Le robot téléopéré de l'Ifremer, Victor 6000, a été débarqué le 7 août dans le port norvégien de Tromso, du navire allemand Polarstern, au terme d'une mission de recherche internationale de onze semaines. Menée par les scientifiques de l'AWI (Alfred Wegener Institute) dans l'océan Arctique, la campagne ARK XIX/3 s'est déroulée du 1er juin au 7 août 2003.

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    Le navire PolarsternCrédit : http://www.awi-bremerhaven.de

    Le navire PolarsternCrédit : http://www.awi-bremerhaven.de

    Les objectifs de la campagne étaient l'étude des coraux profonds au sud-ouest de l'Irlande, puis celle du volcan de boue Hakon Mosby, au nord-ouest des côtes de la Norvège et, enfin, la visite d'une station d'observation sous-marine profonde ("House Garden") située par 2600 m de fond, à l'ouest du Spitzberg.

    Le Victor 6000, appartenant à l'Ifremer, a été utilisé tout au long de cette campagne par les quelque 150 chercheurs qui se sont succédés à bord, bénéficiant ainsi de ses équipements de pointe (caméras, dispositifs d'échantillonnageéchantillonnage, bras télémanipulateur), tous opérationnels jusqu'à 6000 m et téléopérés depuis le navire de surface.

    Avec le Victor à bord du Polarstern, les chercheurs ont pu réaliser un échantillonnage et une couverture photographique dans le nord de l'océan Atlantique et les profondeurs de l'Arctique, en y déployant des dispositifs autonomes de surveillance, zones qui présentent un intérêt tout particulier pour la recherche européenne.

    Après un séjour dans le port de Brest, le temps d'installer l'engin Victor 6000 et ses quelque 120 tonnes d'équipements, la première partie de la campagne s'est dirigée en juin vers le banc de Porcupine, à l'ouest de l'Irlande. Là, à plusieurs milliers de mètres de fond, sur une zone s'étendant du golfe de Gascogne à la mer de Barents, vivent des coraux sous-marins profonds. 60% de ceux-ci sont localisés dans les eaux irlandaises. L'espèce la plus importante étudiée se nomme Lophelia pertusa. Elle se développe en d'énormes colonies parfaitement adaptées à l'environnement d'eaux froides et sombres, alors que ses sœurs vivent dans les eaux tropicales chaudes, la plupart du temps. C'est encore un mystère pour les chercheurs... indique le Professeur Joern Thiede, directeur de l'AWI et chef de mission de la première partie de l'expédition ARK XIX.

    La seconde partie se situait au niveau du volcan de boue Hakon Mosby. A cet endroit, le sol marin crache du méthane qui donne lieu à la vie bactérienne; c'est l'une des découvertes faites grâce à Victor 6000 que ces bulles de méthane s'échappant du fond. Nous n'avions jamais vu le phénomène directement, commente le Professeur Michael Schlueter de l'AWI et responsable de cette partie de la mission. Une autre observation faite par les scientifiques est la température élevée du plancherplancher océanique Arctique : elle excède les 25° à certains endroits. Le sol marin autour du volcan Hakon Mosby a pu être cartographié grâce aux techniques de microbathymétrie jusqu'à une précision de 10 cm. Le Professeur Schlueter espère ainsi en apprendre plus sur de telles sources de méthane.

    La dernière partie de l'expédition ARK XIX est intervenue sur l'observatoire long terme mis en place par l'AWI depuis quelques années par 2600 m de fond, nommé Hausgarten. Les chercheurs peuvent y observer les changements biologiques et les rythmes saisonniers, d'année en année, sur une longue période, qu'ils considèrent être dus à des perturbations venant de l'extérieur. Tout effet du changement global climatique de la planète doit pouvoir être observé dans les régions polaires et y être mesurable facilement dès ses premiers stades. En même temps que sont déployés de nombreux dispositifs autonomes de surveillance au niveau du Hausgarten, des expérimentations y sont conduites afin de mieux comprendre l'importante biodiversitébiodiversité que les chercheurs y ont constatée. Par exemple, divers substratssubstrats, déposés lors de précédentes interventions, il y a quatre ans, ont pu être récupérés. Les chercheurs souhaitent savoir à quelle vitessevitesse se fait la colonisation. Pour le moment, la conclusion est qu'il ne s'est pas passé grand chose. Peu de colonisation... d'après le Docteur M. Klages, principal responsable de cette troisième partie de la campagne. Mais les résultats doivent encore être examinés à terreterre, en laboratoire.

    Le brise-glace Polarstern et le robotrobot Victor 6000, qui avaient déjà eu l'occasion de travailler ensemble dès 1999, constituent une excellente équipe et une infrastructure de recherche unique en Europe. Pendant la campagne ARK XIX/3, le Victor 6000 a plongé 23 fois, parcourant 250 km sur le sol marin, à des profondeurs oscillant entre 900 et 2600 m. Le déploiement de l'engin (qui doit être impérativement remonté à bord à la fin de chaque intervention) est plus difficile lorsque la mer est mauvaise. Mais, pour les chercheurs, il était indispensable : un des équipements, en particulier, n'aurait pu être mis à l'eau sans l'intervention du robot.

    D'après le Dr. Klages, la collaboration entre l'Ifremer français et l'AWI allemand n'est pas seulement un atout exceptionnel pour les deux pays, elle permet aussi d'offrir une technologie unique en matièrematière d'intervention sous-marine profonde à de nombreux autres chercheurs européens, et de se maintenir en tête d'une recherche marine moderne, au plan mondial.

    Lors de la dernière partie de l'expédition, revenant vers le port norvégien de Tromso, le Victor 6000 et ses équipements ont été démontés et stockés dans des conteneurs. Ils rejoindront ensuite leur base à Toulon, au centre Ifremer de Méditerranée.

    Le Polarstern, lui, a entrepris une nouvelle campagne, le 10 août : la géophysique et l'océanographie dans les mers polaires sont au programme, vers le détroit de Fram (Spitzberg). Les scientifiques étudieront les mécanismes par lesquels le Groenland s'est séparé de la Norvège, il y a environ 55 millions d'années. Le navire devrait rejoindre son port d'attache de Bremerhaven le 13 octobre prochain.