Avec ses flancs vertigineux et sa silhouette volcanique, il se dresse au milieu de la savane tanzanienne, non loin du lac Natron. Selon le peuple maasaï, une tribu semi-nomade vivant dans ce secteur de l’Afrique, le volcan serait habité par le dieu créateur Engaï qui lui a donné son nom. Paysage superbe, lieu mystique, la montagne des dieux maasaïs est aussi une curiosité volcanologique ! Car ce volcan est le seul du monde à émettre des carbonatites, des laves de couleur noire lorsqu’elles sont en fusion et qui deviennent blanches en refroidissant…

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Ce volcan se situe au beau milieu du rift est-africain qui traverse l’Afrique sur au moins 5 000 kilomètres, de l’Afar jusqu’au Mozambique. Ce rift est la conséquence d’un processus extensif qui, à terme, pourrait séparer le continent africain en deux. Celui-ci permet la fusion partielle du manteau à ce niveau, mais avec un taux très faible, ce qui produit des magmas riches en alcalins (sodium et potassium notamment).

L’ascension de ce magma dans la croûte terrestre vers le volcan serait ensuite associée à un processus de séparation de deux liquides magmatiques, des magmas que l’on peut différencier par leur teneur en silicium. Le premier est silicaté, comme la grande majorité des magmas terrestres, et de nature néphélinique. Il constitue un réservoir en profondeur du volcan.

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Mais, de ce magma, un second liquide s’extrait du fait de son immiscibilité avec le premier et, par contraste de densité, remonte dans l’édifice volcanique pour former un réservoir superficiel. Ce magma est très particulier, car il contient moins de 20 % de silicium (contre plus de 40 % pour tous les autres magmas sur Terre) et est très riche en calcium, sodium et potassium : il est de nature carbonatitique.

Natro-carbonatites en éruption sur le volcan Ol Doinyo Lengaï. Non, ce n'est pas de la boue, mais bien de la lave ! © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
Natro-carbonatites en éruption sur le volcan Ol Doinyo Lengaï. Non, ce n'est pas de la boue, mais bien de la lave ! © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages

Des éruptions de deux natures

Ce réservoir superficiel alimente l’activité quasi permanente de ce volcan, une activité unique sur notre Planète ! En effet, Ol Doinyo Lengaï est le seul volcan terrestre qui émet ce type de lave ! Or, ces laves sont très étonnantes : elles sont d’une fluidité exceptionnelle, de couleur noire à marron foncé lorsqu’elles sont en fusion et à environ 500 °C seulement — contre de 800 à 1 200 °C pour les magmas « classiques » ! En outre, elles réagissent très rapidement dans l’atmosphère et, en quelques heures, les minéraux carbonatés s’altèrent et blanchissent…

En juin 2022, plusieurs évents étaient actifs. Autour de ceux-ci, de petits cônes pouvaient être remarqués, formés par la très modeste activité explosive qui les animait. Néanmoins, l’activité effusive dominait largement, formant des coulées actives et noires, comme celles que l’on distingue sur la gauche. Remarquez notamment la faible incandescence de ces laves ! © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
En juin 2022, plusieurs évents étaient actifs. Autour de ceux-ci, de petits cônes pouvaient être remarqués, formés par la très modeste activité explosive qui les animait. Néanmoins, l’activité effusive dominait largement, formant des coulées actives et noires, comme celles que l’on distingue sur la gauche. Remarquez notamment la faible incandescence de ces laves ! © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
Le blanchiment des carbonatites au moment de leur solidification, qui contraste nettement avec la couleur noire des laves en fusion, permet de remarquer facilement les zones actives à l’intérieur du cratère ! © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
Le blanchiment des carbonatites au moment de leur solidification, qui contraste nettement avec la couleur noire des laves en fusion, permet de remarquer facilement les zones actives à l’intérieur du cratère ! © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages

Si ces carbonatites font la singularité de ce volcan, elles ne composent pourtant qu’environ 5 % du volume du volcan, le reste correspondant au magma néphélinique ! Ce dernier est associé à des éruptions violentes qui, de manière générale, recréent un cratère au sommet du volcan. C’est ainsi qu’avant 2007, le cratère sommital du volcan était comblé, totalement rempli par les carbonatites émises pendant les quatre décennies précédentes, à tel point que le cratère débordait.

Si bien que les curieux pouvaient s’aventurer au plus près de ces laves étonnantes ! Mais une violente éruption se produisit à partir du mois de septembre 2007, avec un paroxysme au mois de février 2007 au cours duquel un panache de cendres de 15 kilomètres de haut se forma ! Un cratère de 300 à 350 mètres de diamètre se façonna lors de cette éruption, en lieu et place de la plateforme d’avant… Puis, comme après les éruptions violentes de 1917, de 1940-1941 et de 1966-1967, l’activité carbonatitique a repris, et entreprend de combler ce profond cratère…

Le cratère nord et la paroi méridionale du cratère sud, au sommet du volcan, sont les témoins d’éruptions violentes passées. © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
Le cratère nord et la paroi méridionale du cratère sud, au sommet du volcan, sont les témoins d’éruptions violentes passées. © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
Un cratère en noir et blanc. © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages
Un cratère en noir et blanc. © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages

Un cratère en noir et blanc désormais observable

Depuis 2008, l’activité éruptive est sporadique, repérée sur les images satellitaires par de faibles incandescences ou sur les photos des quelques curieux qui montent au sommet du volcan. On peut ainsi constater que le plancher du cratère remonte progressivement, si bien que l’activité est désormais observable dans de bonnes conditions… C’est ainsi qu’en juin 2022, Sylvain Chermette et ses clients observèrent cinq à sept évents actifs au fond du cratère, alignés dans une direction ouest-nord-ouest/est-sud-est. L’activité sur chacun d’eux était variable. Ici, des projections atteignaient quelques mètres de haut, construisant des cônes relativement dressés de plusieurs mètres de haut. Là, des coulées s’épanchaient au fond du cratère. Au centre de celui-ci, la base d’un ancien cône imposant et effondré abritait des petits lacs bouillonnants… Un spectacle varié selon les évents donc, au gré du jour et de la nuit, mais aussi durant les trois jours qu’ils restèrent au sommet du volcan. Sylvain Chermette y retourne en juin prochain : le volcan aura-t-il évolué ?

Merci à Sylvain Chermette, gérant de l'agence 80 Jours Voyages qui me permet d'utiliser gracieusement ces photos, illustrant ainsi joliment cet article. Il reste des places disponibles pour son séjour sur le Lengaï en juin prochain.

L'activité du Lengaï en vidéo. © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages