Identifiées grâce à la sismologie, ces deux gigantesques anomalies qui gisent au fond du manteau terrestre continuent de questionner les scientifiques. Une nouvelle étude suggère cependant qu’elles seraient bien plus vieilles qu’on ne le pensait. Un résultat qui questionne le fonctionnement des flux de convection dans le manteau.


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    En surface, rien ne laisse présager de leur existence. Et pourtant, la sismologie est formelle. Sous l'océan Pacifique et sous l'Afrique, tout au fond du manteaumanteau, se trouvent deux gigantesques anomalies thermiques. Identifiées grâce à l’analyse des ondes sismiques produites lors des puissants séismes, ces anomaliesanomalies aussi vastes que des continents ont été nommées Grandes provinces de faible vitessevitesse sismiques (pour Large Low Seismic Velocity Provinces, ou LLSVP). Elles correspondent en effet à des portions de manteau dans lesquelles les ondes se propagent anormalement lentement, en comparaison du manteau environnant. Une anomalie de vitesse qui pourrait être associée à une anomalie de température des roches : le manteau y serait anormalement chaud par rapport à ce qui est attendu dans cette zone du manteau inférieur, à plus de 2 000 kilomètres de profondeur.

    Les deux anomalies (LLSVP) situées à la base du manteau. © Clinton Conrad, SOEST
    Les deux anomalies (LLSVP) situées à la base du manteau. © Clinton Conrad, SOEST

    Des structures encore très mystérieuses

    On sait encore très peu de choses sur ces deux LLSVP : leur nature, leur origine, leur âge et leur impact sur la dynamique du manteau restent encore très mal contraints. Leur présence pose notamment de nombreuses questions sur la convection du manteau. On sait en effet que le manteau est animé de flux complexes qui participent aux mouvementsmouvements des plaques tectoniques en surface. L'ensemble du manteau serait ainsi « brassé », bien que sur des échelles de temps très longues. Comment, dans ce schéma, expliquer la présence des LLSVP ?

    Une équipe de chercheurs a ainsi tenté de mieux définir ces anomalies, notamment en observant la façon dont sont « amorties » les ondes sismiques lorsqu'elles les traversent. Cet amortissement est lié à la perte d'énergieénergie que connaissent les ondes au cours de leur trajet. Or, contrairement à ce qui était supposé, les chercheurs ont observé très peu d'amortissement des ondes sismiques lors de leur passage à travers les LLSVP. Normalement, un matériel chaud présente un fort amortissement. Les LLSVP montrent donc une signature physiquephysique qui ne peut s'expliquer uniquement par leur haute température. Pour les chercheurs, cette signature pourrait par contre donner des indications sur la taille des grains des minérauxminéraux à l'intérieur de ces anomalies.

    Des structures peut-être très anciennes qui ont survécu au brassage du manteau

    Plus la taille des grains est petite, plus le nombre de grains dans un volumevolume est grand. Le nombre de limites entre les grains est donc également important et cela entraîne un fort amortissement. Et inversement ! Dans le cas des LLSVP, le faible amortissement impliquerait donc peu de limites de grains, et donc des grains plus gros.

    Les LLSVP, ici en rouge, seraient composés de gros grains, ce qui indiquerait leur origine très ancienne. © <em>Utrecht University</em>
    Les LLSVP, ici en rouge, seraient composés de gros grains, ce qui indiquerait leur origine très ancienne. © Utrecht University

    Or, la présence de gros grains suggère que les LLSVP sont bien plus vieux que leur encaissant, et bien plus rigides ! Autant de caractéristiques qui suggèrent que le matériel qui les compose ne prend pas part à la convectionconvection du reste du manteau. Un résultat présenté dans la revue Nature et qui suggère que, contrairement à ce que présentent habituellement les schémas de convection mantellique, le manteau ne serait pas mélangé dans sa totalité, permettant aux LLSVP de survivre. Ces grandes structures pourraient ainsi avoir au moins un demi-milliard d'années.

    De nouvelles données importantes qui pourraient permettre de mieux comprendre l'évolution de notre Planète, et notamment son volcanisme. Les points chauds, ces grands panaches qui donnent naissance en surface aux archipelsarchipels volcaniques, comme Hawaï, pourraient en effet être produits sur les pourtours des LLSVP.