L’ancienne zone volcanique de l’Eifel, à la frontière allemande, montre des signes d’activité de plus en plus probants. Le sol s’élève dix fois plus rapidement que la normale et le terrain s’étire horizontalement. Ces mouvements seraient liés à un panache, où les roches du manteau remontent à la surface.


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    Les volcans d’Auvergne, dans le massif central, se sont éteints il y a plus de 8.000 ans. Et mis à part l’Italie et l’Islande, il ne reste plus guère de volcans actifs en Europe. Mais voilà qu'une ancienne région volcanique située dans l'une des zones les plus densément peuplées montre des signes d'activité inhabituels. L'Eifel, une région à l'ouest de l'Allemagne et bordant les frontières belge et luxembourgeoise, serait en train de s'élever jusqu'à 1 millimètre par an selon une étude parue dans le dernier numéro de la revue Geophysical Journal International. Cela peut sembler insignifiant, mais à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques, c'est énorme. Et c'est surtout dix fois plus rapide que la moyenne des 800.000 dernières années. « Aucune autre région du nord-ouest de l'Europe ne présente un tel niveau d'élévation verticale », appuie Corné Kreemer, l'auteur principal de l'étude.

    Une région volcanique endormie depuis 11.000 ans

    La dernière éruption dans l'Eifel remonte pourtant à plus de 11.000 ans. Mais, depuis quelques années, plusieurs indices ont mis les scientifiques sur leurs gardes. Des dégagements de gazgaz et des mini tremblements de terretremblements de terre à basse fréquence sous le lac de Laach, le plus grand maar de l'Eifel occupant le cratère d'un ancien volcan, ont récemment été enregistrés. Des élévations de terrain inhabituelles ont également été mesurées dans plusieurs régions aux alentours, mais ces observations étaient jusqu'ici limitées et il était difficile de savoir si elles étaient liées à une activité volcanique ou à une instabilité locale du sol.

    Kreemer et ses collègues ont mesuré les mouvements de terrain horizontaux et verticaux dans une vaste zone allant de l'Espagne à la Suède grâce à des milliers stations GPSGPS. Ils ont constaté qu'un large territoire, centré sur l'Eifel et couvrant aussi le Luxembourg, l'est de la Belgique et le sud des Pays-Bas, s'élevait à une vitessevitesse bien plus rapide que par le passé, et que cette élévation était en plus associée à une extension horizontale significative (jusqu'à 0,33 mm par an).

    La région rhénane (entourée en vert) subit une élévation en raison de la présence d’un panache centré sur le massif de l’Eifel (triangle noir). Le massif central (triangle violet) connaît également une déformation de terrain horizontale mais pas d’élévation. © Corné Kreemer et al, <em>Geophysical Journal International</em>, 2020
    La région rhénane (entourée en vert) subit une élévation en raison de la présence d’un panache centré sur le massif de l’Eifel (triangle noir). Le massif central (triangle violet) connaît également une déformation de terrain horizontale mais pas d’élévation. © Corné Kreemer et al, Geophysical Journal International, 2020

    Remontée de roches chaudes provenant du manteau terrestre

    Selon les chercheurs, ces déformations de surface pourraient être liées à la présence d'un panache, une remontée de roches anormalement chaudes provenant du manteau terrestre. Ces panaches permettent d'évacuer de la chaleurchaleur du manteau et sont associés à des points chauds induisant une activité volcanique à l'intérieur des plaques comme, par exemple, à Hawaï. Le panache de l'Eifel, qui s'étend jusqu'à 400 kilomètres sous la surface, est à l'origine de l'ancienne activité volcanique de la région. Mais les scientifiques débattent depuis plusieurs années pour savoir s'il est toujours actif ou non.

    « Nos résultats montrent que des roches chaudes du manteau sont en train de remonter à la surface, ce qui est un ingrédient clé du volcanisme », soutient Corné Kreemer. Le panache lui-même n'est pas constitué de magma, mais en apportant de la chaleur, il fait fondre la croûte terrestre au-dessus. Ces roches fondues vont alors monter à travers la croûte jusqu'à la surface. « Bien que la zone semble dormante aujourd'hui, on peut s'attendre à une activité future », prévient Corné Kreemer.

    Une éruption aussi violente que celle du Pinatubo en 1991

    Cela ne signifie pas pour autant qu'une éruption est imminente, tempèrent les chercheurs. Encore heureux : « Si quelque chose devait arriver, ce serait catastrophique étant donné la densité de population autour de l'Eifel », prévient Corné Kreemer dans une interview au site Newsweek. Dans le passé, le volcanisme de l'Eifel était de type explosif, ce qui a créé les fameux maars, ces grands cratères parfois remplis de lacs. La dernière éruption, qui s'est produite il y a près de 13.000 ans, était aussi puissante que celle du volcan philippin Pinatubo, qui a catapulté cinq milliards de mètres cubes de cendres et de poussière dans l'airair en 1991 et fait 350 morts.

    Surveillance renforcée

    Dans le Land de Rhénanie-Palatinat, la surveillance des tremblements de terre a déjà été renforcée cette année, et les mesures mises en place dans la région de l'Eifel ont été intensifiées. Mais les autorités se veulent rassurantes : « Je ne vois aucun danger pour les personnes ou les infrastructures, même pas dans les 1.000 prochaines années », veut croire Thomas Dreher, de l'office du Land de Rhénanie-Palatinat pour la géologiegéologie et l'exploitation minière à Mayence.