L’Acanthaster planci, la seule espèce d’étoile de mer toxique, est le pire ennemi du corail. Elle prolifère périodiquement dans les zones tropicales du bassin Indo-Pacifique et ravage les récifs coralliens. Si bien qu’en 2009, autour de Moorea, la sœur de Tahiti, il ne restait que 2 % du récif en vie…

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    Les récifs coralliens sont gravement en péril. Dans le monde, 75 % des coraux sont menacés et 20 % ont disparu de façon irrémédiable. Les récifs de polypes hébergent 25 % de la vie marine. Leur extermination entraîne la disparition de nombreuses espèces tant animales que végétales, qui ne peuvent vivre ailleurs. Si les impacts de la pollution ou de la surpêche sont de plus en plus mis en cause, les récifs coralliens sont aussi confrontés à de terribles causes naturelles. L'invasion de l'étoileétoile de mer Acanthaster planci représente à elle seule la principale cause naturelle de disparition des coraux.

    Véritable « corallivore », l'étoile de mer dite « couronne épineuse » se développe dans la ceinture tropicale du bassin Indo-Pacifique et cause d'énormes ravages. Elle se nourrit des polypes, les parties animales du corail. Une femelle peut pondre entre 4 et 60 millions d'œufs par saison, mais le taux de survie des larves est en général très faible. L'espèce se développe en premier lieu sur les pentes externes des récifs, entre 20 et 30 m de profondeur. Mais le cycle de reproduction d'Acanthaster planci est ponctué d'oscillations cycliques marquées par de longues périodes de faible densité et de brefs épisodes de prolifération.

    Depuis 2004, l'échinodermeéchinoderme a envahi les fonds marins de la Polynésie française. À tel point que d'après l'étude menée par le laboratoire d’excellence Corail sur l'île de Moorea, le taux de recouvrement en corailcorail vivant est passé de 50 % en 2004 à moins de 5 % en 2009. Publiée dans Plos One, l'analyse de cette explosion démographique de l'étoile de mer épineuse caractérise celle-ci comme l'une des plus intenses et des plus ravageuses jamais enregistrées.

    Sur l'image du haut (A), une <em>Acanthaster planci</em> sur un corail tabulaire <em>Acropora</em>. Sur l'image du bas (B) un corail est partiellement détruit par l'<em>Acanthaster planci</em>. Les zones (1) montrent les parties encore en vie du corail. En (2), le corail fraîchement tué par l'étoile de mer (mois d’un jour après l'invasion). En (3), une zone récemment tuée, avec un début de colonisation d'algues et de cyanobactéries (environ 10 jours après l'invasion). En (4) la partie morte est couverte d'algues (plus de trois semaines après l'invasion). © Mohsen Kayal, <em>Plos One</em>

    Sur l'image du haut (A), une Acanthaster planci sur un corail tabulaire Acropora. Sur l'image du bas (B) un corail est partiellement détruit par l'Acanthaster planci. Les zones (1) montrent les parties encore en vie du corail. En (2), le corail fraîchement tué par l'étoile de mer (mois d’un jour après l'invasion). En (3), une zone récemment tuée, avec un début de colonisation d'algues et de cyanobactéries (environ 10 jours après l'invasion). En (4) la partie morte est couverte d'algues (plus de trois semaines après l'invasion). © Mohsen Kayal, Plos One

    Pourtour corallien ravagé par une étoile de mer

    Autour de Moorea, le premier regroupement d'Acanthaster planci a été observé à 18 m de profondeur sur le tombant extérieur du récif à Tiahura, au nord de l'île. L'espèce s'est rapidement propagée sur toute la côte nord pour ensuite se développer sur la côte ouest où elle a été observée pour la première fois fin 2006. Finalement, en 2009, tout le pourtour corallien de l'île était envahi, et le taux de recouvrement de corail vivant n'était plus que de 2 %. Les étoiles épineuses sont remontées jusqu'à 6 m de profondeur et se sont installées dans certains secteurs du lagon.

    L'extinction massive des coraux a entraîné une chute dans la dynamique d'assemblage des coraux, et donc de la stabilité du récif. À l'inverse, le nombre des herbiers, ces alguesalgues « gazon », ont considérablement augmenté. Toutefois, tous les coraux n'ont pas été touchés de la même manière. Ce sont d'abord les taxonstaxons locaux qui ont disparu. Les espèces appartenant au genre Acropora (branchus et tabulaires) ont été les premières et le plus gravement touchées. Leur population a brusquement diminué, suivi par celles des espèces du sous-embranchementembranchement Pocillopora.

    Disparition du récif de Moorea. Sur l'image du haut (A), les récifs sont couverts de coraux à 40 %. L'image du milieu (B) montre que les algues ont colonisé les squelettes des coraux tués par Acanthaster planci. La couverture corallienne n'est plus que de 10 %. Sur l'image du bas (C), les coraux partiellement morts ont été emportés lors du passage d'un cyclone, il reste moins de 5 % du récif. © Mohsen Kayal, Plos One

    Disparition du récif de Moorea. Sur l'image du haut (A), les récifs sont couverts de coraux à 40 %. L'image du milieu (B) montre que les algues ont colonisé les squelettes des coraux tués par Acanthaster planci. La couverture corallienne n'est plus que de 10 %. Sur l'image du bas (C), les coraux partiellement morts ont été emportés lors du passage d'un cyclone, il reste moins de 5 % du récif. © Mohsen Kayal, Plos One

    L’invasion cyclique d’Acanthaster planci reste mystérieuse 

    La raison pour laquelle l'étoile épineuse envahit périodiquement les récifs demeure un vrai mystère. Les invasions surviennent souvent trois ans après d'importants épisodes cycloniques. Lessivant le sol, les précipitationsprécipitations enrichissent la mer en matièrematière organique, favorisant alors le développement des étoiles. Des études antérieures ont montré que le phénomène est plus marqué sur les récifs des îles à fort relief, à large étendue ou à forte activité agricole.

    Mais si les causes des invasions ne sont pas encore bien comprises, l'étude réalisée par l'équipe du projet Corail a montré que ce sont des événements organisés. Les perturbations biologiques sont relativement lentes et se propagent par diffusiondiffusion. Sur les récifs entourant les îles volcaniques de la Polynésie française, les invasions observées provenaient de régions localisées situées au pied des pentes du récif extérieur et se sont étendues progressivement par migration agrégative des étoiles de mer. Il faudra plus d'une décennie au récif pour se rétablir d'une telle invasion.