sur une cavité interne, servant de piège à nourriture. Les structures coniques, en forme de volcans, seraient des conduits d'évacuation de l'eau, préfigurant les fentes branchiales et la bouche de ses lointains descendants. © Jian Han

    Saccorhytus, un petit sac qui nous parle de nos ancêtres

    Les mollusques, les arthropodesarthropodes et les vers de terreterre (entre autres) sont adeptes de la bouche en premier, quand les vertébrés, les échinodermeséchinodermes (oursinsoursins, étoilesétoiles de mer et holothuriesholothuries) et les tuniciers (les « violets » ou « figuesfigues de mer ») sont des deutérostomiens, contraints de bricoler la bouche avec une autre perforation. De quand date la séparationséparation entre ces deux grandes familles ? Du Cambrien, dit-on, il y a plus de 480 millions d'années, quand les animaux bilatériensbilatériens (avec un côté gauche et un côté droit) se sont diversifiés rapidement. Les 540 millions d'années de Saccorhytus coronarius le situent justement au début de cette ère, avant même l'étonnante et célèbre faune de Burgess.

    Comment la bouche est-elle apparue ? Telle est la question. Le minuscule S. coronarius, qui, sous le microscopemicroscope, livre de nombreux détails anatomiques, apporte un élément de réponse, expliquent ses découvreurs. Cette énorme ouverture qui bée sur l'image de cet article n'est pas vraiment la bouche. Elle fait aussi office d'anus puisqu'elle fonctionne à double sens. Le petit sac, vivant coincé entre les grains de sablesable, devait ainsi ingurgiter des animaux ou des micro-organismesmicro-organismes encore plus petits que lui.

    Au microscope électronique à balayage, le modeste <em>Saccorhytus coronarius</em> montre de nombreux détails anatomiques que l'équipe britannique a observés minutieusement. © Jian Han

    Au microscope électronique à balayage, le modeste Saccorhytus coronarius montre de nombreux détails anatomiques que l'équipe britannique a observés minutieusement. © Jian Han

    L'invention de la circulation d'eau

    L'équivalent de notre bouche, pensent ces chercheurs, est à chercher dans les curieuses structures latérales, coniques et perforées. Sans doute, supposent les paléontologuespaléontologues, des conduits par lesquels l'eau avalée pouvait ressortir. Les descendants de S. coronarius, ou des cousins à lui, auraient exploité ces orifices qui, bien plus tard, sont devenus la bouche et les fentes branchiales, celles qui servent aux poissons (et aux larveslarves de grenouilles) à respirer dans l'eau.

    Avec son début de symétrie bilatérale, son âge canonique de 540 millions d'années, contre 510 à 520 pour les premiers deutérostomiens connus et ses ouvertures d'expulsion de l'eau, ce modeste Saccorhytus doit pouvoir, au prix d'une confirmation, figurer parmi la lignée de nos possibles ancêtres. De quoi en rester bouche bée.