La Terre a connu plusieurs extinctions de masse, dont certaines ont été causées par des impacts d’astéroïdes ou par des éruptions volcaniques majeures. Celle du Dévonien pourrait avoir été provoquée par une disparition momentanée de la couche d’ozone, disparition produite par l'explosion d'une supernova très proche du Système solaire dans la Voie lactée.


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    Si un jour vous visitez la Gaspésie, une région du Québec donnant sur l'Atlantique Nord, ne manquez pas l'occasion d'aller visiter le parc de Miguasha, c'est l'un des plus importants sites paléontologiques de la Terre et, depuis 1999, c'est un site naturel du Patrimoine mondial de l'Unesco. Les fossiles qu'on y trouve dans les archives sédimentaires de la Formation d'Escuminac datent du Dévonien, il y a environ 380 millions d'années, au moment où la Vie dans les océans allait prendre une nouvelle dimension en préparant les ancêtres des premiers vertébrés qui allaient explorer les continents.

    Rappelons que le Dévonien est une période géologique s'étendant de -419 à -358 millions d'années environ. Son stratotype - l'affleurement qui sert de référence pour définir un étage géologique, c'est-à-dire un étage de l'échelle stratigraphique - se trouve dans le Devonshire en Angleterre. Une visite au musée de Miguasha ne pourra que vous confirmer que le titre « âge des poissonspoissons » décerné au Dévonien est bien justifié, tant les poissons ont atteint une diversité substantielle pendant cette période.


    Situé dans la région du Québec méridional, sur la côte sud-ouest de la péninsule gaspésienne, le parc national de Miguasha est un site paléontologique remarquable, considéré comme la meilleure illustration de la période du Dévonien ou « âge des poissons ». Datée de 380 millions d'années, la formation d'Escuminac, Dévonien supérieur, renferme cinq des six groupes de poissons fossiles associés à cette période. L'importance de ce site tient au fait qu'on y trouve la plus grande concentration de spécimens fossiles de poissons à nageoires charnues – en état exceptionnel de conservation – qui sont les ancêtres des premiers vertébrés terrestres respirant de l'air : les tétrapodes. © Les Productions Rivard

    Une couche d'ozone détruite à l'âge des poissons

    Mais pour les paléontologuespaléontologues, le Dévonien c'est aussi un mystère car il a visiblement été marqué par l'une des cinq extinctions massives de la vie animale et végétale enregistrées au cours de l'histoire de la vie sur Terre. Cette crise biologique est complexe, elle semble se produire en trois fois sur une duréedurée d'environ 20 millions d'années et c'est pourquoi plusieurs causes ont été évoquées. L'une d'elles, comme l'expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous, fait intervenir la disparition de la couche d'ozonecouche d'ozone de notre Planète bleuePlanète bleue.

    Ce qui semble acquis en tout cas, c'est que cette extinction du Dévonien aboutit à la disparition de 19 % des familles et de 35 à 50 % des genres d'animaux marins, soit au total 75 % des espècesespèces animales qui s'évanouissent de la biosphèrebiosphère il y a entre -380 et -360 millions d'années environ. Mais, voilà qu'aujourd'hui une équipe de chercheurs menée par Brian Fields, professeur d'astronomie et de physiquephysique à l'université de l'Illinois, Urbana-Champaign, vient de publier un article en accès libre sur arXiv qui pousse un cran plus loin l'hypothèse d'une disparition de la couche d'ozone pour la crise biologique du Dévonien.


    Le nom Miguasha est d'origine Micmac, cette nation qui habitait autrefois la Gaspésie. À l'époque, ils appelaient le site « Megouasag », voulant dire « falaises rouges ». La partie supérieure des falaises est en effet de coloration rouge due à la formation géologique de Bonaventure, beaucoup plus récente que la formation d'Escuminac qui est le centre d'intérêt pour les scientifiques et visiteurs à Miguasha. C'est au médecin Abraham Gesner qu'on associe la découverte de la richesse fossilifère de Miguasha. Gesner a découvert plusieurs fossiles qu'il a décrits dans son rapport publié en 1843. La période du Dévonien est surnommée « l'âge des poissons » parce que la majorité des évènements évolutifs identifiés par les paléontologues concernent l'évolution des poissons, incluant l'extinction ou l'apparition de certaines espèces et la diversification de différents groupes de poissons encore présents aujourd'hui. Le site de Miguasha est d'une importance capitale, car il occupe le premier rang mondial pour le nombre et la qualité de conservation des spécimens fossiles des premiers vertébrés terrestres à quatre pattes. © Les Productions Rivard

    Comme l'expliquait Futura, on sait que l'on trouve à la limite Dévonien-CarbonifèreCarbonifère des roches sédimentairesroches sédimentaires qui gardent la mémoire fossilisée des centaines de milliers de générations de spores végétales qui semblent avoir été brûlées par les UVUV du SoleilSoleil, ce qui est la preuve d'un événement d'appauvrissement de la couche d'ozone de longue durée. Mais quelle serait la cause d'une telle déplétiondéplétion ?

    Des supernovae en série à 65 années-lumière du Soleil ?

    Pour Brian Fields, comme il l'explique dans un communiqué de l'université de l'Illinois : « Les catastrophes terrestres telles que le volcanismevolcanisme à grande échelle et le réchauffement climatiqueréchauffement climatique peuvent également détruire la couche d'ozone, mais les preuves de celles-ci ne sont pas concluantes pour l'intervalle de temps en question. Au lieu de cela, nous proposons qu'une ou plusieurs explosions de supernovasupernova, à environ 65 années-lumièreannées-lumière de la Terre, auraient pu être responsables de la perte prolongée d'ozone ». Coautrice de l'article publié, la doctorante Adrienne Ertel ajoute que : « Pour mettre cela en perspective, l'une des menaces de supernova les plus proches aujourd'hui vient de l'étoile Bételgeuse, qui est à plus de 600 années-lumière et bien en dehors de la distance de destruction de 25 années-lumière ».

    Une supernova proche du Système solaireSystème solaire ne ferait pas qu'inonder très temporairement la Terre et sa biosphère dans un flot délétère pour les moléculesmolécules d'ozone et d'ADNADN de rayons Xrayons X et gamma. Le flux de rayons cosmiquesrayons cosmiques sous forme de particules chargées accélérées par les ondes de choc de l'explosion, notamment des noyaux radioactifs, serait bien plus pérenne, s'étendant sur une durée pouvant atteindre 100.000 années.

    Cependant, pour recouper le fait que l'on constate un déclin étalé de la biodiversitébiodiversité menant à l'extinction du Dévonien-Carbonifère, il faudrait sans doute faire intervenir plusieurs explosions rapprochées de supernova. Cela peut paraître très improbable mais ce serait oublier que les supernovae de type SN II se produisent avec des étoilesétoiles massives évoluant en quelques millions d'années et qui naissent en même temps dans des pouponnières donnant des amas ouverts d'étoilesamas ouverts d'étoiles.

    Il existe un moyen de tester cette hypothèse. Il faudrait retrouver des traces d'isotopesisotopes radioactifs bien particuliers dans les sédimentssédiments de la fin du Dévonien, des isotopes comme le plutoniumplutonium-244 et samariumsamarium-146 qui ne peuvent être synthétisés que lors de l'explosion d'une supernova.

     


    C'est un trou dans la couche d’ozone qui serait responsable de l'extinction massive du Dévonien

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 29/05/2020

    La Terre a connu plusieurs épisodes d'extinction de masseextinction de masse. Causés par des impacts d'astéroïdeastéroïde ou par des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques majeures. Mais l'une d'elles restait toujours sans explication. Des chercheurs pourraient bien en avoir trouvé la cause à présent dans une disparition momentanée de la couche d'ozone.

    Les impacts d’astéroïdes -- comme celui qui a mené des dinosauresdinosaures à leur perte il y a environ 65 millions d'années -- et les éruptions volcaniques majeures -- dont celle qui a déstabilisé nos océans et notre atmosphèreatmosphère il y a quelque 250 millions d'années -- sont les deux grandes causes d'extinction de masse sur Terre. (Sans compter désormais les activités humaines responsables de la sixième en cours.) Mais des chercheurs de l’université de Southampton (Royaume-Uni) estiment aujourd'hui qu'un autre phénomène a déjà, par le passé, causé une extinction massive sur notre Planète : une brève disparition de la couche d'ozone.

    Rappelons qu'il y a 359 millions d'années, à la fin de ce que les chercheurs connaissent sous le nom de période géologique du Dévonien, la Terre se remettait tout juste de l'une de ses extinctions de masse les plus importantes, survenue 12 millions d'années plus tôt. Les poissons sortaient timidement de l'eau. Alors que les forêts de plantes à spores prospéraient. Notre Planète, quant à elle, sortait de l'une de ces périodes glaciairespériodes glaciaires les plus intenses. Les températures grimpaient en flèche. Et la Terre a dû faire face à une nouvelle extinction. Apparemment sans raison.

    Mais les chercheurs de l'université de Southampton ont trouvé des preuves, dans des roches collectées dans les régions montagneuses de l'est du Groenland et dans les Andes, qui pourraient indiquer des niveaux élevés de rayonnements ultraviolets (UV) au cours de cette période. Des preuves qu'un réchauffement climatique peut appauvrir notre couche d'ozone.

    À gauche, une spore normale, à droite, une spore présentant des malformations que les chercheurs de l’université de Southampton interprètent comme dues à des dommages causés à leur ADN par des rayonnements ultraviolets (UV). © Université de Southampton
    À gauche, une spore normale, à droite, une spore présentant des malformations que les chercheurs de l’université de Southampton interprètent comme dues à des dommages causés à leur ADN par des rayonnements ultraviolets (UV). © Université de Southampton

    Un trou dans la couche d’ozone causé par le réchauffement climatique

    En dissolvant ces roches à l'aide d'acideacide fluorhydrique, ils ont en effet libéré des spores végétales microscopiques conservées là depuis des millions d'années. Et un examen microscopique a montré des structures et des parois fortement pigmentées -- comme un « bronzage » -- trahissant des dommages liés à l'action de rayonnements UV. Ce qui a mené les chercheurs à conclure que pendant cette période de réchauffement naturel, la couche d’ozone -- qui habituellement protège la Terre des rayons UV -- s'est vue altérée sur une courte période. Par l'injection dans la stratosphèrestratosphère de quantités inhabituelles d'eau et de sels. La vie sur notre Planète a ainsi été exposée à des niveaux de rayonnements nocifs, déclenchant un événement d'extinction de masse, sur les terres et dans les eaux peu profondes.

    Cet épisode est loin d'être anodin dans l'histoire de la Terre. Il a exterminé la plupart des tétrapodestétrapodes, ces poissons à quatre pattes qui avaient commencé à former des doigts. Seuls les individus terrestres à cinq doigts ont survécu. « Les lignées archaïques ont été littéralement mises hors-jeu. De quoi reconsidérer notre propre évolution », fait remarquer John Marshall dans le communiqué de l’université de Southampton.

    Avec le réchauffement climatique, nous pourrions être exposés à des radiations mortelles.

    « Les estimations actuelles suggèrent que nous devrions atteindre des températures similaires à celles d'il y a 360 millions d'années, avec la possibilité qu'un effondrementeffondrement similaire de la couche d'ozone puisse se reproduire, nous exposant à des radiations mortelles », met en garde le chercheur. Si son équipe a vu juste, l'urgence climatique que nous vivons aujourd'hui deviendrait encore plus sérieuse.