Une observation contrarie depuis longtemps les chercheurs : pourquoi la Terre et la Lune possèdent-elles la même composition chimique, alors que notre satellite est censé être le résultat d’une collision titanesque avec un autre planétésimal ayant sa propre signature chimique ? Grâce à de nouvelles analyses, des chercheurs auraient enfin trouvé une explication.


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    Il y a 4,5 milliards d'années, la Terre est entrée en collision avec une protoplanète nommée ThéiaThéia. De cet impact titanesque est née la Lune. Si cette partie de l'histoire est assez claire désormais, de nombreuses zones d'ombre persistent cependant. Comment expliquer, notamment, que la LuneLune possède une composition si similaire à celle de la Terre ?

    En théorie, notre satellite devrait en effet montrer une signature chimique héritée à la fois de la Terre et de Théia. Or, ce n'est clairement pas le cas et cette observation soulève de nombreuses questions. Deux explications semblent possibles : soit Théia et la proto-Terre étaient relativement semblables concernant la composition isotopique, soit la collision s'est accompagnée d'une homogénéisation intense du matériel provenant des deux planètes ou une combinaison des deux.

    Collision entre la Terre et Théia. © T. Pyle, Nasa, JPL-Caltech
    Collision entre la Terre et Théia. © T. Pyle, Nasa, JPL-Caltech

    La similitude de composition isotopique entre la Terre et la Lune confirmée

    Pour tirer cette histoire au clair, une équipe de chercheurs a donc conduit des analyses précises de la composition des roches lunaires et terrestres, en se focalisant sur les isotopesisotopes de l'oxygène. Les résultats, publiés dans la revue PNAS, confirment l'étonnante similarité de composition entre les roches lunaires et terrestres. Ils mettent également en évidence l'absence d'hétérogénéité isotopique dans le manteau supérieur de la Terre et de la Lune.

    Pour expliquer ces observations, tout en respectant les scénarios de la collision établis dans de précédentes études, les chercheurs avancent une nouvelle idée : « Notre explication est que Théia aurait perdu son manteau rocheux lors de précédentes collisions et aurait donc impacté la Terre sous la forme d'un boulet de canon métallique », explique Andreas PackPack de l'Université de Göttingen dans un communiqué de presse.

    Échantillons lunaires rapportés par les missions Apollo au laboratoire de Göttingen. © Andreas Pack
    Échantillons lunaires rapportés par les missions Apollo au laboratoire de Göttingen. © Andreas Pack

    Une collision avec une protoplanète totalement dénudée

    Lors de la collision, le matériel métallique de Théia, plus lourd que les silicates du manteau terrestre, aurait donc rapidement migré vers le noyau de la Terrenoyau de la Terre. La Lune, bien que résultant de cet impact titanesque, ne serait ainsi composée que de roches provenant du manteau terrestre, ce qui expliquerait la très forte similitude de composition.

    De nouvelles données concernant l’origine de l’eau sur Terre

    L'étude apporte également des éléments de réponse concernant un autre point débattu par les scientifiques : l’origine de l’eau sur Terre. Il est généralement admis que l'eau est arrivée sur Terre après la formation de la Lune, à travers une série d'impacts d'astéroïdesastéroïdes. Un événement que l'on connait sous le nom de Grand Bombardement tardif.

    L'hypothèse principale est que ces astéroïdes provenant du Système solaireSystème solaire extérieur auraient été riches en eau et en carbonecarbone. La pluie d'astéroïdes qui se serait alors abattue sur la Terre aurait ainsi participé à la formation d'eau liquideliquide à la surface de la toute jeune planète. Une théorie qui reste cependant controversée. L'un des arguments est, encore une fois, la proche similarité entre la Terre et la Lune en termes de composition. Car si l'on considère avec logique que la Terre a été touchée plus fréquemment par ces astéroïdes que la Lune, alors nous devrions observer une différence de composition isotopique pour l'oxygène entre la Terre et la Lune.

    Illustration du Grand Bombardement tardif. © Ron Miller, <em>International Space Art Work</em>
    Illustration du Grand Bombardement tardif. © Ron Miller, International Space Art Work

    Les nouveaux résultats montrent que ce n'est pas le cas, cela peut vouloir dire que les astéroïdes ayant participé au Grand Bombardement tardifGrand Bombardement tardif possédaient une composition isotopique similaire à celle de la Terre (et de la Lune) et n'étaient donc pas originaires de l'extérieur du Système solaire. Cette classe de météoritemétéorite s'appelle chondriteschondrites à enstatite. Il s'agit de météorites primitives, non différenciées, qui ont participé à la formation de la planète. Or, de précédentes analyses de chondrites à enstatites ont montré qu'elles étaient très riches en eau.

    Ces données suggèrent donc que la majorité de l'eau terrestre était déjà présente sur la planète avant la formation de la Lune et le Grand Bombardement tardif. Les météorites associées à ce dernier événement proviendraient non pas des confins du Système solaire, mais d'une zone bien plus interne.